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Des plantes pour tomber enceinte ? Attention à ces allégations infondées

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Author(s): Julie Charpentrat, AFP France

Des plantes qui “boostent la fertilité”,  des “plantes et tisanes naturelles pour tomber enceinte” : de nombreux articles et blogs partagés sur les réseaux sociaux n’hésitent pas à vanter ces prétendues vertus au trèfle rouge, au framboisier ou à l’ortie. Pourtant, ces allégations sont sans fondement scientifique, ont expliqué à l’AFP plusieurs médecins. De plus, si la consommation de tisanes ou d’infusions est en général sans danger, la foi en ces faux remèdes peut retarder la prise en charge médicale en cas d’infertilité, préviennent les professionnels.

“Envie de bébé : les 3 plantes qui boostent la fertilité” – Si votre souhait le plus cher est de faire un bébé en 2021, c’est le moment de vous rendre chez l’herboriste et de choisir les plantes ‘fertility friendly’ avec lesquelles vous ferez désormais vos tisanes”, peut-on lire dans cet article daté de 2020 dans sur le site du magazine TopSanté en 2020. En photo d’illustration, un test de grossesse positif.

Dans les “Astuces de grand-mère pour tomber enceinte”, un article du site enfant.com de février 2022 avance qu’il “existe un remède de grand-mère qui permettrait de concevoir un bébé plus rapidement. Le principe est simple : il consiste à boire des infusions à base d’ail, de gingembre et de miel”. “Sachez que d’autres végétaux sont également connus pour favoriser une grossesse : on y retrouve par exemple l’ortie, le trèfle vert, la feuille de framboisier ou encore la lavande”,  poursuit le texte.

Framboisier “bénéfique à la fertilité ” et “trèfle rouge”  qui aide “à équilibrer les hormones et restaurer la fertilité”, également au menu de cet article de naturellemaman.com en 2018. Quant à influencesante.fr, cet article de 2020 propose “9 plantes pour booster votre fertilité”.

Si comme le disent aussi certains de ces articles, avoir une bonne hygiène de vie, réduire le stress et limiter le café ou l’alcool sont reconnus comme des facteurs pouvant favoriser une grossesse, la consommation de plantes n’est pas considérée scientifiquement comme agissant favorablement sur la fertilité.

Pas de fondement scientifique

Il n’y a “aucun élément de preuve d’efficacité de ces facteurs”, explique le Pr Rachel Lévy, cheffe du service de biologie de la reproduction – CECOS, à l’hôpital Tenon à Paris, interrogée par l’AFP sur ces allégations.

“Aucune étude scientifique  n’a montré d’effet positif des plantes sur la fertilité”, confirme aussi à l’AFP Joëlle Belaïsch-Allart, gynécologue, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).

“Je n’ai pas connaissance d’étude scientifique qui prouve l’efficacité de la naturopathie”, indique pour sa part à l’AFP la gynécologue Marie de Crécy, membre de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM), interrogée également sur les vertus prêtées aux plantes en matière de fertilité.

“Si [les femmes] veulent le faire [consommer des plantes], elles peuvent le faire mais il ne faut pas qu’elles attendent que ça booste” quoique ce soit, ajoute la médecin.

Une fleur de trèfle rouge en Norvège en 2019 ( AFP / ODD ANDERSEN)

Les Décodeurs du Monde avait consacré un long article en 2019 sur les idées reçues en matière de fertilité.

“La baisse de fertilité est un phénomène qui prend forme sur des années… Prescrire des plantes comme seul remède est une ‘fake news’ médicale, en résumé”, y indiquait le gynécologue médical et obstétrique Nathan Wrobel.

“Des plantes qui boosteraient la fertilité, franchement, je ne vois pas”, dit aussi à l’AFP Catherine Bennetau-Pelissero, responsable du parcours “Plantes à Valeur Santé et Biomolécules d’intérêt”, master biologie agrosciences (Université de Bordeaux).

En revanche, certains végétaux -comme le soja, qui contient des isoflavones- sont soupçonnés de jouer un rôle sur la fertilité, via les phyto-estrogènes qu’ils contiennent, souligne l’experte.

Mais si leur rôle reste encore à déterminer précisément, les soupçons portent en tout état de cause sur un possible “effet contraceptif”, l’apport d’estrogènes pouvant agir à la façon de la pilule, c’est-à-dire précisément l’inverse de ce qui est avancé dans les articles que nous examinons, dit encore Catherine Bennetau-Pelissero.

Si l’on se contente de boire des infusions de plantes, “l’un des risques, c’est surtout de retarder une consultation et un diagnostic médical en cas de vrai problème”, prévenait aussi dans Le Monde Pia de Reilhac, gynécologue médicale et présidente d’honneur de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale.

“Il ne faut pas que ça retarde une demande de  prise en charge si au bout d’un an elles n’ont aucune grossesse, ou six mois si elles ont plus de 38 ans”, abonde Marie de Crécy.

Pour autant, note le Dr de Crécy, “il faut insister sur le fait que le stress impacte l’ovulation. Donc on peut voir des bénéfices indirects si on prend des tisanes pour s’apaiser, être moins anxieuse, là, je dis ‘pourquoi pas'”.

A cet égard, “il n’y a pas que les plantes, citons aussi la relaxation, la sophrologie, le yoga… qui peuvent permettent de mieux dormir par exemple”, poursuit-elle.

Une femme enceinte à Hong Kong en 2020 ( AFP / ANTHONY WALLACE)

L’infertilité,  un problème de santé publique

L’infertilité est définie par l’OMS comme “une affection du système reproducteur masculin ou féminin définie par l’impossibilité d’aboutir à une grossesse après 12 mois ou plus de rapports sexuels non protégés réguliers”.  “On estime qu’entre 48 millions de couples et 186 millions de personnes sont touchés par l’infertilité dans le monde”, détaille l’Organisation mondiale de la santé sur une page de son site internet datée de 2020.

La stérilité, elle, désigne l’impossibilité totale de concevoir un enfant naturellement, lorsque les chances d’obtenir une grossesse sont nulles.

“Chez l’homme, l’infertilité est le plus souvent causée par des problèmes d’excrétion du liquide séminal, l’absence ou de faibles niveaux de spermatozoïdes, ou encore une anomalie au niveau de la forme et du mouvement des spermatozoïdes” tandis que “chez la femme, l’infertilité peut être due à toute une série d’anomalies des ovaires, de l’utérus, des trompes de Fallope et du système endocrinien, entre autres”, détaille l’OMS.

Le ministère français de la Santé a commandé un rapport sur ce problème de santé publique, sorti en février 2022 : Rapport sur les causes d’infertilité – Vers une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité”.

Le rapport note notamment que “la fréquence de l’infertilité masculine et féminine n’a cessé d’augmenter de façon particulièrement inquiétante, notamment au cours des vingt dernières années” mais que pourtant, “l’infertilité demeure un sujet peu débattu”, “encore trop souvent reléguée au second plan, à une simple ‘histoire de bonne femme'”

Selon les rapporteurs, “il est possible d’estimer que parmi les 24 millions d’adultes âgés de 20-49 ans en France, 3,3 millions de femmes et d’hommes ont rencontré dans leur couple des problèmes d’infertilité nécessitant une aide médicale”. 

Selon l’Inserm, “dans trois quarts des cas, l’infertilité est d’origine masculine, féminine, ou elle associe les deux sexes. Dans 10 à 25% elle n’est pas attribuable à un défaut spécifique d’un des deux partenaires”. 

L’augmentation des problèmes d’infertilité est liée à un “recul de l’âge à la maternité”, à “des facteurs environnementaux” des “causes médicales”, les trois facteurs pouvant se combiner.

La prise en charge de l’infertilité passe souvent par des traitements hormonaux via des comprimés ou des injections de produits précisément conçus et dosés médicalement. Des traitements chirurgicaux peuvent aussi intervenir, ainsi que l’insémination ou la fécondation in vitro (FIV).

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.328N888.