L’image d’un building gigantesque et surprenant est partagée sur Facebook avec la mention “Bâtiment d’un quartier du Caire”. Cependant, cette image n’est pas une photo réelle mais la création d’un architecte et designer égyptien à l’aide d’outils qui utilisent de l’intelligence artificielle.
L’image d’une construction surprenante a été publiée le 17 juin sur un groupe Facebook qui rassemble plus de 204.000 membres. Légendée “Bâtiment d’un cartier du Caire” (sic), la publication a été partagée plus de 202 fois et a généré de nombreux commentaires et réactions.
Dans les commentaires sous la publication, plusieurs personnes s’interrogent sur la véracité de cette image spectaculaire. “Réel après vérification Google“, affirme l’un d’entre eux, sans citer de source. D’autres sont convaincus que la photo a été générée par une intelligence artificielle. Pour y voir plus clair, nous avons retrouvé la source.
Une image qui voyage sur les réseaux sociaux dans plusieurs langues
En faisant des recherches en ligne, notamment à l’aide de recherches d’images inversées, la rédaction de Faky a répertorié différentes publications reprenant la même image.
Le 17 juin, un internaute publie sur TikTok l’image avec un commentaire indiquant qu’il s’agit d’une “photo d’un immeuble résidentiel dans un quartier en Algérie.” Sur Reddit, la même image a été partagée en février 2024 avec un commentaire en anglais “It would be hard to catch your breath in this building“, soit “Il serait difficile de reprendre son souffle dans un tel bâtiment“, suscitant également des débats dans les commentaires.
D’autres recherches via le moteur de recherche chinois baidu nous amènent à d’autres publications publiées le 12 et le 19 février avec la même illustration (1, 2) avec des légendes en chinois telles que : “De tels bâtiments finiront par disparaître de l’histoire“.
Une autre recherche d’image inversée renvoie vers une photo bien réelle sur la banque d’image Getty. Avec en guise de légende : “Residential buildings on Nile embankment, south of Cairo, Egypt” (“immeuble résidentiel sur les bords du Nil, sud du Caire, Egypte“). Mais plusieurs détails ne collent pas avec l’image dont nous cherchons la source, à commencer par la structure au sommet du bâtiment original.
Un site de vérification en arabe
De lien en lien, nous arrivons sur fareq.net, un site qui se présente comme “une plateforme indépendante de fact checking qui se concentre sur la vérification d’informations en Syrie, avec une large portée dans le monde arabe et à l’échelle internationale“. Fareq a mis le doigt sur la source originale : un compte Instagram intitulé “hsnrgb” où l’image a été postée le 8 février dernier. Nous n’avons pas trouvé de source antérieure à cette date.
Le post Instagram de “hsnrgb” est accompagné des mots suivants : “‘The Cairo Sketches’ Monumental modernism. AI.” AI comme “artificial intelligence“, de l’intelligence artificielle donc, tout comme pour les autres images qui accompagnent cette publication. Les lettres “hsnrgb” sont en fait le pseudo d’Hassan Ragab qui se présente dans sa bio Instagram comme “Architect/ New Media Artist/ Designer“. Nous l’avons contacté via son site internet pour en savoir plus sur son travail. Il nous a répondu.
Voir cette publication sur Instagram
L’artiste confirme qu’il utilise l’IA
“C’est une œuvre d’art que j’ai créée à l’aide d’outils d’IA générative et non d’un bâtiment réel, nous confirme-t-il. Elle fait partie d’une collection plus vaste intitulée ‘The Cairo Sketches’, sur laquelle je travaille depuis 18 mois. Il s’agit d’une série d’œuvres d’art qui explore l’architecture contemporaine, la vie urbaine, la technologie et l’intelligence artificielle.” Interrogé sur la méthode employée, l’artiste a répondu qu’il utilisait “plusieurs outils” d’intelligence artificielle.
Sur le site internet amazingarchitecture.com, où d’autres illustrations d’Hassan Ragab sont mises en avant, l’intéressé explique que “‘The Cairo Sketches’ sont des explorations architecturales utilisant Midjourney“.
Selon l’architecte, ce n’est pas la première fois qu’une de ses créations est prise pour argent comptant. “La même œuvre est devenue virale sur X. Les gens croyaient à tort qu’elle représentait un bâtiment en Chine. J’ai même dû me lancer dans des débats pour convaincre certaines personnes qu’il s’agissait d’images générées par l’IA, mais elles ont refusé de me croire.” D’autres images issues du projet artistique “The Cairo Sketches” se retrouvent de temps en temps sur des sites de fact checking. Ce fut le cas chez nos confrères d’AFP Factuel en septembre 2022.
Hassan Ragab renvoie aussi vers une autre histoire, datée de début février. À l’époque, comme le rapporte l’agence Reuters, une image qu’il avait partagée et qui avait ensuite été présentée à tort comme une production de l’artiste Banksy.
Sur Instagram, un début d’identification des contenus générés par intelligence artificielle
Il y a quelques semaines, Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, a annoncé la mise en place d’une stratégie pour identifier les contenus générés par intelligence artificielle. Cela passe notamment par “l’étiquetage du contenu généré à l’aide d’outils d’IA [ce qui] contribue à promouvoir la transparence des produits Meta“. Cet étiquetage peut se faire de deux manières :
- si le réseau social suspecte, via une détection automatique, que l’illustration a été faite à l’aide d’intelligence artificielle ;
- si l’utilisateur signale spontanément qu’il a utilisé une IA.
L’entreprise américaine précise qu’elle “vous oblige à étiqueter le contenu que vous partagez et qui contient des vidéos photoréalistes ou des sons réalistes générés ou modifiés numériquement, y compris au moyen de l’IA. Cela signifie que si ce type de contenu a été créé ou modifié à l’aide d’un outil de création numérique ou d’IA, vous devez l’étiqueter avant de le partager“. En cas de non-respect, “des sanctions peuvent être prises“. Lesquelles ? Meta ne le précise pas.
Dans le cas de ce faux “immeuble du Caire“, la mention “créé avec l’IA” est bien présente entre le nom de l’auteur du compte et sa publication dans l’app Instagram sur smartphone. Par contre la mention n’apparaît pas si on consulte Instagram sur un ordinateur. Une fois hors de la plate-forme, sans contexte pour encadrer cette image, plus rien ne permet de distinguer le vrai du faux.