Début août, l’actuel gouverneur du Minnesota Tim Walz a été désigné colistier par Kamala Harris, candidate démocrate dans la course à la Maison Blanche à la suite du retrait de Joe Biden, ce qui le placerait au rang de vice-président en cas de victoire. Mais à peine nommé, Tim Walz a été ciblé par une vague de désinformation sur son bilan politique, visant à le décrédibiliser. En tant que gouverneur, il aurait par exemple, selon certaines de ces allégations, voté une loi pour protéger “les pédophiles“, changé le drapeau du Minnesota pour qu’il ressemble à celui de la Somalie, permis une fraude électorale pour la prochaine élection ou encore assuré qu’il aurait mieux visé Donald Trump lors de sa tentative d’assassinat. Autant d’affirmations fausses ou trompeuses vérifiées par l’AFP.
A seulement trois mois de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, la démocrate Kamala Harris a annoncé début août choisir Tim Walz comme colistier dans la course à la Maison Blanche. Ce qui le placerait au rang de vice-président en cas de victoire du binôme en novembre 2024.
Ancien professeur et militaire de la Garde nationale, Tim Walz, 60 ans, a un parcours atypique et est peu connu en dehors des frontières de l’Etat du Minnesota dont il est gouverneur.
Rapidement, sur les réseaux sociaux, des internautes ont critiqué ce choix, et certains ont partagé des assertions fausses ou trompeuses sur son bilan en tant que gouverneur.
- Une fraude électorale rendue possible par la délivrance de permis de conduire aux personnes sans statut d’immigration légale ? C’est faux
“Fraude électorale. Dans plusieurs états US, un permis de conduire suffit pour voter. Ici le gouv Walz autorise la distribution de permis de conduire aux illégaux (sic)“, écrit sur X un internaute dans une publication accompagnée d’une vidéo d’une douzaine de secondes.
Sur les images, on voit Tim Walz assis à une table qui s’exclame “it’s done” (en français, “c’est fait“) tout en brandissant un document paraphé de plusieurs signatures.
Autour de lui, de nombreuses personnes s’enthousiasment soudainement, en applaudissant ou en levant le poing en signe de célébration. Parmi elles, certaines brandissent un poster où l’on peut lire “I support driver’s licenses for all” (en français, “je soutiens le permis de conduire pour tous”).
Mais les allégations prétendant que le gouverneur aurait permis aux personnes sans statut d’immigration légale de voter est fausse.
La vidéo diffusée est authentique et provient de la chaîne de télévision CBS Minnesota (lien archivé ici) et a été postée sur son compte YouTube le 7 mars 2023. Cette date correspond à la signature du projet de loi “Driver’s License for all” (en français, “permis de conduire pour tous“), portée par Tim Walz en tant que gouverneur du Minnesota (lien archivé ici).
Entrée en vigueur le 1er octobre 2023, cette loi autorise les personnes sans statut d’immigration légal vivant dans le Minnesota à passer leur permis de conduire. “La loi sur le permis de conduire pour tous élimine la nécessité de présenter une preuve de présence légale aux Etats-Unis” précise à ce sujet le département de la sécurité publique du Minnesota (lien archivé ici).
Or, l’internaute suggère que les concernés pourraient, une fois le permis obtenu, utiliser ledit document pour aller voter à la prochaine présidentielle, alors qu’ils n’y sont normalement pas autorisés, constituant ainsi une fraude électorale. Mais cette allégation est fausse.
Le permis de conduire fait partie des documents acceptés dans certains Etats des Etats-Unis afin de justifier son identité au moment du vote. Mais le permis de conduire ne donne pas pour autant la citoyenneté américaine, qui reste une condition sine qua non pour être inscrit sur les listes électorales américaines.
Le site du gouvernement des Etats-Unis (lien archivé ici) précise en effet que “les non-citoyens, y compris les résidents locaux permanents, ne peuvent pas voter aux élections fédérales, étatiques et à la plupart des élections locales”.
Or, cette loi du “permis de conduire pour tous” concerne justement des personnes sans statut d’immigration légale, qui ne sont donc toujours pas autorisées à voter aux élections fédérales des Etats-Unis, étant donné qu’elles ne disposent pas de la citoyenneté du pays.
- Le drapeau du Minnesota modifié par Tim Walz pour ressembler à celui de la Somalie ? C’est trompeur
“Walz a changé le drapeau de son Etat pour qu’il ressemble exactement au drapeau somalien pour plaire aux résidents somaliens de son Etat“, avance une publication sur X datant du 6 août, soit le jour de la désignation officielle du gouverneur du Minnesota, Tim Walz, comme colistier de Kamala Harris.
Un autre utilisateur de X affirme : “il a transformé son Etat d’origine en Somalie et maintenant il veut faire la même chose avec notre pays“.
Cette affirmation trompeuse a aussi été amplifiée par des relais du propriétaire de X Elon Musk ou encore de l’animateur de Fox News Jesse Watters. L’Etat du Minnesota compte au sein de sa population 80.000 personnes d’origine somalienne, dont beaucoup d’entre elles ont fui les conflits et la famine dont souffre ce pays africain.
Mais la présence de cette communauté n’a aucun lien avec les similitudes constatées entre le nouveau design (lien archivé ici) du drapeau du Minnesota et celui de la Somalie, qui comportent tous les deux une étoile blanche sur fond bleu.
Si cette nouvelle identité visuelle de l’Etat, apparaissant sur son sceau et son drapeau, a vu le jour, c’est en raison des recommandations d’une Commission créée par la législature à la suite de critiques concernant une symbolique jugée raciste décriée sur l’ancien design, comme le rapportait notamment l’agence de presse américaine AP (lien archivé ici), en mars 2022.
Celui-ci présentait un agriculteur muni d’un fusil labourant un champs, avec en arrière-plan un Amérindien à cheval.
“Les membres autochtones de la Commission de refonte de l’emblème de l’Etat ont déclaré que ce drapeau était préjudiciable à leur communauté et encourageait ‘l’effacement’ de leur peuple de la terre” rapportait aussi à ce sujet CBS (lien archivé ici).
Tim Walz a donc signé une loi créant cette Commission de refonte de l’emblème de l’Etat en 2023, mais le gouverneur n’était pas pour autant membre de ce panel (archivé ici) et n’a donc pas été acteur dans les débats concernant ce nouveau design, contrairement à ce que suggèrent les internautes.
Au total, près de 2.000 idées ont été proposées et la commission a finalement choisi celle d’Andrew Prekker (archivé ici), originaire de Luverne dans le Minnesota.
Dans une interview donnée au Minnesota West Community and Technical College en décembre, Andrew Prekker a déclaré qu’il s’était “visuellement inspiré par la simplicité et la popularité des drapeaux d’Etats comme celui du Nouveau-Mexique, du Colorado et du Tennessee“, mais que “toute [s]on inspiration symbolique venait du Minnesota lui-même, en mettant l’accent sur l’histoire, l’importance et le caractère unique de [cet] Etat, tout en prenant en compte des expériences que partagent les habitants du Minnesota et auxquelles ils s’identifient“.
Des sources d’inspiration sans rapport avec le drapeau de la Somalie.
Le site du secrétaire d’Etat du Minnesota précise d’ailleurs que le nouveau drapeau “représente les traits les plus connus de l’Etat, notamment ses nombreux lacs et rivières et l’étoile du Nord” (archivé ici).
L’étoile blanche à huit branches est une référence à la devise de l’Etat, “l’étoile du nord” (lien archivé ici), et rappelle aussi celle qui orne le sol de la rotonde du capitole de l’Etat du Minnesota.
Mais cette étoile se différencie de celle présente sur le drapeau somalien, qui ne compte que cinq branches et se trouve sur un fond bleu clair et non foncé comme sur le nouveau drapeau du Minnesota.
Ce fond marine est “une forme stylisée du contour de l’Etat du Minnesota, représentant son territoire“, explique le site du secrétaire d’Etat du Minnesota qui précise aussi que “le reste du drapeau est d’un bleu uni et vif, représentant l’eau“.
“Le Minnesota est le pays des 10.000 lacs, le foyer des sources du fleuve Mississipi, du lac Supérieur et du début du bassin des Grands lacs“, peut-on aussi lire sur le site.
- Tim Walz aurait signé un projet de loi protégeant les “pédophiles” dans le Minnesota ? C’est faux
“En tant que gouverneur du Minnesota, Tim Walz a signé un projet de loi rendant illégale la discrimination à l’encontre des pédophiles en vertu de la loi sur les droits civils de l’État“, a publié sur X le 7 août 2024 un compte se décrivant comme un média “qui décrypte l’actualité du président Trump“.
La même affirmation s’est répandue ailleurs sur Facebook et X. Elle a énormément circulé aux Etats-Unis en anglais sur Instagram, Facebook, X, Threads, et Reddit.
Certains médias conservateurs américains sont également revenus sur cette législation peu après l’annonce de Kamala Harris de prendre Tim Walz comme colistier (archivé ici).
Depuis sa nomination, les conservateurs ont vivement critiqué (lien archivé ici) Tim Walz pour les politiques libérales qu’il a soutenues en tant que gouverneur. Parmi elles figure notamment la législation visant à légaliser l’usage récréatif de la marijuana (lien archivé ici), ou encore la loi permettant aux immigrés sans papiers de demander un permis de conduire, déjà mentionnée plus haut (lien archivé ici).
Mais Tim Walz n’a pas signé de loi visant spécifiquement à protéger les pédocriminels dans son Etat.
Les assertions qui circulent font référence à la loi “Take Pride“, (lien archivé ici), que Tim Walz a signée en 2023 dans le cadre d’une loi plus large sur la sécurité publique (archivées ici et ici). Entre autres mesures, la législation a supprimé une mention qui figurait au préalable dans la loi sur les droits de l’Homme du Minnesota, qui indiquait que la “pédophilie” ne pouvait pas être considérée comme une orientation sexuelle.
La représentante démocrate de l’Etat, Leigh Finke, qui a présenté le projet de loi, avait déclaré lors d’un débat en 2023 que l’objectif du nouveau texte était de “moderniser” la loi sur les droits de l’Homme du Minnesota, en alignant les formulations de loi sur une “compréhension plus contemporaine” de l’identité de genre (liens archivés ici et ici).
Certaines personnalités républicaines ont critiqué la proposition, craignant que la suppression de la mention du mot “pédophilie” ne soit interprétée comme l’octroi d’une protection juridique.
C’est par exemple le cas du représentant républicain de l’Etat, Harry Niska, qui a tenté d’introduire un amendement ajoutant les précisions suivantes : “l’attachement physique ou sexuel à des enfants par un adulte n’est pas une caractéristique légalement protégée en vertu de ce chapitre“. Les législateurs ont approuvé l’amendement mais l’ont ensuite retiré, et il n’a finalement pas été inclus dans la version finale signée par Tim Walz (archivé ici).
Leigh Finke, qui a présenté le projet de loi, a assuré que la loi “Take Pride” supprimait des termes “préjudiciables” de la législation du Minnesota mais que la pédophilie restait illégale dans l’Etat.
“Aucun observateur sérieux de la loi ‘Take Pride’ ne pourrait conclure que la ‘pédophilie’ est légalement protégée dans le Minnesota, et nous ne craignons aucunement qu’un tribunal puisse conclure à une telle affirmation absurde sur la base de la loi du Minnesota”, a-t-elle déclaré à l’AFP le 8 août 2024.
Naomi Cahn, professeure à l’université de Virginie spécialisée dans le droit de la famille (lien archivé ici), a déclaré que les allégations qui circulent en ligne sont “fausses” et que la loi “Take Pride” n’a aucun impact sur la capacité du gouvernement à poursuivre les pédocriminels.
“Elle a été conçue pour mettre à jour le langage des lois de l’État sur les droits de l’Homme, et l’un des principaux objectifs de la loi était de protéger contre la discrimination fondée sur l’identité de genre“, a-t-elle déclaré à l’AFP le 8 août 2024.
Selon elle, “la suppression du terme ‘pédophile’ n’a pas d’effet tangible ; le projet de loi n’a pas modifié les sanctions pénales concernant les agressions sexuelles à l’encontre d’un enfant“.
Jill Hasday, professeure à l’université du Minnesota qui enseigne le droit de la famille et de la lutte contre les discriminations (lien archivé ici), a rappelé que l’Etat “interdit clairement” les violences sexuelles sur les enfants.
Pour rappel, en vertu de la loi du Minnesota, “un adulte qui se livre à une pénétration avec une personne de moins de 18 ans ou qui a un n’importe quel contact sexuel avec un enfant de moins de 14 ans” peut être accusé d’un crime au premier degré, passible d’une peine d’emprisonnement de 30 ans, d’une amende de 40.000 dollars ou des deux (lien archivé ici).
D’autres médias ont consacré des articles de vérification (lien archivé ici) aux affirmations trompeuses sur la loi “Take Pride” lorsqu’elle avait été présentée et débattue en 2023 (archive ici).
- Tim Walz a déclaré qu’il aurait mieux visé Donald Trump lors de sa tentative d’assassinat ? C’est faux
“Tim Walz vient de déclarer ‘je peux les surpasser, je peux surpasser ces gars’ sous-entendant qu’il est un meilleur tireur que Thomas Crooks“, prétend une publication sur X, postée le 7 août 2024.
“C’est un comportement inquiétant, il incite à la violence contre le président Trump“, ajoute l’internaute qui appuie son affirmation en relayant une vidéo de moins de dix secondes extraite d’un discours de Tim Walz.
Cette allégation, accompagnée de ce même extrait, a aussi fait l’objet de publications virales sur Facebook et Instagram. Certaines comparent Tim Walz au tireur présumé de Trump.
Le 13 juillet 2024, Donald Trump a été la cible d’une tentative d’assassinat alors que l’ex-président des Etats-Unis et actuel candidat républicain à la présidentielle américaine s’exprimait lors d’un meeting électoral en Pennsylvanie.
Le FBI a identifié Thomas Matthew Crooks, 20 ans, comme l’auteur des tirs visant Donald Trump (lien archivé ici).
Lors de cette fusillade, un spectateur a été tué et deux autres ont été grièvement blessés avant que Thomas Matthew Crooks ait été abattu par des tireurs d’élite présents sur place.
Le directeur du FBI, Christopher Wray, a déclaré à la commission judiciaire (lien archivé ici) de la Chambre des représentants, lors d’une audience le 24 juillet, que les enquêteurs “n’ont pas encore une idée claire” sur les motivations de Thomas Crooks, mais sont en tout cas certains qu’il a agi seul.
Une recherche d’image inversée à partir de la vidéo relayée révèle que celle-ci provient d’un meeting de campagne, datant du 7 août 2024, à Eau Claire dans le Wisconsin, au cours duquel Kamala Harris et Tim Walz se sont exprimés.
Lors de son discours, alors qu’il appelait à des réglementations fédérales plus strictes en matière de contrôles des armes à feu, Tim Walz avait assuré être “le meilleur tireur” au tir aux pigeons d’argile – activité sportive qui consiste à tirer sur des cibles volantes – et qu’il était capable de “surpasser” les autres membres du Congrès qui s’opposeraient à une réglementation des armes à feu (archivé ici).
Durant sa prise de parole, dont le texte intégral a été publié par la Maison Blanche, aucune référence n’a été faite à la tentative d’assassinat de Donald Trump, contrairement à ce qu’insinuent les internautes (archivé ici).
L’AFP a vérifié de nombreuses autres affirmations en lien avec la campagne électorale américaine de 2024, comme ici ou encore ici.
