Ces derniers jours, plusieurs médias et relais sur les réseaux sociaux ont évoqué des premiers cas de “flurona”. Le mot provenant de l’anglais est une contraction entre le mot “flu”, qui signifie la grippe, et le mot “coronavirus”. Il s’agit donc de personnes qui ont contracté simultanément à la fois la grippe et le Covid-19. Il n’y a pas eu de fusion entre les deux virus, ni l’apparition d’un nouveau virus “hybride”, mais il s’agit simplement d’une double infection à ces deux virus en même temps. Ces doubles infections simultanées ne sont pas non plus des “premières”. Des cas similaires ont déjà été observés au printemps 2020 aux États-Unis et ailleurs dans le monde.
Le 2 janvier, Israël annonce avoir enregistré un premier cas de “Flurona”. Le média en ligne “The Times of Israel” rapporte les propos des autorités israéliennes qui indiquent qu’une femme enceinte non-vaccinée avait contracté en même temps le virus saisonnier de la grippe et le Covid-19.
Le 5 janvier, CBS Los Angeles rapporte le “premier cas” détecté de “flurona” à Los Angeles. “Le patient a été décrit uniquement comme un adolescent présentant des symptômes légers et testé positif à la fois pour la grippe et le Covis. Lui et sa famille venaient de rentrer d’un voyage à Cabo San Lucas, et il était le seul membre à présenter des symptômes. Il est le seul membre de sa famille à avoir été testé positif aux deux virus, mais l’un de ses parents a été testé positif au Covid”, précise l’antenne californienne de CBS.
Des informations reprises parfois de manière imprécise
Ces cas de flurona ont fait l’objet d’un large traitement médiatique dans le monde mais aussi dans l’espace francophone. Des médias en ligne ont titré des articles en évoquant une “fusion” entre les deux virus, suggérant l’apparition d’un nouveau virus et d’une combinaison entre variants et virus, potentiellement préoccupante. D’autres médias ont également insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une “première”.
Sur le réseau social Twitter, plusieurs utilisateurs ont évoqué le cas signalé en Israël et évoqué le fait que le pays “est potentiellement en train de générer un virus recombinant très dangereux”.
Sur Instagram, “HugoDécrypte” qui est un Youtubeur connu pour ses décryptages de l’actualité à destination d’un public jeune et qui publie quotidiennement un condensé de l’actualité en sélectionnant cinq infos et en en faisant un rapide résumé évoque également le flurona.
Le 2 janvier, il reprend dans son condensé de l’actualité du jour l’information du cas de flurona recensé en Israël. Il indique en introduction de sa deuxième “actu” du jour le terme de “fusion” : “Un cas de ‘flurona’, fusion entre la grippe et le coronavirus”, a été recensé en Israël.
Très vite, il est sollicité dans les commentaires de sa publication afin de rectifier l’information. Dans la foulée, il modifie la description de son condensé de l’actualité de jour, et indique : “PRÉCISION IMPORTANTE actu 2 : le terme de “fusion” peut prêter à confusion. Comme nous l’indiquons, c’est une “double infection”, et PAS un nouveau virus.”
Une co-infection par deux virus séparés et non une “fusion” de la grippe et du Covid-19
En effet, cette combinaison entre grippe saisonnière et Covid-19 ne résulte pas d’un nouveau virus, ou d’une “fusion” de deux d’entre eux, mais de ce que l’on appelle une “co-infection”. Autrement dit, deux virus responsables de maladies différentes qui affectent un même individu en même temps, et qui sont tous les deux sources de pathologies.
Le mot “flurona” est un surnom imaginé pour décrire cette double infection simultanée et est constitué à partir de la contraction du mot “flu”, diminutif d’”influenza” (grippe en anglais), et “coronavirus”. Ce terme permet cependant de laisser penser qu’un nouveau virus a été découvert, ce qui n’est pas le cas.
Interrogé par Libération, Etienne Decroly, directeur de recherche pour le CNRS à Marseille et membre de la Société française de virologie, estime que “ce terme est trompeur”. La grippe saisonnière et le Covid-19 étant causés par “deux familles de virus très distinctes”, “aucun risque avéré d’émergence d’un virus chimérique, ou de recombinaison entre ces virus, n’a été démontré à ce jour”, veut rassurer le virologue.
La co-circulation des virus respiratoires et la progression du variant omicron, renforcées par un relâchement dans les gestes barrières, rendent “probable” l’apparition de nouveaux cas de co-infection, “sans qu’ils ne deviennent extrêmement fréquents”, ajoute encore le professeur de virologie.
Par ailleurs, la description de ces cas de fluona soulève des questions concernant la sévérité potentielle des symptômes lorsqu’une personne est infectée par la grippe et le Covid-19 en même temps.
“La maladie est la même. Elles sont virales et provoquent des difficultés respiratoires car toutes deux s’attaquent aux voies respiratoires supérieures”, a déclaré Arnon Vizhnitser, le directeur du service de gynécologie de l’hôpital aux Times of Israel. C’est dans son hôpital que la jeune femme enceinte avait été hospitalisée.
Le docteur israélien indique également que la patiente est depuis sortie de l’hôpital et que les médecins ont déclaré qu’elle était dans un bon état général. Le ministère de la Santé étudie néanmoins le cas pour voir si une combinaison des deux virus peut provoquer une maladie plus grave et tente de savoir si ces cas de flurona pourraient favoriser le développement de formes graves du Covid-19. Cependant, les cas étant encore assez rarement répertoriés, les données manquent encore à ce sujet.
Pas de “premières” au niveau mondial
Par ailleurs, à la fois le Times of Israël (Flurona : Israël enregistre son premier cas de patient atteint de COVID et de grippe en même temps, en anglais) et CBS (Le premier cas de Flurona signalé à Los Angeles a été détecté sur le site de tests de COVID près du Getty Center, en anglais) ont indiqué dans leurs titres qu’il s’agissait de “premières”. Mais s’il s’agit de “premières”, ce sont des premiers cas détectés localement ou officiellement enregistré pour le cas d’Israël, pas de “première” mondiale comme l’ont suggéré certaines publications.
En effet, The Atlantic rapporte que des cas de “co-infections” au Covid-19 et à la grippe avaient déjà été identifiés au mois de février 2020. D’autres cas ont par ailleurs déjà été signalés en France mais aussi en Espagne.
Dans une publication de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) datée du 30 septembre 2021, la possibilité qu’une personne soit infectée à la fois par le Covid-19 et le virus de la grippe saisonnière est évoquée clairement. L’OMS ajoute que “le moyen le plus efficace de prévenir l’hospitalisation et les formes sévères du Covid-19 et de la grippe est la vaccination avec les deux vaccins”.
Une coexistence surveillée des deux virus
Depuis le début de la pandémie, la coexistence des vagues de grippes saisonnières et des vagues de coronavirus ont suscité quelques craintes.
Comme l’explique la BBC, ces inquiétudes ne tiennent pas au fait qu’il s’agit de deux virus similaires, ce qu’ils ne sont pas, mais parce que tous deux peuvent provoquer séparément la saturation du système de santé, comme ils l’ont déjà démontré.
Si la vague de grippe saisonnière de 2020-2021 a été particulièrement faible dans le monde et notamment aux États-Unis en raison des mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19 et la vaccination contre “influenza”, il se pourrait que le virus de la grippe circule à nouveau davantage en 2022. Potentiellement parce qu’un certain nombre de pays ont réduit les mesures sanitaires.
Bien qu’il ne s’agit pas d’une fusion entre la grippe et le coronavirus, les effets de la double infection simultanée doit encore faire l’objet d’études scientifiques. Enfin, la coexistence de ces deux virus et la recrudescence de la grippe saisonnière en parallèle de la pandémie de Covid-19 sont surveillées de près par les spécialistes car les deux virus sont susceptibles de remplir les hôpitaux et de mettre les hôpitaux sous pression.