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Séisme en Turquie et en Syrie : le projet américain HAARP sur le climat n’est pas à l’origine du tremblement de terre

Séisme en Turquie et en Syrie : le projet américain HAARP sur le climat n’est pas à l’origine du tremblement de terre - Featured image

Author(s): Grégoire Ryckmans avec AFP Factuel

En janvier 2023, un nuage lenticulaire particulier a été observé au-dessus de Bursa en Turquie et a été largement photographié et filmé. Rapidement après le tremblement de terre dévastateur survenu à la frontière entre la Turquie et la Syrie, des utilisateurs des réseaux sociaux ont tenté d’établir un lien entre le nuage et des interférences provenant d’un programme de recherche basée aux États-Unis appelé HAARP. Ce lien de cause à effet est pourtant inexact car il est impossible que HAARP perturbe la météo au point de créer des nuages, selon plusieurs experts. Le nuage qui est apparu trois semaines avant le tremblement de terre en Turquie est un phénomène naturel.

Le centre de recherche HAARP, basé en Alaska, a été lancé par l’armée américaine en 1993 et a pour objectif d’étudier les propriétés et le comportement de l’ionosphère : une couche de l’atmosphère située à une altitude comprise généralement entre 70 et 1 000 km. Financé initialement par les militaires pour des applications pratiques dans le domaine des télécommunications, le programme HAARP est repris en 2015 par l’Institut géophysique de l’université d’Alaska.

Depuis plusieurs années, HAARP fait l’objet d’une série de théories, parfois conspirationnistes.

De nouvelles allégations sans fondement contre HAARP ont été publiées sur les médias sociaux peu après le tremblement de terre du 6 février 2023 qui a tué des milliers de personnes et laissé des milliers de sans-abri dans l’est de la Turquie et en Syrie.

HAARP serait à l’origine du séisme en Turquie et en Syrie

Un message en anglais sur Twitter affirmait le lendemain du séisme : “La Turquie a été attaquée par HAARP”. Cette publication, accompagnée d’une vidéo montrant un nuage très particulier de couleur rouge a fait plus de 2,2 millions de “vues” sur le réseau social de l’oiseau bleu.

Dans la foulée du tremblement de terre, des publications en français (12) ont suggéré que ce nuage particulier aurait été créé par le programme HAARP et serait à l’origine du séisme. À noter, d’autres tweets en anglais, comme ici, avaient par ailleurs déjà fait le lien entre ce nuage et le projet HAARP, avant le séisme.

© Capture d’écran Twitter

 

Des affirmations similaires ont également été publiées dans d’autres langues, comme le néerlandais ou le japonais. Mais d’où provient ce nuage intrigant ?

Le nuage lenticulaire, un phénomène naturel

Le nuage rouge en question s’est formé le 19 janvier 2023, peu avant le lever du soleil et à une altitude élevée, de sorte qu’il a été illuminé avant le lever du soleil. C’est d’ailleurs cette lumière de l’aube qui lui confère un aspect rose-rouge particulièrement saisissant, a indiqué le magazine Forbes dans un article expliquant le phénomène.

Plusieurs médias, dont la BBC et The Guardian ont consacré des articles à ce nuage dont l’apparence fait penser à des traces du passage d’un OVNI. Ces médias britanniques ont tous les deux expliqué qu’il s’agissait d’un effet visuel tenant sa source de la formation de nuages lenticulaires. Un certain nombre de vidéos diffusant les fausses allégations ont d’ailleurs utilisé des images de la BBC.

Des nuages lenticulaires apparaissent au-dessus de Bursa, en Turquie.
Des nuages lenticulaires apparaissent au-dessus de Bursa, en Turquie. © Anadolu Agency / 2023

Le 23 janvier 2023, la RTBF publiait également un article avec comme point de départ ce nuage lenticulaire (Altocumulus lenticularis) apparu en Turquie quelques jours plus tôt. Nos spécialistes de la météo y expliquaient que “ce type de nuages se façonne grâce à un vent d’altitude tourbillonnant”, et que, pour se former, ceux-ci nécessitent “la présence d’une montagne ou d’un massif dans les environs”.

Concrètement, l’air le plus bas est plus humide en montant, il se refroidit et finit par atteindre son point de rosée. L’air devient alors saturé d’humidité et le nuage se forme. Une fois que la masse d’air a fini sa progression et est passée au-dessus de la montagne, l’air redescend, se réchauffe, forme temporairement une “coupole” circulaire au-dessus de la masse montagneuse et puis disparaît comme elle est apparue.

Les nuages lenticulaires sont aussi appelés de la sorte en raison de leur forme incurvée semblable à une lentille.

“Ces formes distinctives sont créées par le vent ou le mouvement ondulatoire de l’air sous l’influence de collines ou de montagnes”, peut-on lire sur le site web de l’Institut météorologique royal des Pays-Bas (KNMI).

“Les nuages lenticulaires peuvent naturellement surgir des montagnes, comme c’est le cas à Bursa”, a déclaré Annemarie Hoogendoorn, porte-parole du KNMI, dans un courriel adressé à l’AFP le 10 février. La ville de Bursa se trouve dans une zone montagneuse, à environ 36 km du mont Uludağ. Elle se trouve également à près de 900 km de la principale zone touchée par le tremblement de terre du 6 février.

La porte-parole de l’Institut météorologique royal des Pays-Bas est formelle en répondant à nos confrères de l’AFP, concernant un rapprochement entre le programme américain et la formation du nuage : “HAARP ne peut pas faire ça, personne ne le peut”.

HAARP ne peut pas perturber le climat

HAARP, qui signifie “High-frequency Active Auroral Research Program”, est un programme de recherche lancé par l’US Air Force et géré depuis 2015 par l’Université d’Alaska Fairbanks.

Il utilise l’émetteur haute fréquence (HF) le plus puissant du monde pour étudier l’ionosphère et les processus physiques à l’œuvre dans les parties les plus élevées de notre atmosphère, appelées thermosphère et ionosphère, selon le site. L’ionosphère commence à environ 60 à 80 km d’altitude et s’étend au-delà de 500 km d’altitude.

Le programme HAARP a notamment été pointé, à tort, comme étant l’un des éléments pouvant provoquer les chemtrails, ces marques parfois laissées par les avions après leurs passages dans le ciel. Cette théorie a fait précédemment l’objet d’un article dans notre rubrique de fact checking, Faky.

L’université Alaska Fairbanks a dédié une page spécifique (en anglais) pour répondre à de nombreuses questions qui se posent sur les contours et l’étendue du programme. Mais aussi pour battre en bèche plusieurs théories infondées à son sujet.

Sur la page des réponses aux questions sur le projet HAARP, il est par exemple indiqué clairement que le programme ne peut pas contrôler la météo.

Les ondes radio émises par l’émetteur HAARP ne sont pas absorbées “ni dans la troposphère ni dans la stratosphère, les deux niveaux de l’atmosphère qui produisent la météo sur Terre”. “Puisqu’il n’y a pas d’interaction, il n’y a aucun moyen de contrôler la météo”, indique le rapport.

A la question de savoir si HAARP pourrait être lié d’une manière ou d’une autre au tremblement de terre, Jessica Matthews, responsable du programme HAARP, a déclaré à l’AFP le 11 février 2023 : “Le récent tremblement de terre et les pertes tragiques de vies humaines en Turquie soulignent la dévastation que peuvent causer les catastrophes naturelles. Les équipements de recherche du site HAARP ne peuvent pas créer ou amplifier les catastrophes naturelles.”

L’homme peut-il contrôler la météo ?

Il existe pourtant bien des tentatives d’expériences de manipulation du climat, mais seulement à petite échelle. Un exemple de ces expériences consiste à provoquer la pluie ou la neige par un processus appelé “ensemencement des nuages“. Ce système a été testé dans plusieurs pays, par exemple au Mexique, à Dubaï, en Chine et aux États-Unis.

Les technologies de géo-ingénierie ont également fait l’objet de recherches pour tenter de compenser certains impacts du changement climatique. L’idée de lutter contre le réchauffement climatique en réfléchissant la lumière du soleil à l’aide de panneaux géants en est un exemple.

En Suisse, une entreprise a par exemple réussi à capter le CO2 de l’air et à en faire un nouvel usage pour la culture de légumes. Mais la géo-ingénierie fait l’objet de débats et est considérée comme risquée par certains scientifiques.

Les séismes n’ont rien à voir avec les nuages

Par ailleurs, les tremblements de terre sont le résultat de “mouvements dans la couche externe de la Terre appelée ‘croûte'”, a déclaré la NASA.

Les séismes n’ont donc rien à voir avec les nuages ou l’ionosphère, qui sont au centre des recherches de HAARP.

Les plaques tectoniques qui constituent la croûte terrestre sont en mouvement constant, explique l’université Caltech. Lorsque les bords de ces plaques glissent l’un contre l’autre, la friction peut les ralentir, ce qui augmente la pression au fil du temps.

“Lorsque la force du mouvement finit par l’emporter sur la friction, des parties de la croûte se brisent ou se déplacent soudainement, libérant la pression accumulée sous la forme d’ondes sismiques”, explique l’université.

Le tremblement de terre, sujet de désinformation

Après le tremblement de terre dévastateur qui a frappé la Turquie et la Syrie le 6 février, des utilisateurs des réseaux sociaux ont partagé de fausses affirmations sur le séisme, beaucoup utilisant des images et des vidéos sans rapport avec la catastrophe.

Certains internautes ont également fait un rapprochement sans fondement entre le séisme et le passage d’un “OVNI” au Kazakhstan qui était en fait une fusée “Soyouz” qui a décollé depuis le site de Baïkonour.

Le rapprochement entre le spectaculaire nuage lenticulaire qui s’est formé en Turquie quelques semaines avant le séisme et le tremblement de terre qui a fait des dizaines de milliers de victimes, n’est lui non plus pas avéré.