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150 gigawatts d’éolien en mer pourront-ils satisfaire les besoins électriques de 150 millions de ménages ?

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Author(s): Romane Bonnemé, RTBF

Un récent accord entre la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark prévoit l’installation de 150 GW d’éolien en mer du Nord pour approvisionner “150 millions de familles”, selon la ministre belge de l’énergie, Tinne Van der Straeten. Si cette équivalence est correcte, elle omet les besoins électriques des autres secteurs de l’économie, dont la consommation croissante représente une part bien plus importante – et moins “verte” – que celles des ménages.

Transformer la mer du Nord en la plus grande centrale électrique renouvelable.” Telle est l’ambition de l’accord conclu ce 18 mai entre la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et l’Allemagne.

Les quatre pays signataires ambitionnent de multiplier par quatre le parc éolien en mer d’ici 2030 en vue d’atteindre 150 gigawatts (GW) d’électricité pour le milieu du siècle.

La ministre belge de l’énergie, Tinne Van der Straeten, se réjouit sur Twitter de cette collaboration “historique” qui permettrait, selon ses termes dans une publication sur Twitter, de fournir du courant pour “150 millions de familles”.

Pourtant, en commentaire de ce post, certains utilisateurs du réseau social doutent, trouvant cette projection “très optimiste” ou trop loin du “100% renouvelable“.

Qu’en est-il dans les faits : 150 GW d’éoliennes en mer pourront-ils vraiment satisfaire les besoins électriques de 150 familles en 2050 comme l’annonce Tinne Van der Straeten ?

Une équivalence réaliste

Pour savoir si 150 GW d’électricité éolienne pourraient répondre à cette demande, il faut d’abord savoir de quelle demande parle-t-on. En 2015 en Belgique, une famille (soit entre 3 et 4 personnes) consommait environ 3,5 mégawattheures (MWh) d’électricité (proportion en légère baisse ces dernières années). La demande de 150 millions de familles correspondrait donc à environ 525 millions de MWh par an

Sachant qu’une éolienne ne produit pas de l’électricité 100% du temps, il faut déduire combien d’électricité sera effectivement issue de ces 150 GW à la fin de l’année. “Sur une année, une unité d’éolienne en mer a produit de l’électricité 40/42% du temps au maximum de sa puissance“, estime Francesco Contino, chercheur dans le domaine de l’énergie à l’UCLouvain.

Suivant ce facteur de charge, 150 GW de capacité électricité a une production d’électricité effective de l’ordre de 551 millions de MWh soit un peu plus que la consommation annuelle de 150 millions de familles.

Production de l’éolien offshore en Mer du Nord en 2050 Claire Pineux

L’objectif semble donc atteint. 150 GW d’éolien en mer équivalent bien aux besoins électriques de 150 millions de familles, comme l’affirme Tinne Van der Straeten.

Toutefois, exprimer une production d’énergie électrique en nombre de ménages peut être “l’arbre qui cache la forêt car il ne faut pas oublier les autres consommations, notamment dans le futur“, commente Francesco Contino.

150 GW pas entièrement consommés par des ménages

La consommation d’électricité en Europe devrait, en effet, plus que doubler d’ici 2050 par rapport à 2015, d’après la Commission européenne (entre +41% et +53% selon les scénarios). Cette augmentation pourrait aller jusqu’à 60% selon la fédération de l’industrie électrique européenne Eurelectric.

Ce bondissement de la consommation d’électricité concerne non seulement les ménages mais aussi et surtout, les autres secteurs de l’économie.

Les ménages ne sont, en effet, pas les plus gros consommateurs d’électricité. En Belgique par exemple, ils arrivaient en 2019 à la troisième place de la consommation finale d’électricité avec une part de 22%, derrière l’industrie (45,8%) et les services (25,8%) selon les chiffres de SPF Energie compilés par la Fédération Belge des Entreprises Électriques et Gazières.

En Europe, le secteur des transports devrait connaître “le développement le plus spectaculaire de sa consommation d’électricité” parmi tous les secteurs de l’économie, selon la Commission européenne cette demande en électricité devrait ainsi être multipliée par 10 entre 2019 et 2050.

On estime ainsi à 214 millions le nombre de véhicules électriques qui sillonneront les routes européennes en 2050, soit plus 60% du parc automobile, d’après le projet de recherche européen HeatRoadMap (contre 55 millions prévus en 2030). Une autre estimation plus tempérée de l’organisation Transport & Environnement projette plutôt une augmentation de 30 millions de voitures particulières électriques à batteries à l’horizon 2050. “Cela entraînera une demande supplémentaire de 85 TWh, soit une augmentation inférieure à 3% de la demande globale d’électricité“, peut-on lire dans leur rapport.

Quant au secteur de l’industrie, le plus consommateur d’énergie en Europe, il est aussi sur la voie d’une électrification massive à l’horizon 2050. La part de sa consommation électrique devrait augmenter de 46% entre 2019 et 2050 selon les prévisions de la Commission européenne.

L’électricité produite en 2050 devra donc non seulement satisfaire une demande toujours plus grande en électricité des ménages, mais aussi et surtout des autres secteurs.

Une goutte d’eau dans un océan de pétrole

Même si la part de l’électricité dans tous les secteurs de l’économie va croître, il n’en demeure pas moins que les secteurs de l’industrie, du chauffage, du transport ou du tertiaire restent et resteront, en effet, encore très fortement dépendants des énergies fossiles, l’électricité ne constituant qu’une fraction de la consommation finale d’énergie. Tandis qu’en 2019, la majorité de l’électricité en Europe est produite à partir de charbon, puis du gaz et du nucléaire, la Commission européenne pour 2050 prévoit que celle-ci émane d’abord de l’énergie éolienne, le nucléaire et le gaz restant dans le trio de tête des sources d’électricité.

La consommation d’électricité des ménages est donc une infime part de la consommation totale d’énergie en Europe, “de l’ordre de 4%” selon Francesco Contino. “Il vaut donc mieux parler de pourcentage de la consommation finale d’énergie plutôt que de ménage. Cela donnera une meilleure idée de ce qu’il reste à accomplir”, conclut le chercheur.