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Des athlètes transgenres raflent-elles “systématiquement certaines médailles” ?

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Author(s): Romane Bonnemé et Grégoire Ryckmans

Sur Instagram, des publications qui recueillent des centaines de milliers de “likes” suggèrent que, dans les catégories “Femme” des compétitions sportives, des athlètes transgenres trustent les podiums au détriment des athlètes cisgenres. Cet argument est également repris dans des groupes de réflexion, parfois associés à des partis politiques. Cependant, il apparaît à la fois qu’il n’y a actuellement pas de sport dans lesquels ces athlètes transgenres “rafleraient toutes les victoires” mais aussi que ces “victoires au détriment des femmes” cisgenres sont rares. Par ailleurs, les conditions de participation des sportifs et sportives transgenres et intersexes aux compétitions sportives officielles font l’objet de discussions et de débats dans plusieurs fédérations, alors que plusieurs chercheurs qui travaillent sur ce sujet estiment que les éléments scientifiques manquent actuellement pour définir des règles claires afin de respecter l’équité sportive.

Une vidéo publiée sur le réseau social Instagram le 10 février 2023 recueille plus de 2,5 millions de “vues” et de 135.000 “likes”. Dans celle-ci, on y voit une course à pied officielle de femmes sur courte distance. Lors du sprint qui a lieu devant du public, une athlète prend clairement le dessus sur les autres compétitrices. Dans le texte incrusté, il est indiqué en anglais (ici traduit en français) : “Terry Miller – athlète masculin identifié comme transgenre – domine l’athlétisme féminin”.

À la fin de la vidéo, un extrait du dessin animé satirique étasunien Southpark est repris. On y voit un homme barbu et musclé sur la première marche d’un podium avec un trophée et célébrant sa victoire. À côté de lui, sur la troisième marche du podium, on découvre une athlète couverte de bleus et de blessures.

D’autres publications sur les réseaux sociaux vont plus loin. Sur Twitter, un célèbre acteur et animateur radio étasunien, Joe Rogan, relaie des articles dans lesquels des personnes s’expriment pour indiquer que la situation actuelle avec la participation d’athlètes transgenres dans des compétitions sportives pour femmes signifie “la fin du sport féminin”.

Un débat devenu politique aux USA

Le 27 février 2023, le Daily Mail publiait un article titré “Fury as trans athlete WINS women’s 1,500 m event in Canada – a year after breaking record for 5,000 m race for aged 45-49”, ou “Fureur après la victoire d’une athlète transgenre sur l’épreuve féminine du 1500 m au Canada, un an après avoir battu le record du 5000 m pour les 45-49 ans”.

Le tabloïd britannique faisait allusion à la victoire de Tiffany Newell lors d’une compétition d’athlétisme pour vétérans en “indoor” organisée à Toronto au Canada. La gagnante de l’épreuve du 1500 m féminin dans la catégorie “W50” l’a emporté alors qu’il n’y avait que deux compétitrices inscrites sur l’épreuve.

Mme Newell a annoncé quelques jours plus tard qu’elle prenait sa retraite sportive afin “d’arrêter d’être au centre des controverses”, suite à la publication d’autres articles évoquant sa victoire dans la presse.

Ces publications autour de la présence et des victoires d’athlètes transgenres s’inscrivent dans la foulée des polémiques concernant l’Américaine Lia Thomas, première nageuse transgenre à remporter au printemps un titre universitaire aux États-Unis.

La controverse est d’ailleurs devenue politique aux États-Unis. Plusieurs États conservateurs ont ainsi récemment adopté des lois pour barrer la route des jeunes filles transgenres au sport féminin à l’école. Le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, a lui qualifié la première place de Lia Thomas de “fraude” et indiqué que la victoire revenait à la nageuse classée seconde lors de l’épreuve.

Et en Belgique ?

Loin de ne se cantonner qu’aux réseaux sociaux, ces “controverses” s’exportent donc aussi dans les sphères publiques et donc également politiques.

Ce fut récemment le cas en Belgique francophone avec une publication du Centre Jean Gol (attaché au Mouvement Réformateur) sur le “wokisme” et datant du début du mois de mars 2023. Celle-ci contient les affirmations suivantes : “[…] l’activisme “trans” a des conséquences délétères sur les droits des femmes, par exemple dans le monde du sport (où des championnes trans raflent systématiquement certaines médailles). Mais énoncer cette réalité vous fait irrémédiablement passer pour ‘transphobe'”.

Cette affirmation : “Des championnes trans raflent systématiquement certaines médailles” dans “le monde du sport” n’est cependant pas sourcée dans le document.

Personnes transgenres ou intersexes : à ne pas confondre

Pour bien comprendre la nature du débat, il faut d’abord pouvoir faire la distinction entre plusieurs réalités. Certaines personnes assimilent les personnes transgenres et les personnes intersexes alors que les deux termes recouvrent des notions très différentes. Le sexe est assigné par la nature tandis que le genre décrit des fonctions sociales assimilées et inculquées culturellement.

Concernant les exemples qui suivront dans cet article, la nageuse Lia Thomas est identifiée comme étant “transgenre” alors que l’athlète Caster Semenya est “intersexe” ou “hyperandrogène”, c’est-à-dire présentant des “différences de développement sexuel” (DSD en anglais).

Transgenre

Le mot “transgenre” – ou trans – est un terme générique qui désigne les personnes dont l’identité de genre est différente du sexe qui leur a été assigné à la naissance, selon Amnesty International. Certaines personnes décident de changer de genre et peuvent parfois entamer une “transition”. La “transition” désigne la période pendant laquelle la personne engage cette transformation.

Transsexuel (le) désigne une personne ayant achevé cette “transition”. Cependant, comme le note l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes : “ce terme fait partie du passé et n’est plus utilisé”.

Le terme cisgenre désigne une personne qui s’identifie au sexe qui lui a été attribué à la naissance.

Intersexe

Le mot “intersexe” se rapporte lui à des caractéristiques sexuelles physiques (les personnes présentent une variation au niveau du sexe phénotypique, chromosomique ou gonadique) et non à un sentiment interne d’identité. Une personne intersexe peut aussi s’identifier comme transgenre, mais l’intersexuation et la transidentité sont des choses bien distinctes, car le sexe et le genre sont deux notions différentes. Une personne intersexe peut donc être hétérosexuelle, gay, lesbienne, bisexuelle ou asexuelle et s’identifier en tant que femme, homme, les deux ou aucun des deux.


Cette distinction est importante pour la bonne compréhension des enjeux même si dans les deux cas il s’agit de variations qui, selon les termes de la sociohistorienne à la faculté des sciences du sport de Paris-Saclay, Anaïs Bohuon, “ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps masculins ou féminins”.

Dans le contexte du sport, ces définitions “binaires” sont notamment basées sur certains niveaux de testostérone. Or, les résultats des recherches scientifique et médicale qui ont étudié les avantages athlétiques de la testostérone des athlètes femmes transgenres ou intersexes (en les comparant soit avec des hommes cisgenres soit avec des femmes transgenres non-athlètes) ne sont pourtant pas concluants.

Entre volonté d’inclusion et respect de l’équité sportive, voici un point sur les différents arguments et les enjeux soulevés par la participation des personnes transgenres et intersexes à des compétitions sportives féminines.

Testostérone : pas de consensus scientifique

Qu’il s’agisse des athlètes “hyperandrogènes” ou transgenres, comme l’indique Christian Klaue, directeur des affaires publiques et de la communication institutionnelle du CIO, “il n’existe à ce jour aucun consensus scientifique sur le lien entre un taux de testostérone élevé et les performances sportives”.

C’est ce qu’avait déjà démontré, en 2014une étude publiée dans la revue Clinical Endocrinology. Les chercheurs ont prélevé le sang de 813 athlètes de hauts niveaux de 15 disciplines différentes deux heures après leur compétition. Pour 693 d’entre eux, les résultats ont montré que 16,5% des hommes avaient un faible taux de testostérone, tandis que 13,7% des femmes avaient un taux élevé.

Les preuves d’avantages potentiels de forts taux de testostérone sont rares.

Blair Hamilton

Même conclusion dans une étude publiée dans Sports Medicine en mars 2021 cosignée par Blair Hamilton, chercheuse sur les athlètes transgenres au sein de l’université de Brighton au Royaume-Uni. Cette experte indique que dans les cas de “sports qui sollicitent des capacités musculaires importantes, les preuves d’avantages potentiels de forts taux de testostérone sont rares”. Ces preuves sont même “absentes dans les cas de performances aérobiques” (une activité en “zone aérobie” est d’intensité modérée et assimilée en général aux sports d’endurance, ndlr), ajoute la chercheuse.

Par ailleurs, selon elle, “de plus faibles niveaux de testostérone sont rapportés pour les femmes trans qui sont en transition hormonales. Des études récentes ont même montré que cette transition ne modifiait pas la coordination motrice ou les capacités visuospatiales des femmes trans”.

Dans son étude parue dans Current Sports Medicine Reports en janvier 2017, Myron Genel, endocrinologue pédiatrique à l’université de médecine de Yale rapporte : “il est incongru de maintenir des seuils de testostérone très différents pour les athlètes femmes transgenres dont les gonades sont intactes et pour celles qui les ont enlevées” (les gonades sont les organes sexuels qui produisent les gamètes, soit les organes reproducteurs, ndlr), en ce qui concerne celles qui ont fait une ablation, les taux de testostérone sont souvent inférieurs à ceux des femmes cisgenres avant la ménopause.

Au-delà de la testostérone

Quels sont alors les effets concrets de la suppression de testostérone chez les femmes transgenres ?

C’est sur cette question que s’est notamment penché un scientifique du département d’endocrinologie à l’Hôpital universitaire de Gand, Guy T’Sjoen. Ses conclusions sont publiées dans Journal of Clinical Densitometry. On y lit que suite à une transition chirurgicale et hormonale, 50 femmes trans non-athlètes ont vu leur masse musculaire et leur densité osseuse se réduire en même temps qu’un accroissement de leur masse grasse.

Une autre étude de 2020 publiée dans le British Journal of Sport Medicine, a analysé les tests sanguins de 46 militaires de la US Air force avant et après leur transition hormonale après divers exercices physiques. Les résultats révèlent que les avantages que les femmes transgenres avaient pour faire des pompages s’estompent après deux ans mais pas après un an. Ils montrent toutefois qu’après deux ans, elles restent 12% plus rapides pour l’épreuve de course (1.5 mile). Ces résultats confirment que la force musculaire de base des femmes transgenres ne diminue pas significativement après un an mais après deux ans après la transition hormonale. Il y aurait donc des avantages de force mais pas cardiovasculaires selon ces auteurs.

Les femmes transgenres ayant suivi un traitement de suppression de testostérone ne profitent d’aucun avantage biologique net sur les femmes cisgenres.

Professeures Gretchen Kerr et Ann Pegoraro

Citant plusieurs autres études scientifiques, le rapport de l’association canadienne E-Alliance, dirigée par la Professeure Gretchen Kerr (University of Toronto) et la Professeure Ann Pegoraro (University of Guelph), avance qu’ “avant de subir un traitement de suppression de la testostérone, les femmes transgenres ont encore en moyenne une masse maigre (MM), une surface de section transversale (SST) (c’est-à-dire une circonférence musculaire, ndlr) et une force inférieures à celles des hommes cisgenres. Autrement dit, le gain de performance dont bénéficient ces personnes ne peut être généralisé en examinant des athlètes masculins cisgenres. Dans les 12 mois qui suivent la suppression hormonale, la MM, la SST et la force des femmes transgenres non sportives diminuent considérablement.”

Et aux autrices de ce même rapport de conclure : “Les données disponibles indiquent que les femmes transgenres ayant suivi un traitement de suppression de testostérone ne profitent d’aucun avantage biologique net sur les femmes cisgenres dans le sport d’élite.”

Le CIO revient sur sa politique des athlètes transgenres et intersexes

C’est notamment pour cette raison qu’en novembre 2021, “après deux années de consultation menée auprès de plus de 250 athlètes et représentants des diverses parties prenantes concernées”, nous a indiqué son service presse, le Comité International Olympique (CIO) a renoncé à sa politique de 2015 qui suggérait aux fédérations sportives de limiter à 10 nano moles les niveaux de testostérone par litre de sang pendant les 12 mois qui précédaient la compétition pour tous les athlètes transgenres et intersexes.

En novembre dernier, le CIO a donc publié un cadre pour l’équité, l’inclusion et la non-discrimination sur la base de l’identité de genre et des variations de sexe qui pointe notamment le fait que “la pertinence des taux de testostérone” varie non seulement d’un individu à l’autre, mais aussi “d’un sport à l’autre et même d’une épreuve à l’autre”.

En conséquence, l’instance internationale revient sur son cadre précédant. Elle précise : “Il n’est pas opportun d’exiger d’un athlète qu’il réduise son taux de testostérone dans le seul but de satisfaire aux critères d’admission, sans tenir compte des effets secondaires qu’une telle demande peut entraîner pour sa santé ou son bien-être”, lit-on également dans ce cadre du CIO.

Libre choix des fédérations sportives

Si sa position officielle a changé, “le CIO reconnaît qu’il doit être du ressort de chaque sport et de son organe directeur de déterminer comment un(e) athlète peut être avantagé(e) de manière disproportionnée par rapport à ses pairs, en tenant compte de la nature de chaque sport”, nous précise-t-on du côté de leur service de presse.

Christian Klaue, directeur de la communication du CIO, précise que “les critères permettant de définir ce qui constitue un avantage disproportionné peuvent différer en fonction de la discipline sportive. Outre les considérations médicales et scientifiques, les instances sportives devront prendre en compte les aspects éthiques et juridiques afin de parvenir à une politique d’aménagements raisonnables pour l’inclusion de certains groupes, tout en préservant l’équité de la compétition. Le Cadre contient des conseils et recommandations ayant pour but de soutenir le processus d’élaboration des critères d’admission propres à chaque instance sportive”.

Par ailleurs, même s’il n’a aucun pouvoir contraignant, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU s’était également prononcé en 2019, invitant les États à “veiller à ce que les associations et instances sportives mettent en œuvre des politiques et des pratiques conformes aux normes et règles internationales relatives aux droits de l’Homme, et de s’abstenir d’élaborer et d’adopter des politiques et des pratiques qui obligent les athlètes des catégories féminines à subir des traitements médicaux inutiles, humiliants et préjudiciables”.

Les critères permettant de définir ce qui constitue un avantage disproportionné peuvent différer en fonction de la discipline sportive.

Christian Klaue, directeur de la communication du CIO

Les fédérations internationales de rugbyde natation, ou d’athlétisme ont fixé des limites pour encadrer la participation des athlètes transgenres ou intersexes, à l’inverse d’organismes de sports nationaux, notamment au Canada qui n’ont (actuellement) pas de restrictions (tir à l’arc, biathlon, escalade, cyclisme ou basketball).

Ces seuils évoluent, à l’image de ceux fixés par la fédération internationale d’athlétisme, que l’on peut illustrer par le cas emblématique de Caster Semenya.

Retour sur l’affaire Caster Semenya : cas emblématique des athlètes “hyperandrogènes”

L’athlète intersexe Caster Semenya de l’équipe d’Afrique du Sud participe aux éliminatoires du 5000 m féminin lors de la sixième journée des Championnats du monde d’athlétisme au Hayward Field le 20 juillet 2022 à Eugene, Oregon.
L’athlète intersexe Caster Semenya de l’équipe d’Afrique du Sud participe aux éliminatoires du 5000 m féminin lors de la sixième journée des Championnats du monde d’athlétisme au Hayward Field le 20 juillet 2022 à Eugene, Oregon. © Andy Lyons / Getty Images

En 2009, le grand public découvre une athlète aux caractéristiques physiques particulières. La coureuse sud-africaine Caster Semenya a 18 ans et elle participe à ses premiers championnats du monde d’athlétisme seniors, organisés en Allemagne.

Alignée sur le 800 m féminin, Caster Semenya remporte la médaille d’or des championnats du monde de Berlin en 1’55”45, le 19 août 2009. Très vite, cette coureuse “musclée” et au “physique androgyne” suscite des interrogations et des médias questionnent sa “féminité”.

Dans la foulée de sa victoire, le secrétaire général de l’IAAF, Pierre Weiss, annonce que des tests de féminité étaient en train d’être réalisés par des médecins en Allemagne et en Afrique du Sud, il déclare également : “Il n’y a pas de preuves qu’elle ne soit pas une femme, il y a juste un doute visuel”.

En 2010, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) demande à la Fédération sud-africaine de lui fournir plus d’informations sur Caster Semenya. Les questionnements autour des participations de l’athlète, identifiée comme étant intersexe (par le Guardian, par exemple), aux compétitions officielles continuent jusqu’à ce jour.

Ces personnes auraient la particularité biologique de produire davantage d’hormones mâles, notamment la testostérone. Selon le Comité Olympique International, “la plupart des femmes ont naturellement un faible taux de testostérone (0,12 à 1,79 nmol/L dans le sang) alors qu’après la puberté, le taux normal chez un homme est beaucoup plus élevé (7,7 à 29,4 nmol/L). En l’absence d’anomalie du développement sexuel ou de tumeur, aucune femme ne peut afficher des taux testostérone supérieurs ou égaux à 5 nmol/L, mais les personnes présentant des différences du développement sexuel peuvent afficher un taux très élevé de testostérone naturelle, qui correspond à la norme observée chez les hommes, voire à un taux plus élevé”, citant un article scientifique de 2018.

C’est en raison de ces différences, que de nombreuses procédures en justice ont émaillé la présence de Caster Semenya lors des compétitions officielles :

Désormais, Caster Semenya ne participe qu’aux épreuves du 5000 m. Pour elle, il y a encore trop de sexisme dans le sport de haut niveau et elle s’interroge pourquoi le corps des hommes n’est pas considéré comme celui des femmes, à l’image du sien : “Les hommes ne sont pas tous très musclés, il y a des grands et des petits, ils n’ont pas tous les mêmes qualités, certains ont des avantages que d’autres n’ont pas. Pourquoi on ne s’en prend pas à eux ?”.

L’athlète bénéficie de nombreux soutiens dont celui de l’ancienne joueuse de tennis Billie Jean King qui a tweeté en 2019 : “Mon amie Caster Semenya est sans équivoque une femme. Forcer les femmes avec un taux de testostérone naturellement élevé à renoncer à la propriété de leur corps et à prendre des médicaments pour concourir dans le sport est barbare, dangereux et discriminatoire. Je me tiens derrière elle et j’espère qu’elle l’emportera.”

Ces athlètes sont minoritaires dans les compétitions sportives et sur les podiums

En novembre 2021, le Comité International Olympique publie sur son site un article qui indique que les athlètes identifiés comme “transgenres” ou non-binaires (des personnes qui peuvent ne se sentir ni homme ni femme, les deux, ou toute autre combinaison des deux) sont très minoritaires : “Alors que les études menées à ce jour indiquent que la population transgenre représente entre 0,1 et 1,1% de la population mondiale, au cours de ces dernières années moins de 0,001% des olympiens a été identifié comme étant constitué d’athlètes transgenres et/ou non binaires.”

Le nombre de personnes intersexuées dans la population, quant à lui, est plus difficile à évaluer : tout dépend des critères retenus. La question entre experts fait débat : des estimations vont de 0,05% à 1,7% des naissances.

Pas de “monopole” sur les médailles ou sur certaines disciplines

Ces athlètes, minoritaires, “raflent-ils” donc plus de médailles ? Voici une liste (non exhaustive) des athlètes transgenres ou intersexes qui ont remporté des médailles à des compétitions internationales ou nationales :

Même si cette liste n’est pas exhaustive, la conclusion reste la même : les athlètes transgenres ou intersexes ne “raflent” pas toutes les médailles.

Loin d’être une vérité scientifique, ce débat est avant tout un sujet de société

In fine, ce débat date de bien avant les victoires des deux athlètes amateurs, Terry Miller ou Tiffany Newell, au cœur de plusieurs polémiques notamment sur les réseaux sociaux.

La question de la participation d’athlètes transgenres ou intersexes a déjà suscité des questions au moment des Jeux universitaires mondiaux à Kobe en 1985 avec le cas de la coureuse de haies espagnole María José Martínez Patiño, avant même la très médiatique (ici ou ) affaire Caster Semenya en 2012.

Pour tenter de permettre la participation des athlètes transgenres ou intersexes aux compétitions sportives et de respecter une certaine équité sportive, certaines fédérations comme la Fina (Fédération internationale de natation) ont annoncé la création d’une troisième catégorie (après la catégorie “homme” et “femme”), une “catégorie ouverte”. Une politique qui exclura de fait de nombreuses nageuses transgenres (comme Lia Thomas) de la natation d’élite féminine et qui est loin de faire l’unanimité, notamment auprès de certains groupes de défense des intérêts des athlètes LGBTQ.

Ces exemples ne sont qu’une illustration du débat qui existe actuellement dans le sport, l’une des rares “arènes sociales”, comme l’écrit la sociologue à la faculté des sciences du sport de Paris-Saclay Lucie Pallesi, “où la bicatégorisation par sexe demeure prégnante. Celle-ci s’appuie sur deux présupposés : le fait que l’on pourrait différencier les individus selon leur sexe de manière binaire (homme/mâle ou femme/femelle) et le fait que le sexe masculin aurait un avantage biologique significatif sur le sexe féminin en termes de performances sportives dues à la testostérone”.

Un débat complexe et loin d’être tranché

En tout état de cause, il n’y a pas de sport dans lequel les personnes transgenres ou intersexes “rafleraient” toutes les médailles contrairement à ce que certains leaders d’opinion ou groupes politiques affirment.

L’hypothèse selon laquelle ces athlètes, présentant des forts taux de testostérone, seraient avantagés, n’est pas avérée scientifiquement.

Les performances sportives ne s’évaluent pas seulement au prisme des différences génétiques ou sexuelles mais d’un ensemble de facteurs économiques, sociaux ou environnementaux. Et elles varient également d’un sport à l’autre. En effet, dans certaines épreuves sportives, notamment celles faisant davantage appel à la force, des athlètes transgenres peuvent bénéficier d’un certain avantage, même après deux ans de traitement hormonal.

Par ailleurs, ces sportifs et sportives représentent encore aujourd’hui une infime minorité d’athlètes dans les compétitions sportives, la plupart du temps dans des oppositions entre amateurs.

Le débat n’est pas non plus tranché du côté des fédérations sportives, qui, libres d’édicter leurs propres règlements, ont adopté des positions différentes sur cette thématique. Les prochains Jeux Olympiques à Paris en 2024 verront donc peut-être des athlètes transgenres ou intersexes participer dans la catégorie de genre à laquelle il ou elle s’identifie. Tout dépendra de la discipline pratiquée.