Scroll Top

Non, le halal n’est pas obligatoire dans les écoles

Non, le halal n’est pas obligatoire dans les écoles - Featured image

Author(s): Grégoire Ryckmans

Dans une vidéo sponsorisée sur les réseaux sociaux de Meta à destination des Bruxellois, le Vlaams Belang affirme que l’alimentation halal est “obligatoire” à l’école. Si des écoles proposent bien des menus exclusivement sans porc ou halal, il n’y a cependant aucun décret ou aucune loi qui oblige les écoles à proposer ce type de menu dans leurs cantines à Bruxelles ou ailleurs en Belgique.

Une vidéo diffusée depuis le début du mois de juin par la section régionale bruxelloise du Vlaams Belang circule sur Instagram et Facebook. Dans celle-ci, un texte et une voix OFF en français mentionnent que : “Le visage de Bruxelles a changé. Un bouleversement sociologique sans précédent a transformé le visage de la capitale et du reste du pays”. Parmi les changements énoncés ensuite, se situe en première place de la liste : “Le halal obligatoire à l’école”.

Que sait-on sur cette vidéo ? La vidéo est sponsorisée par le “Vlaams Belang Brussel” sur deux des réseaux sociaux appartenant au groupe Meta : Instagram et Facebook. Il est dès lors possible d’en consulter les détails via l’outil Ads Library qui répertorie les contenus qui sont payés par les comptes pour les montrer à des utilisateurs ciblés.

À l’heure de publier cet article, cette vidéo avait touché entre 90.000 et 100.000 utilisateurs de Facebook et Instagram situés en Région bruxelloise.


Les informations disponibles indiquent que la vidéo est diffusée via quatre publicités, c’est-à-dire quatre versions différentes proposées par Meta, et qu’elle a été mise en ligne le 31 mai 2024.
Le montant dépensé par le parti pour la diffusion de cette vidéo est estimé par la plateforme Meta entre 800 et 899 euros, à ce stade. La publicité est toujours en cours de diffusion et affiche un “potentiel” de 210.000 à plus de 2.000.000 d’impressions, le critère retenu par Meta pour comptabiliser les “vues”. Il s’agit du nombre de fois que la publication apparait dans le fil d’un utilisateur.


Le Vlaams Belang se base sur sa propre enquête, menée en 2010

La rédaction de Faky a contacté le Vlaams Belang, pour savoir si la déclaration concernant l’obligation de servir des repas halal dans les cantines scolaires porte sur la Belgique ou uniquement sur Bruxelles, ainsi que sur les sources de cette affirmation.

Dominiek Lootens-Stal, député au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale explique que cette déclaration se base sur une enquête réalisée par son propre parti : “On a fait il y a quelques années une enquête auprès de 61 écoles néerlandophones libres et officielles flamandes à Bruxelles et on leur a demandé quel était le régime : il y avait beaucoup de halal.”.

Nous avons retrouvé un article de Het Laatste Nieuws daté du 19 octobre 2010 qui évoque la communication du parti à ce sujet. Celle-ci indiquait que parmi ces 61 écoles interrogées, 12% d’entre elles ne proposaient que des repas halal. Pour le député bruxellois du Vlaams Belang, ce serait “peut-être plus aujourd’hui”.

M. Lootens-Stal, a également fourni une copie d’un article publié dans la revue du Vlaams Blok (l’ancien nom du Vlaams Belang) : “Brussels Nieuws”. Dans cette publication datée également de 2010, on retrouve les chiffres cités dans l’article de HLN. L’article est signé par le député bruxellois du Vlaams Belang lui-même.

Interrogé sur la méthodologie de leur enquête, M. Lootens-Stal a précisé que celle-ci avait été faite par téléphone. Il n’a cependant pas pu nous fournir les autres éléments de ce sondage réalisé par son propre parti.

Par ailleurs, au sujet de l’inadéquation entre les 12% cités (les écoles qui ne serviraient que des repas halal) dans l’enquête et l’obligation annoncée (une obligation signifierait 100%), il indique que pour lui le problème est que les écoles qui servent ces repas halal ne communiquent pas sur le sujet. “De facto on mange du halal mais comme on ne le sait pas, cela revient à une obligation”.


C’est quoi le halal ?

Le “halal”, est un régime alimentaire, respecté par certains musulmans pratiquants, qui proscrit le porc et l’alcool et conditionne la façon dont les animaux sont abattus en vue de leur consommation.

Aucun texte ne précise l’origine de l’interdit alimentaire, mais les pistes sont nombreuses. De manière pragmatique l’Islam, arrivé comme troisième religion du livre, aurait repris les interdits religieux des deux religions précédentes.

L’origine de l’abattage rituel serait, pour une bonne part, anthropologique : le rituel d’abattage doit permettre un contrôle spirituel “car on ne tue pas gratuitement”. Il faudrait y voir une forme de respect pour la vie.

Pour qu’un produit soit considéré comme halal, les conditions portent sur l’absence de porc, d’alcool et de leurs dérivés (comme la gélatine de porc utilisées dans la confection de certaines pâtisseries ou des médicaments qui contiennent des résidus d’alcool, par exemple).

Au niveau de la viande, à l’exception donc du porc, il s’agit aussi de respecter les rituels d’abattages du culte musulman : l’égorgement des animaux est effectué sans étourdissement. Par ailleurs, la bête doit être égorgée en une seule fois et ne doit notamment pas voir les autres animaux destinés à connaître le même destin que lui.


Qu’en est-il dans l’enseignement flamand à Bruxelles ?

Au niveau des règles qui régissent les repas servis dans le cadre des écoles, ce sont les communautés qui sont compétentes en Belgique, notamment au travers des ministères de l’Enseignement.

Du côté de l’enseignement flamand à Bruxelles, c’est le ministre Sven Gatz (Open Vld) qui est responsable en matière d’Éducation, via le collège de la Vlaamse Gemeenschap Commisie (VGC), la Commission Communautaire flamande.

Interrogée par la rédaction de Faky, la porte-parole du ministre Gatz indique : “aucune obligation n’est imposée par la VGC à l’égard du halal dans les écoles”. Eva Vanhengel confirme qu’il existe bien des écoles flamandes à Bruxelles qui proposent des menus halal : “Par exemple, la cuisine centrale Agape de l’enseignement communautaire propose l’option halal, en plus des menus végétariens, hybrides, diététiques…”, mais que ces choix sont exclusivement à l’initiative des écoles.

“Prendre des dispositions pour les repas scolaires et les communiquer aux parents fait partie des attributions des pouvoirs organisateurs. Ce sont donc les écoles elles-mêmes qui décident de leur offre de repas à la cantine”.


C’est quoi un pouvoir organisateur ?

Le pouvoir organisateur, en abrégé “PO”, d’un établissement d’enseignement est l’autorité, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, qui en assument la responsabilité. C’est ce “PO” qui détermine notamment le choix des méthodes pédagogiques, le programme, l’engagement des enseignants, les valeurs principalement véhiculées, etc. ,

Mme Vanhengel indique également que le ministère ne collecte pas de chiffres sur le nombre d’écoles qui proposent une offre halal aux enfants.

Le pouvoir organisateur, en abrégé “PO”, d’un établissement d’enseignement est l’autorité, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, qui en assument la responsabilité. C’est ce “PO” qui détermine notamment le choix des méthodes pédagogiques, le programme, l’engagement des enseignants, les valeurs principalement véhiculées, etc.


Aucun décret de l’Enseignement en Belgique ne mentionne le halal

Pour savoir ce qu’il en était dans les autres écoles en Belgique, nous avons interrogé les autres ministres compétents pour les élèves francophones et néerlandophones du pays.

Côté francophone, la rédaction de Faky a contacté le cabinet de la ministre de l’Éducation, Caroline Désir (PS). “À l’exception du décret ‘cantines gratuites’, qui prévoit une alternative végétarienne et ne s’adresse qu’aux écoles qui font le choix d’intégrer le dispositif, aucun texte légal ne détermine quel type de repas doit être servi à l’école. Et aucune instruction n’a jamais été communiquée à ce sujet”, explique Jean-François Mahieu, porte-parole et responsable de la communication de Mme Désir.

Dans les écoles francophones, il y a bien des établissements qui ont fait le choix du halal ou du sans porc. D’autres écoles font le choix de proposer des menus alternatifs ou des menus sans viande. Il ne s’agit cependant pas d’une obligation mais, là aussi, d’un choix délibéré de leurs PO.

Du côté de la Flandre, Michaël Devoldere, porte-parole du ministre flamand de l’enseignement Ben Weyts (N-VA), explique que les écoles de l’enseignement flamand en Flandre n’ont, eux non plus, aucune obligation d’offrir des repas halal. “En fait, les écoles ne sont même pas du tout obligées de proposer un repas chaud aux élèves. Il est possible que certaines écoles servent de la nourriture halal, mais il s’agit alors d’un choix propre à l’établissement”.

Conclusion

La section bruxelloise du Vlaams Belang diffuse une vidéo sponsorisée sur les réseaux sociaux dans laquelle elle estime qu’u “bouleversement sociologique sans précédent a transformé le visage de la capitale et du reste du pays”. Le premier exemple de ce bouleversement serait “le halal obligatoire dans les écoles”.

Pour fonder cette affirmation, le Vlaams Belang se base sur une enquête réalisée par son propre parti par téléphone, il y a plus de treize ans et sans en détailler la méthodologie. Par ailleurs, cette enquête ne confirme en aucun cas qu’il y aurait une “obligation”. Le Vlaams Belang interprète ses résultats (12% des écoles qui n’offriraient que des repas halal), en estimant que dans ces cas, les parents qui inscrivent leurs enfants au repas chauds (facultatifs) ne sont pas au courant qu’il s’agit de repas halal, que ça se ferait donc à leur insu, et que ça reviendrait à une obligation “de facto”.

Aucun décret ne stipule cependant la moindre obligation de servir des repas halal dans les cantines scolaires. Si certains établissements le font, il s’agit de décisions au cas par cas, prises de façon indépendante par les pouvoirs organisateurs des écoles.

Nous estimons que l’affirmation contenue dans la vidéo de la section bruxelloise du Vlaams Belang est fausse.