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Vaisselle réutilisable dans les fast-foods, est-ce vraiment plus écologique ?

Vaisselle réutilisable dans les fast-foods, est-ce vraiment plus écologique ? - Featured image

Author(s): Guillaume Woelfle

C’est officiel en France et c’est envisagé chez nous : interdire les emballages à usage unique dans les fast-foods pour les remplacer par des contenants lavables réutilisables. Mais est-ce vraiment plus respectueux dans l’environnement ? Les études scientifiques disent que oui si le transport entre le lieu de lavage et le lieu de consommation n’est pas trop important. Le lavage en lui-même est quasiment sans impact sur le bilan carbone final.

La France l’a décidé : depuis le 1er janvier, les fast-foods doivent proposer de la vaisselle réutilisable et non plus des gobelets, cartons ou plastiques à usage unique. Cette mesure concerne les repas pris sur place et non les repas emportés. En Belgique, la ministre fédérale de l’Environnement Zakia Khattabi (Ecolo) y pense aussi. Cette mesure est censée faire économiser 150.000 tonnes de déchet par an, selon le ministère français de la transition écologique.

L’association Zero Waste France affirme même qu’une chaîne de fast-food comme McDonald’s génère un kilo d’emballage par seconde. Or, si l’économie en termes de déchets est facile à démontrer, des Twittos se posent des questions sur l’efficacité écologique au sens large de la mesure, comme ici ou . La question est de savoir si le nettoyage des contenants (et l’énergie, l’eau, le savon utilisés) n’annule pas tout le bénéfice de l’économie de déchets.

Une étude de référence dans le domaine

L’une des études de référence en termes de comparaison de l’efficacité écologique des emballages est celle des chercheurs Riccardo Accorsi, Alessandro Cascini, Susan Cholette, Riccardo Manzini et Cristina Mora intitulée “Economic and environmental assessment of reusable plastic containers : A food catering supply chain case study“, publiée en 2014 dans l’International Journal of Production Economics.

Citée dans 140 autres publications scientifiques, cette étude compare les “LCA” (“Life cycle assessment” ou “analyses de cycle de vie”) des boîtes en différents composants : en bois, en carton, en plastique ou en plastique réutilisable. Dans l’étude de cas, ces boîtes servent à acheminer des fruits et légumes frais depuis des exploitations agricoles vers des centres de distribution en Emilie-Romagne (Italie). Pour neutraliser les variables, ces boîtes ont la même taille et peuvent contenir le même poids et le même chargement.

L’efficacité écologique de chacune des boîtes est testée, en tenant compte du coût environnemental :

  • de leur production ;
  • du transport depuis l’usine de production jusqu’au centre de vente de ces boîtes ;
  • du transport pendant leur activité (voyage entre les fermes agricoles, les centres de distribution, les clients, etc.) ;
  • de leur nettoyage y compris le transport pour ce faire ;
  • de leur fin de vie (recyclage, incinération ou mise en décharge).

En comparant les trois dernières lignes de ce tableau, les chercheurs découvrent le bilan équivalent carbone de chaque matériau en prenant en compte sa fin de vie. Ainsi, la boîte en bois a un bilan carbone compris entre 11.000 et 16.000 kg équivalent CO2 en fin de vie, ce qui en fait le meilleur contenant d’un point de vue environnemental. Du côté du plastique réutilisable, à la droite du tableau, le bilan carbone varie entre 23.000 et 54.000 kg équivalent CO2, alors qu’on se situe entre 24.000 et 80.000 pour le carton et le plastique à usage unique.

Les chercheurs expliquent que “la production et l’élimination ont le plus gros impact environnemental dans les emballages à usage unique alors que c’est le transport qui influence le plus le bilan environnemental des emballages plastique réutilisables.”

Cette précision est importante car elle indique que c’est le transport, autrement dit la distance (plus elle est longue, plus c’est polluant) et le moyen de transport (carboné ou non) entre le lieu de consommation et le lieu de lavage qui rendra efficace la réutilisation de contenants. “Le lavage n’influence pas significativement les résultats”, ajoutent encore les auteurs.

Conclusion de cette étude

À première vue, les boîtes en bois à usage unique ont le meilleur bilan environnemental de toutes les solutions proposées. Cela dit, les boîtes en plastique réutilisable (RPC) sont utilisées 30 ou 70 fois, contre des usages uniques pour les autres contenants. Donc pour comparer une boîte carton ou en bois avec un plastique réutilisable de 30 cycles, il faudrait multiplier par 30 le bilan final de ces boîtes en carton ou en bois. Et le résultat est implacable.

Les auteurs concluent donc que “quelle que soit la configuration utilisée pour les plastiques réutilisable, ce contenant a un impact environnemental plus faible que les contenants à usage unique. La différence se crée à la fois dans leur traitement en fin de vie que leur nombre de cycles de vie. Par exemple, l’enfouissement des emballages à usage unique a un bilan équivalent carbone cinq fois plus important que les emballages réutilisables.”

Autre étude, autre résultat… mais explications identiques

Une autre étude menée en Finlande en 2014 arrive à une conclusion différente… et similaire. Dirigée par les chercheurs Sirkka Koskela, Helena Dahlbo, Jáchym Judl, Marja-Riitta Korhonen et Mervi Niininen, elle compare l’empreinte environnementale des boîtes en carton recyclées et boîtes en plastique réutilisables dans la livraison de pain à grande échelle en Finlande.

Ces chercheurs n’ont pas seulement analysé le bilan carbone, mais aussi l’impact sur l’acidification des sol, sur la formation d’oxydants photochimiques, sur l’épuisement des ressources fossiles ou sur le changement climatique.

Sans redétailler toute l’étude, leur étude de cas a les caractéristiques suivantes :

  • Les boîtes en plastique réutilisables sont fabriquées en Finlande et transportées à Tallinn en Estonie, où le pain est cuit. (240 km)
  • Les boîtes en carton sont fabriquées en Lituanie, et sont aussi transportées vers les boulangeries de Tallinn (Estonie). (310 km)
  • Le pain est alors envoyé depuis Tallinn vers le centre de distribution de l’est de la Finlande. Enfin, il est distribué plus localement vers les points de vente. (715 km)
  • Alors que les boîtes en carton sont recyclées à 250 km des points de vente finaux, les boîtes en plastique réutilisables sont renvoyées au centre de distribution pour lavage, puis à Tallin pour être réutilisées dans un nouveau cycle (715 km). En fin de vie, elles sont recyclées ou incinérées à 150 km de là.

Sur un cycle de vie, les boîtes en carton parcourent 1275 km. Les boîtes en plastique, en revanche, parcourent 1105 km (production + 1 trajet + fin de vie) ainsi que 715 km lors de chaque trajet retour vers le centre de distribution ou de production pour nettoyage. A chaque cycle d’utilisation, ce seront 1430 km (715 km x 2) qui seront ajoutés aux trajets parcourus par les caisses en plastique réutilisable.

Dans ce scénario, les auteurs concluent que les boîtes en carton recyclées étaient plus respectueuses de l’environnement que le système des caisses en plastique dans tous les domaines environnementaux testés. Mais les auteurs tempèrent, cela a moins à voir avec le matériau utilisé qu’au système de transport mis en place. “Notre étude a prouvé qu’une conclusion sur quel système de livraison a des impacts environnementaux plus favorables ne peut pas être tirée uniquement sur la base du matériau.”

La clé des résultats réside d’ailleurs, selon les chercheurs, dans le transport. “Le transport a joué un rôle très important dans l’impact sur l’environnement. Cependant, des modifications, par exemple, dans les poids des produits et de leur emballage secondaire ou les les distances de transport pourraient affecter considérablement les résultats.”

Ces chercheurs concluent aussi que “l’importance du lavage sur les impacts totaux était très faible.”

Enfin, une méta analyse menée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement en 2020 reprend onze études sur le sujet des emballages de nourriture à usage unique ou réutilisable. Ses conclusions (page 32) sont similaires à ce que nous avons vu précédemment :

  • “Les études analysées montrent que les emballages alimentaires à emporter en plastique réutilisables ont une meilleure performance environnementale globale que les emballages à usage unique, s’ils sont réutilisés un nombre suffisant de fois.”
  • “Cependant, la mise en place du système de livraison, ainsi que le mode de transport et la distance de transport pendant la phase d’utilisation, sont des facteurs importants qui influencent ce résultat.”

Voilà qui nous permet de conclure que le système d’emballages réutilisables est plus respectueux de l’environnement que des emballages à usage unique, qu’ils soient en carton ou en plastique, recyclés ou non. Ces produits réutilisables sont généralement plus nocifs pour l’environnement lors de leur production, mais l’amortissement sur plusieurs utilisations optimise leur bilan carbone final. Le lavage, lui, a un impact négligeable sur le bilan environnemental.

Cependant, une grande distance de transport entre le lieu de consommation du produit alimentaire et le lieu de lavage ainsi que le mode de transport (carboné ou non) peuvent rendre l’avantage moins clair, voire complètement inverse lorsque la distance à parcourir pour nettoyer les contenants est de plusieurs centaines de kilomètres.