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La première cause d’accidents mortels est liée au facteur humain et non aux infrastructures

La première cause d'accidents mortels est liée au facteur humain et non aux infrastructures - Featured image

Author(s): Marine DELRUE / AFP France

Le 17 juillet dernier, Elisabeth Borne, a annoncé la requalification de “l’homicide involontaire” par conducteur en “homicide routier“. Cette mesure a été accompagnée d’une série d’autres initiatives ayant pour objectif de réduire le nombre d’accidents. Interrogé par RMC ce même jour sur l’homicide routier, le député du Rassemblement National Sébastien Chenu a affirmé que la première cause d’accidents de la route en France était liée aux infrastructures, plaidant pour un plan de rénovation. Mais attention, expliquent des spécialistes de la sécurité routière interrogés par l’AFP : le premier facteur de mortalité routière est le facteur humain.

Interrogé quelques heures avant qu’Elisabeth Borne n’annonce officiellement la mise en place du délit “d’homicide routier” pour remplacer celui “d’homicide involontaire” par conducteur (dépêche archivée ici), le député du Rassemblement National, vice-président de l’Assemblée, Sébastien Chenu, a estimé que la politique de sécurité routière du gouvernement devrait aussi se concentrer sur la rénovation des infrastructures.

On doit avoir une politique de rénovation des infrastructures qui doit être importante puisque je vous rappelle que la première cause des accidents, 30% d’entre eux, est liée aux infrastructures“,  a-t-il soutenu le 17 juillet dans la matinale de RMC (archivée ici), interrogé sur les peines en vigueur lors d’accidents routiers meurtriers.

Le député et porte-parole du Rassemblement National a ensuite partagé son interview sur sa page Facebook, cumulant plusieurs centaines de partages et plus de 20.000 vues.

Concernant les accidents matériels et corporels non-mortels, il n’existe pas de statistiques sur leurs causes principales car tous ne font pas l’objet d’enquêtes et de recherches de causes, ont indiqué plusieurs experts de la sécurité routière à l’AFP. En revanche, les causes des accidents mortels, elles, sont répertoriées et des statistiques établies.

Ainsi, dans le dernier bilan 2022 de l’observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), archivé ici, on retrouve le chiffre de 30%. Les facteurs liés à l’infrastructure contribuent effectivement à 30% des accidents mortels. Mais, selon ce bilan, le facteur humain est de loin la première cause d’accidents en France, puisqu’il est impliqué dans 92% des accidents mortels, d’après l’ONISR.

Un rapport (archivé ici) daté de 2021, la Cour des comptes confirme que le principal facteur d’accidents est lié au comportement humain : “La connaissance des déterminants de l’accidentalité routière a fait, depuis les années soixante-dix, l’objet de nombreux travaux scientifiques, qui classent les causes d’accidents en trois grandes familles : celle se rapportant au comportement (H), celle relevant de l’environnement et des infrastructures (E), la dernière étant celle afférant au véhicule (V). De façon constante, ces travaux mettent en évidence une présence déterminante des facteurs appartenant à la famille H“.

Sollicité par l’AFP, Sébastien Chenu n’avait pas donné suite au moment de la publication de cet article.

Une large majorité d’accidents sont liés au facteur humain

Un accident est dans la grande majorité des cas ‘plurifactoriel’ et les différents facteurs peuvent être attribués aux trois composantes du système, à savoir : la composante humaine, le véhicule et l’environnement, dont l’infrastructure“, explique Thierry Serre, directeur adjoint et chercheur du Laboratoire Mécanismes d’Accidents (LMA) à l’Université Gustave Eiffel.

Plusieurs études ont montré que dans environ 95% des cas d’accidents, il y avait au moins une erreur humaine mais cela ne veut pas dire qu’elle soit la seule et il peut y avoir aussi dans 30% des cas un lien avec l’infrastructure“, détaille-t-il à l’AFP.

L’accident est multifactoriel : en France, l’étude sur les facteurs d’accidents mortels (FLAM) sur les facteurs déclenchants des accidents mortels de 2015 a identifié que les facteurs humains contribuent pour 92% des accidents mortels, les facteurs liés à l’infrastructure pour 30%, les facteurs liés au véhicule pour 20% et les conditions de circulation pour 18%“, confirme de son côté la Délégation à la sécurité routière (DSR) à l’AFP.

Pour établir ce constat, la DSR et l’ONISR reprennent le rapport d’étude sur les facteurs d’accidents mortels FLAM (archivé ici), publié en 2021, par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).

Nous nous sommes intéressés aux accidents mortels de la circulation routière, autrement dit, ceux recensés par les forces de l’ordre sur l’année 2015“, explique Vincent Ledoux au sujet de l’étude, auteur du rapport d’étude FLAM et directeur de projets sécurité-nouvelles technologies au Cerema.

Nous avions une liste de facteurs, associés à différentes composantes du système de circulation : humaine, infrastructure, environnement, véhicule”, complète-t-il. Au total, la liste comprend 153 facteurs.

Parmi les facteurs liés à l’infrastructure, le Cerema a notamment pris en compte les défauts de visibilité, les problèmes d’éclairage public, l’absence de possibilité d’évitement, ou encore la mauvaise adéquation de l’infrastructure par rapport à l’environnement.

“On a montré que dans 92% des accidents, au moins un facteur humain explique la survenue de l’accident alors que 30% des accidents comprennent un facteur infrastructure qui joue dans la survenue de l’accident“, conclut Vincent Ledoux. “La vitesse est le facteur qui survient le plus fréquemment dans les accidents mortels, tandis que les accidents qui impliquent uniquement le facteur infrastructure ne représentent qu’1% des accidents“, souligne-t-il.

La vitesse est le premier facteur à l’origine d’accidents mortels

Parmi la quarantaine de mesures présentées par la première ministre lundi 17 juillet, le gouvernement prévoit plus de sévérité à l’encontre des excès de vitesse qui “restent la première cause d’accidents sur les routes françaises“, selon Elisabeth Borne (dépêche archivée ici).

Les autoroutes notamment ont enregistré une forte hausse de la mortalité (+12 %), passant de 263 à 294 tués entre 2019 et 2022. Ce n’est toutefois pas sur les routes les plus rapides que l’on recense le plus d’accidents mortels.

En 2022, l’ONISR rapportait 300 décès sur les autoroutes, tandis que le nombre de décès sur le reste du réseau routier français s’élevait à 2960. Cette disparité s’explique notamment par le statut spécifique des autoroutes, qui réduit les risques d’accidents grâce à plusieurs facteurs : voies larges, sans croisements, réservées aux véhicules autorisés (excluant les piétons, les vélos et les usagers lents), présentent des pentes et des virages limités, et disposent d’une bande d’arrêt d’urgence.

Diverses études (1, 2, 3) ont confirmé que le nombre d’accidents mortels est directement lié à l’augmentation de la vitesse sur les routes. En 1982, le chercheur suédois spécialiste des transports, Göran Nilsson, a établi une relation empirique connue sous le nom de “modèle puissance de Nilsson“. Cette relation montre que lorsque la vitesse augmente de 5 %, cela entraîne approximativement une hausse de 10% du nombre total d’accidents corporels et de 20% du nombre d’accidents mortels.

Un durcissement des sanctions concernant la conduite sous emprise de stupéfiants 

En 2022, la vitesse excessive ou inadaptée et l’alcool restent les deux premiers facteurs cités (respectivement pour 28 % et 23% des présumés responsables). Les stupéfiants et l’inattention sont cités chez 13% des présumés responsables, les malaises chez 10% des présumés responsables et les refus de priorité chez 9% des présumés responsables“, précise la DSR à l’AFP.

Pour lutter contre les stupéfiants au volant, le gouvernement a durci le ton en annonçant aussi la suspension automatique du permis en cas de conduite sous l’effet de drogues, une mesure jugée insuffisante par des avocats et association.

Ceux qui prendront la route après avoir consommé des drogues perdront huit points sur leur permis de conduire, contre six actuellement et devront se soumettre à un stage obligatoire.

Contrôle routier en France en 2016 – Loic VENANCE / AFP

Elisabeth Borne a par ailleurs confirmé que la qualification d'”homicide routier” remplacerait celle d'”homicide involontaire” par conducteur, qui choquait les associations et proches de victimes.

Cette nouvelle infraction spécifique s’appliquera que le conducteur ait consommé, ou non, de l’alcool ou des stupéfiants et interviendra après modification du code pénal.

L’impact des politiques de sécurité routière

Les grandes politiques de sécurité routière entreprises ces cinquante dernières années ont eu des effets très nets sur l’accidentologie et la mortalité.

Dès lors qu’il y a des grandes décisions majeures en matière de sécurité routière, on sent nettement une baisse de l’accidentalité, c’est pour ça qu’on est passé de 16.000 morts à 3.000“, analyse Christian Machu, membre du conseil national de sécurité routière (CNSR) et anciennement charge du comité des experts du CNSR à l’AFP, “à chaque fois qu’il y a des grandes mesures, on voit nettement un impact sur l’accidentalité“.

Pour autant, les experts interrogés mettent en avant l’importance des infrastructures.

Malgré tout, on a tendance à négliger la sécurité des infrastructures, on a principalement une politique forte axée sur le comportement des usagers“, soutient Christian Machu. D’après lui, “les fameux 30% mis en avant pourraient être réduits si on introduit un contrôle de sécurité des infrastructures“.

Le conseil national de sécurité routière a émis une recommandation pour demander que l’on respecte les règles de conceptions proposées par le Cerema“, précise-t-il.

En 2021, dans son  rapport, archivé ici, “Evaluation de la politique publique de sécurité routière“, la Cour des Comptes estimait également que la politique de sécurité routière est “centrée sur les usagers” et soutient que : “Pertinent au fond, le choix d’une action prioritaire sur les comportements était aussi un choix par défaut, qui reflétait les difficultés de l’État à agir sur d’autres facteurs et notamment les infrastructures routières“.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.33PB9A8.