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Les variations climatiques n’invalident pas l’existence du réchauffement climatique global

Les variations climatiques n'invalident pas l'existence du réchauffement climatique global - Featured image

Author(s): Claire-Line NASS / AFP France

Le rôle des activités humaines dans le réchauffement climatique fait l’objet d’un consensus scientifique depuis de nombreuses années. Pourtant, une vidéo datée de 2007, dans laquelle un homme présenté comme climatologue affirme qu’il serait impossible d’établir l’existence du réchauffement climatique, continue de circuler sur les réseaux sociaux. Il ajoutait que les variations du climat étaient exclusivement dues à des paramètres “naturels”,dont l’activité solaire ou le volcanisme, et n’avaient rien à voir avec les émissions de CO2 ou l’effet de serre. Mais ces propos étaient déjà trompeurs à l’époque : l’impact des activités humaines était déjà connu, et s’est confirmé depuis. Selon les conclusions des experts du GIEC, références en matière de climat, la température a déjà grimpé de près de 1,2°C en moyenne par rapport à l’ère pré-industrielle. Et il est aujourd’hui établi que les émissions de CO2 d’origine humaine sont responsables de l’effet de serre et du changement climatique récent, ont rappelé trois climatologues auprès de l’AFP.

Des internautes ont exhumé une ancienne vidéo dans laquelle s’exprime Marcel Leroux, présenté comme un “climatologue français“, décédé en 2008. Il y assure, à l’encontre du consensus scientifique, qu’il est impossible d’établir que la Terre se réchauffe dans sa globalité, ni que les émissions humaines de CO2 sont responsables du réchauffement du climat.

Capture d’écran prise sur Facebook, le 18/07/2023
Capture d’écran prise sur Twitter, le 18/07/2023

Des extraits de cette vidéo, qui mentionne la date de 2007, sont régulièrement relayés sur Facebook, Telegram et TikTok par des internautes en France (1, 2, 3) au Québec (1, 2, 3) et en Algérie.

Pourtant, les différentes allégations qui y sont avancées sont fausses ou trompeuses : il existe aujourd’hui un consensus scientifique établissant que le dérèglement du climat est lié aux émissions de CO2 produites par les humains.

Le climat a toujours changé, donc parler de réchauffement climatique ne “sert à rien” : Trompeur

Marcel Leroux commence par affirmer que “le climat a toujours changé“, et donc que parler de “réchauffement climatique, c’est un truisme qui ne sert strictement à rien“, car le climat “change à toutes les échelles de temps et d’espace“.

Le climat a en effet toujours subi des variations. Mais cela ne remet pas en cause le fait que les émissions d’origine humaine participent à un réchauffement particulièrement rapide depuis la période pré-industrielle, ce qui fait aujourd’hui l’objet d’un consensus scientifique. Omettre de mentionner cela est trompeur, selon les climatologues interrogés par l’AFP.

Il y a eu des périodes plus chaudes qu’aujourd’hui. Mais ce qui est bien documenté, c’est que l’action des humains est responsable du réchauffement actuel“, explique le climatologue Jean Jouzel (lien archivé), ancien vice-président du GIEC, le 13 juillet à l’AFP.

Pour le climat, on parle de variabilité sur des centaines voire milliers, voire millions d’années. Et c’est vrai que le climat varie à toutes ces échelles de temps“, détaille Martin Ménégoz, climatologue et chercheur à l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE) et au CNRS, le 13 juillet à l’AFP.

Il y a deux processus qui font varier le climat“, développe-t-il. D’une part, “la variabilité climatique interne, c’est-à-dire l’aspect chaotique du climat, notamment de l’océan et de l’atmosphère, qui fait que d’une année sur l’autre dans une région, il va y avoir des températures ou des précipitations un peu différentes de l’année d’avant” et d’autre part “la variabilité forcée, qui est induite par des changements de forçage  [perturbation d’origine extérieure au système climatique, NDLR] qui sont soit naturels soit d’origine humaine(lien archivé). 

Et ce que l’on sait très bien aujourd’hui, c’est que depuis 1850, les humains émettent des gaz à effets de serre“, ce qui fait qu'”artificiellement, on augmente la teneur en gaz à effet de serre, ce qui induit directement un réchauffement de l’ensemble de la moyenne de températures proches de la surface de la Terre“, développe le chercheur.

Évolution de la température annuelle moyenne par rapport aux niveaux préindustriels (1850-1900) de 1850 à 2022, selon le rapport annuel sur l’état du climat mondial de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) – AFP

Il est impossible de “démontrer que la Terre se réchauffe dans sa globalité” : Faux

Marcel Leroux prétend qu'”on n’a jamais démontré que le climat de la Terre se réchauffe dans sa globalité. Il n’y a pas de climat global donc il n’y a pas de réchauffement global, ça n’existe pas“.

Dans la réalité, il y a des régions qui se réchauffent, d’autres qui se refroidissent. Ce n’est pas parce qu’on fera la somme entre une région qui se réchauffe et une qui se refroidit qu’on va obtenir une température moyenne“, assure-t-il.

Ces affirmations vont néanmoins à l’encontre des conclusions des experts du Groupement international d’experts sur le climat (GIEC).

Cinq scénarios d’évolution de la température à la surface de la Terre à l’échelle des générations qui se succèdent, selon le Giec – AFP

Créé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le GIEC réunit des milliers de spécialistes des sciences de l’atmosphère, des océanographes, des glaciologues, des économistes ; et a reçu le prix Nobel de la Paix en 2007 (lien archivé).

Il est divisé en trois groupes d’experts, nommés par les différents gouvernements et organisations internationales : le premier étudie les preuves scientifiques du réchauffement, le deuxième ses impacts et le troisième présente les solutions envisageables pour l’atténuer.

Depuis 1990, les scientifiques du GIEC ont publié six rapports résumant les connaissances sur le climat. Ces dernières ont évolué au fil des recherches, tout comme les conclusions des experts.

En 1990, les spécialistes restaient prudents en concluant qu’il n’était pas possible d’affirmer que les activités humaines étaient responsables du réchauffement climatique. C’est en 2007 qu’il ont considéré comme “très probable” que ce soit le cas ; puis “extrêmement probable” en 2013.

Dans le premier volet du dernier rapport en date, publié en août 2021, les experts du GIEC ont conclu que le réchauffement climatique est “sans équivoque” et qu’il est incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres“.

Et comme le montre l’une des figures du chapitre 2 du rapport, ce réchauffement est observable sur pratiquement toutes les régions de la Terre.

Reproduction de la figure 2.11 du sixième rapport du GIEC

Cette tendance apparaissait déjà dans le rapport publié en 2007.

Il y a un réchauffement global : toute la Terre se réchauffe, même si ce réchauffement n’intervient pas au même rythme partout“, développe François-Marie Bréon, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) et président de l’Association française pour l’information scientifique (Afis), également l’un des auteurs du cinquième rapport du GIEC, le 17 juillet à l’AFP.

Les conséquences de ce dérèglement sont par ailleurs déjà observables dans l’atmosphère, les océans, la cryosphère et la biosphère, menant à de “nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du globe“, et causant “des répercussions négatives et pertes à grande échelle pour la nature et les populations“, souligne le résumé du dernier rapport du GIEC.

Le gaz carbonique n’est pas à l’origine de variations climatiques, c’est la vapeur d’eau : Trompeur

Marcel Leroux prétend que “dire que le gaz carbonique est à l’origine de variations climatiques, c’est (…) sans fondement. Le principal gaz à effet de serre n’est pas le gaz carbonique, c’est la vapeur d’eau. La vapeur d’eau agit à 95% sur ce que l’on appelle l’effet de serre“.

L’effet de serre est un phénomène naturel qui permet à la Terre de se réchauffer, en absorbant une partie de l’énergie solaire. “Sans l’effet de serre, la température de la Terre serait de -18 degrés“, tandis qu’elle est de 15 degrés environ grâce à ce dernier, rappelle Martin Ménégoz.

Graphique expliquant l’effet de serre, qui contribue au réchauffement de la planète – AFP

C’est bien la vapeur d’eau qui est le principal gaz à effet de serre, selon les climatologues interrogés par l’AFP. Néanmoins, ce qui est important pour le changement climatique, ce n’est pas le niveau absolu, mais l’augmentation” de quantité de gaz à effet de serre, souligne François-Marie Bréon, qui estime par ailleurs que le pourcentage de “95%” cité par Marcel Leroux est surévalué.

Il ajoute que les émissions de CO2 “restent dans l’atmosphère” tandis que “la vapeur d’eau atmosphérique est éliminée par les pluies“, ce qui réduit son “impact sur l’effet de serre“.

Les activités humaines dont l’industrialisation, la production d’électricité à l’aide d’énergies fossiles, les combustibles utilisés dans les transports ou encore la déforestation font augmenter le CO2.

Ce dernier est un gaz dit naturel participant entre autres au fonctionnement de notre organisme, comme indiqué dans ce précédent article de vérification de l’AFP. Il n’est pas considéré comme un polluant et n’est pas dangereux en tant que tel, mais lorsque sa concentration dans l’atmosphère est élevée, il contribue au réchauffement de la planète.

La concentration de CO2 est généralement mesurée en “partie par million” ou ppm -un indicateur qui permet de calculer combien de molécules de polluant se trouvent sur un million de molécules d’air-. Elle est passée d’environ 280 ppm en 1800 à près de 420 ppm en 2022 et ne cesse d’augmenter, rappelle Martin Ménégoz.

Les causes du changement climatique n’ont pas de lien avec l’effet de serre et l’activité humaine : Faux

Marcel Leroux remet également en cause le lien entre le changement climatique et l’effet de serre, assurant que l’on “connaît les causes du changement climatique : elles se trouvent dans tous les manuels de climatologie, que ce soit les paramètres de Milankovitch, que ce soit les variations de l’activité solaire, que ce soit le géomagnétisme (…), que ce soit le rayonnement cosmique et (…) le volcanisme qui, au contraire des autres, peut entraîner des refroidissements de plusieurs années“.

De telles affirmations, qui reposent sur un raisonnement trompeur, sont régulièrement relayées sur les réseaux sociaux, et l’AFP avait par exemple déjà vérifié des assertions similaires dans cet article de septembre 2022 ou dans cet autre d’août 2022.

Le climat change selon de nombreux paramètres, dont font partie certains de ceux cités par Marcel Leroux : les paramètres de Milankovitch (qui font référence aux variations de l’orbite de la Terre), l’activité solaire ou le volcanisme. Ils sont pris en compte dans la modélisation du climat, souligne François-Marie Bréon. En revanche, “le géomagnétisme et le rayonnement cosmique ne sont pas pas des facteurs connus de variation climatique“, ajoute-t-il.

Comme nous l’expliquions déjà dans un article d’avril 2022 et un autre de mai 2023, l’activité solaire a plutôt tendance à stagner, voire à diminuer ces dernières années.

Les variations de l’orbite terrestre sont elles minimes, et feraient varier les températures à un rythme bien plus lent que le réchauffement observé ces 150 dernières années, comme détaillé dans cet autre article de 2019. En outre, “selon les facteurs de Milankovitch, on serait plutôt dans une période de léger refroidissement“, note Jean Jouzel.

Le réchauffement climatique récent de plus de un degré est lié aux activités humaines. Les autres causes naturelles citées ne peuvent jouer que pour un ou deux dixièmes de degrés sur la même période“, ajoute-t-il.

Depuis 1850, le seul processus qui explique le réchauffement climatique qui est observé est l’activité humaine“, ajoute Martin Ménégoz.

En faisant augmenter le CO2, les émissions générées par les humains ont créé un déséquilibre dans le bilan radiatif (énergétique) de la Terre. Ce dernier désigne les facteurs qui influent sur la température de la Terre, qui reçoit le rayonnement du Soleil, en absorbe une partie tandis qu’une autre partie est réémise vers l’espace sous forme d’infrarouges, ce qui permet à la Terre de connaître une température vivable. Mais certains facteurs, en particulier les gaz à effet de serre, viennent perturber cet équilibre en limitant la réémission des infrarouges vers l’espace.

Les activités humaines ont augmenté l’effet de serre. Donc, il y a plus d’énergie pour assurer l’équilibre thermodynamique de l’atmosphère, de l’océan et des surfaces continentales et des glaces“, ce qui contribue à dérégler le climat, résume Jean Jouzel.

Graphiques sur l’évolution des températures depuis 1850 et les simulations incluant et excluant l’influence humaine, et sur la concentration de CO2 dans l’atmosphère au cours des 400 000 dernières années – AFP

L’origine humaine du changement climatique et ses effets sont régulièrement remis en question sur les réseaux sociaux. L’AFP a déjà vérifié des affirmations erronées prétendant ce n’est pas l’activité humaine mais le soleil ou les modifications de l’orbite terrestre qui sont responsables du réchauffement climatique ou encore que les émissions de CO2 ne seraient pas responsables du changement climatique.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.33NX6MG.