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Cette vidéo d’une manifestation anti-UE à Rome n’est pas récente: elle date de 2013

Cette vidéo d'une manifestation anti-UE à Rome n'est pas récente: elle date de 2013 - Featured image

Author(s): Marie GENRIES, Théophile BLOUDANIS, AFP Grèce

Alors que l’extrême-droite vient de remporter les élections législatives en Italie, une vidéo vieille de plusieurs années, montrant une manifestation anti-Union européenne à Rome, est partagée par des internautes affirmant qu’elle a été tournée récemment. Mais ces images, si elles montrent bien des militants d’extrême-droite décrocher un drapeau de l’Union européenne, ont été tournées en 2013. 

Sur cette vidéo, on voit une foule de manifestants brandissant des drapeaux italiens en criant “Italie, nation, révolution”. Plusieurs portent des masques peints aux couleurs du drapeau italien. Au-dessus d’eux, un homme perché sur une balustrade décroche un drapeau de l’Union européenne et le brandit avant de le lancer au sol. A partir de 0’35, on voit la police tenter de faire reculer les manifestants.

“Des italiens se sont rendu (sic) au siège de l’UE à Rome, ont retiré le drapeau de l’UE et l’ont remplacé par celui de l’Italie. Les menaces sordides d’Ursula von der Leyen ne font pas peur aux Italiens. L’Italie appartient au peuple italien !”, commente l’auteur de cette publication. La vidéo a été partagée plus de 6.000 fois depuis le 24 septembre 2022, la veille de la victoire de la candidate d’extrême-droite Giorgia Meloni.

Capture d’écran réalisée le 27/09/2022 sur Facebook

La même vidéo a été relayée avec une description similaire sur Instagram, Twitter et Telegram. Elle a également été partagée en grec et vérifiée par l’AFP dans cette langue ainsi, par exemple, qu’en bulgare.

Les premières occurrences de telles publications apparaissent en français le 24 septembre 2022, deux jours après une déclaration de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a évoqué “les instruments” à la disposition de Bruxelles pour sanctionner d’éventuelles atteintes aux principes démocratiques de l’UE en cas de victoire des ultra-conservateurs italiens aux législatives. C’est sans doute à ces déclarations que les internautes renvoient lorsqu’ils évoquent les “menaces” de Mme von der Leyen.

Cette déclaration a entraîné la colère de l’extrême-droite italienne. Le 23 septembre, le parti populiste la Ligue, dirigé par Matteo Salvini, a organisé un “sit-in” devant le siège de la Commission européenne à Rome. Selon un journaliste vidéo de l’AFP, présent sur place, cette manifestation était très calme et aucun drapeau de l’Union européenne n’a été retiré.

La vidéo partagée dans les publications que nous vérifions montre également une manifestation devant le quartier général de la Commission européenne à Rome. Mais elle date de 2013 et a été sortie de son contexte.

Une vidéo tournée en décembre 2013

Une recherche de vidéo inversée avec l’outil Invid puis avec le moteur de recherche russe Yandex renvoie à deux vidéos: l’une publiée le 15 décembre 2013 par une chaîne Youtube russe et une autre, plus longue, publiée le 17 décembre 2013 sur une chaîne Youtube française. Dans ces deux vidéos, on reconnaît les militants aux masques vert, blanc, rouge ainsi que la scène de l’enlèvement du drapeau européen.

En cherchant les mots-clés trouvés sur YouTube en italien sur Google, on retrouve un article du quotidien italien il Fatto Quotidiano, publié le 14 décembre 2013. Le journaliste décrit une manifestation survenue ce jour-là devant le siège de la Commission européenne à Rome, organisée notamment par les militants du groupe néofasciste CasaPound. Le journaliste décrit une charge de la police et l’arrestation du vice-président de CasaPound, Simone Di Stefano.

Une autre recherche renvoie ensuite à cette vidéo en italien, publiée le 19 décembre 2013 sur un compte au nom de l’organisation, “CasaPound Italia”, et intitulée “Raid de CasaPound au siège de l’UE (…) – 14 décembre 2013”.

A 0’40, un zoom sur le bâtiment permet de déchiffrer clairement “Parlamento Europeo – Ufficio d’informazione in Italia” – une recherche rapide avec l’outil Google maps permet de vérifier qu’il s’agit bien du siège de la Commission européenne et du Parlement européen à Rome.

Capture d’écran réalisée sur Youtube le 27/09/2022

 La séquence visible dans les vidéos relayées sur les réseaux sociaux apparaît à partir de 2’39.

Cette action a été relayée dans une dépêche de l’AFP le 14 décembre 2013, qui évoque plusieurs manifestations dans tout le pays, dans un contexte de crise économique. “Des militants d’extrême droite portant des masques aux couleurs du drapeau italien et des cordes autour de leurs cous se sont également rassemblés devant les bureaux de la Commission européenne à Rome et se sont emparés du drapeau européen avant d’être chassés par la police”, est-il écrit dans cette dépêche.

Une dépêche de Reuters publiée le même jour décrit également cette action, expliquant qu’un “groupe néofasciste italien a escaladé la façade du siège de la Commission européenne à Rome et arraché le drapeau de l’UE samedi, après une semaine de manifestations contre les difficultés économiques et l’austérité dans le pays” et mentionnant CasaPound.

Il s’agit donc bien d’une action qui a eu lieu devant la représentation de la Commission européenne à Rome, mais en 2013 et pas à la suite d’une récente déclaration d’Ursula von der Leyen, qui n’était pas encore présidente de la Commission à l’époque.

“CasaPound” est un groupe néo-fasciste, connu en Italie pour avoir occupé des bâtiments à Rome et pour ses “actions” pour les familles pauvres, mais aussi pour ses positions contre l’immigration et la mondialisation.

Une recherche en italien sur les principaux moteurs de recherche ne donne aucun résultat concernant une manifestation récente de CasaPound à Rome. La dernière mention d’une manifestation de ce groupe remonte à mai 2022, lorsqu’il s’est vu refuser l’accès à la Piazza di Santa Maria Maggiore à Rome.

Tractations pour former un nouveau gouvernement

Une période d’incertitude s’est ouverte en Italie après la victoire aux législatives de la post-fasciste Giorgia Meloni, aux commandes d’une coalition divisée qui devra s’accorder sur un gouvernement avant d’affronter la crise économique, face à une Europe et à des marchés inquiets.

La Commission européenne espère qu’elle aura “une coopération constructive avec les nouvelles autorités italiennes, selon son porte-parole Eric Mamer. “La Commission et la présidente Ursula von der Leyen travaillent avec les gouvernements issus des élections des pays de l’Union européenne. Il n’en va pas différemment dans ce cas-ci”, a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse lundi 26 septembre.

Le nouvel exécutif succèdera au cabinet d’union nationale dirigé depuis janvier 2021 par Mario Draghi, l’ancien chef de la Banque centrale européenne (BCE) appelé au chevet de la troisième économie de la zone euro, mise à genoux par la pandémie.

Mario Draghi avait négocié avec Bruxelles l’octroi de près de 200 milliards d’euros d’aides financières à l’Italie en échange de profondes réformes économiques et institutionnelles, une manne qui représente la part du lion du plan de relance européen. Cet accord a été considéré par certains Italiens comme un nouveau “diktat” imposé par l’UE.

L’ex-Premier ministre italien avait déclaré en août que le nouveau gouvernement devrait respecter les promesses de réforme faites à Bruxelles et rester “au cœur de l’UE et des alliances internationales”.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.32K84U7.