Scroll Top

Vous consultez actuellement le site web de EDMO BELUX en Français. Pour d'autres fact-checks, ou du contenu relatif à d'autres langues, veuillez cliquer sur l'icône avec le drapeau pour changer de langue.

Le ramadan n’est pas responsable des rayons vides dans certains supermarchés, ni de l’absence d’huile de tournesol

Le ramadan n'est pas responsable des rayons vides dans certains supermarchés, ni de l'absence d'huile de tournesol - Featured image

Author(s): Guillaume Guilbert et Grégoire Ryckmans

Plusieurs extraits d’un reportage de la chaîne française BFMTV sur la pénurie d’huile de tournesol circulent sur les réseaux sociaux. Dans ces courtes vidéos, le commentaire indique que cette pénurie s’explique “par l’arrivée du ramadan”. Si certains supermarchés ont connu ponctuellement des rayons d’huile de tournesol totalement vides, il n’y a pas à proprement parler de pénurie. Par ailleurs, si dans certains magasins ces rayons se sont retrouvés vides, c’est essentiellement à cause de la guerre en Ukraine. Enfin, si le ramadan a pu contribuer à une hausse des achats d’huile entrainant temporairement et localement en France un manque dans certains rayons, cet effet n’a pas été observé en Belgique.

C’est un petit extrait de huit secondes d’un reportage de BFMTV sur la pénurie d’huile de tournesol qui a suscité énormément de réactions, notamment sur Twitter. “Cette pénurie s’explique dans un premier temps par l’arrivée du ramadan. Cette huile est très utilisée par les musulmans pour préparer les beignets traditionnels de rupture du jeûne”, explique la voix off du journaliste sur des images de rayons vidés de leurs bouteilles d’huile de tournesol.

L’extrait en question a été publié le 23 avril et a déjà été vu plus de 2,5 millions de fois au moment d’écrire ces lignes. Le rapprochement fait avec le ramadan suscite de vives réactions dans les commentaires et circule parmis des utilisateurs francophones en Belgique.

Coût de l’huile de tournesol et guerre en Ukraine expliquent des rayons vides

D’après Libération, le reportage a été diffusé le 8 avril sur la chaîne BFM Paris, et non sur l’antenne nationale. Il est d’ailleurs lancé par le présentateur comme un phénomène local puisqu’il ne porte que sur la situation d’un magasin à Mantes-la-Jolie, à l’ouest de Paris, et non sur l’ensemble du pays.

Dans d’autres extraits plus longs du reportage qui circulent sur Twitter, le journaliste en voix off qui explique qu’en plus du ramadan, le coût plus faible de l’huile de tournesol et la guerre en Ukraine sont aussi à l’origine du manque constaté dans les rayons de certains magasins. En effet, la majorité des huiles de tournesol vendues en France et en Belgique est produite en Ukraine et en Russie.

Si la guerre en Ukraine est bien la cause principale de la baisse d’approvisionnement en huile de tournesol dans nos magasins, le journal Le Parisien a tout de même publié un article le 6 avril dans lequel il relate des “scènes de razzias lors du premier week-end d’avril dans les commerces autour de Mante-la-Jolie”.

Le journal fait également le lien avec le début du ramadan. Le journal Libération est allé à la rencontre de gérants de plusieurs grandes surfaces de la commune. Si l’un confirme que le ramadan joue beaucoup sur les ventes dans cette ville où il y a une importante communauté musulmane, l’autre refuse de faire ce lien et pointe plutôt la rupture de stock au niveau national.

Y a-t-il des rayons d’huile vides en Belgique ?

La Belgique étant également dépendante de l’Ukraine et de la Russie pour l’approvisionnement en huile de tournesol, nos magasins sont aussi touchés par le phénomène et ont connu des problèmes de stock.

Le 18 mars, soit deux semaines avant le début du ramadan en Belgique, Colruyt limitait la vente d’huile de tournesol à deux bouteilles par clients. Mais pas question de parler de pénurie chez Colruyt : “Pour une consommation normale, on ne peut pas considérer que nous sommes face à une pénurie. Mais nous avons décidé de rationner à deux bouteilles par client parce qu’avec tous les articles sortis dans la presse, il y avait un début de comportement d’achats massifs. Ce qui est anormal par rapport à une offre jusqu’à présent normale”.

Même son de cloche du côté de l’enseigne Delhaize qui ne parle pas non plus de pénurie, et souligne qu’il existe des alternatives à l’huile de tournesol comme l’huile d’olive ou l’huile de colza. “Nous n’avons pas constaté d’effet ramadan dans nos magasins, rien ne nous a été remonté en ce sens”, explique l’enseigne. “Nous approvisionnons nos magasins en fonction des moments de l’année, détaille l’enseigne Colruyt. Par exemple en été, nous allons plus approvisionner en produits pour le barbecue. Donc le ramadan fait partie des moments de l’année où on adapte notre approvisionnement en huile et en farine pour les pâtisseries consommées lors de la rupture du jeûne. Mais c’est quelque chose que l’on fait chaque année, donc dire que le ramadan a provoqué une pénurie d’huile, c’est faux”.

Quant aux prix des bouteilles d’huile en magasin, difficile de savoir comment ils vont évoluer en fonction de la situation en Ukraine. “Ce mois-ci, la FAO, l’organisation des Nations Unies pour la production agricole, a annoncé que le prix des huiles végétales a augmenté de 23%. Mais c’est le prix de la ressource. Cela ne veut pas dire que cette augmentation va entièrement se répercuter sur le prix de votre bouteille d’huile achetée en supermarché. Il est encore très difficile de savoir si nous avons atteint le pic, il est encore possible que le prix de ces huiles augmente”, explique Christophe Sancy, rédacteur en chef de la revue Gondola, spécialiste dans la grande distribution.

Pas de pénurie à l’heure actuelle et des alternatives possibles

Parler de pénurie d’huile de tournesol est donc excessif, même s’il y a bien des diminutions de stocks qui touchent tout le territoire et qui sont liées au conflit en Ukraine et à une réaction d’une partie des consommateurs. Certains d’entre eux en ont acheté plus que d’habitude par crainte de manquer, ce qui a généré des problèmes de stocks dans certaines enseignes.

Face à cette situation et aux nombreux reportages réalisés sur le sujet, certains phénomènes très locaux d’achats massifs ont donc bien été observés, ce qui a mené à la décision de certaines chaînes de limiter la vente de bouteilles par client.

Quant au lien avec le ramadan, il n’est pas du tout établi chez nous vu que la question des stocks d’huile de tournesol a émergé avant cette période. S’il peut y avoir des rayons vides localement, cela s’explique par une hausse ponctuelle de la consommation, comme un manque de brochettes dans un supermarché les jours propices aux barbecues.

L’extrait court du reportage de BFMTV sur la “pénurie d’huile de tournesol” a par ailleurs été diffusé hors de son contexte, à savoir une situation locale. Le compte Twitter qui a diffusé la vidéo a d’ailleurs ajouté un commentaire indiquant que c’est la guerre en Ukraine qui est “responsable de cette raréfaction/pénurie”,” car le pays représente 50% des exportations mondiales d’huile de tournesol”.

Enfin, en cas de réelle pénurie qui pourrait apparaître dans les semaines ou mois à venir, l’huile d’arachide, l’huile d’olive, l’huile de pépin de raisin et l’huile de colza sont des alternatives solides à l’utilisation de l’huile de tournesol.