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Non, les éoliennes de “tournent” pas “au diesel” en Ecosse

Non, les éoliennes de "tournent" pas "au diesel" en Ecosse - Featured image

Author(s): Gaëlle GEOFFROY / AFP France

Le groupe énergétique britannique Scottish Power a utilisé en décembre 2022 six générateurs diesel pour dégivrer  71 éoliennes en pleine panne sur le réseau électrique. Des comptes sur les réseaux sociaux se sont emparés de cette information pour la déformer. Certains dénoncent un recours au diesel pour “faire tourner des éoliennes” alors qu’il ne s’agissait que de les dégivrer, tandis que d’autres laissent entendre, à tort également, qu’il s’agit d’une pratique systématique. Mais ce n’est pas le cas : l’utilisation de générateurs diesel dans ce cas précis était ponctuelle, liée à un problème de panne sur le réseau électrique.

Des publications sur X en date du 9 mars 2024 ont cumulé en deux jours quelque 200 partagent chacune, comme celle de Fabien Bouglé, auteur d’ouvrages sur les éoliennes et le nucléaire et par ailleurs conseiller municipal de Versailles, ancien soutien de François Fillon et proche de La Manif Pour Tous. Certaines de ses publications relayant des fausses informations sur les éoliennes ont déjà fait l’objet d’articles de vérification de l’AFP. “Les éoliennes fonctionnent aussi au diesel ! Le scandale des éoliennes aux énergies fossiles éclate en Écosse…”, affirme-t-il cette fois-ci.

 

Capture d’écran, réalisée le 12 mars 2024, d’une publication sur X

 

Mais comme nous allons le voir, il s’agit d’une généralisation inexacte.

D’autres publications tordent la réalité, laissant entendre que des générateurs diesel sont utilisés lorsqu’il n’y a “pas de vent” pour dégivrer les éoliennes, alors qu’il s’avère que le recours à ces équipements a été très ponctuel dans le cas cité par ces auteurs de posts.

C’est le cas de cette publication, qui affirme : “ils feraient donc tourner des éoliennes avec des moteurs diesel quand il n’y a pas de vent pour éviter que de la glace ne se forme sur les pâles [sic] des éoliennes écossaises”, tandis qu’Olivier Babeau, économiste et président co-fondateur du think tank libéral Institut Sapiens, affirme dans un message sur X que “les éoliennes c’est encore pire que ce qu’on croyait” et que le diesel est utilisé pour “lutter contre la glace”.

Cette rhéorique anti-éoliennes circule sur internet et les réseaux sociaux depuis plusieurs mois. Silvano Trotta,relais fréquent d’infox sur de nombreux sujets, l’avait relayé en novembre 2023 en affirmant que des “générateurs diesel” avaient été “trouvés dans les éoliennes écossaises !.

Dans une vidéo sur YouTube vue plus de 52.000 fois fin 2023, un internaute dénonçait quant à lui une “escrologie” qui “bat son plein” avec “des éoliennes qui tournent au diesel ! Pourquoi ? Pourquoi ? Parce qu’y a pas assez de vent !” Et de citer le cas écossais, mais aussi un cas allemand.

Sunday Mail

Les messages de Fabien Bouglé et Olivier Babeau relaient un autre message X du 9 mars 2024 publié par Wide Awake Media, un site américain qui a déjà par le passé relayé des affirmations trompeuses (archive). Celui-ci affirme cette fois que “le secteur énergétique écossais est critiqué après qu’il a été révélé que de gros générateurs diesel avaient été utilisés pour assurer le fonctionnement de dizaines d’éoliennes géantes” (“Scotland’s power sector came under fire after it was revealed that massive diesel generators were used to ensure dozens of giant wind turbines could function”).

Celui-ci fait référence à un article du journal écossais Sunday Mail du 5 février 2023 titré : “Des dizaines de turbines géantes dans des fermes éoliennes écossaises alimentées par des générateurs diesel” (“Dozens of giant turbines at Scots windfarms powered by diesel generators” (archive). L’article explique que le groupe Scottish Power “a reconnu” que pour qu’elles restent chaudes, 71 éoliennes avaient été alimentées par du diesel après une panne sur le réseau électrique. Y est aussi cité “un lanceur d’alerte” anonyme selon lequel ce recours à ces générateurs ne serait qu’une partie de “nombreux” manquements de l’entreprise selon lui aux règles environnementales, sanitaires et de sécurité. Il cite, sans plus de précisions, les émissions de “carbone” de générateurs et “l’huile hydraulique”.

Capture d’écran, réalisée le 12 mars 2024, d’un article du Sunday Mail du 5 février 2023

“Evénement ponctuel”

Les éoliennes fonctionnent-elles vraiment au diesel en Ecosse et des générateurs sont-ils utilisés systématiquement lorsqu’il n’y a pas de vent et qu’il gèle comme le laisse entendre les publications sur les réseaux sociaux en français ?

Contacté par l’AFP, un porte-parole de Scottish Power a expliqué qu’“en décembre 2022, six générateurs ont été utilisés pour dégivrer et garder chaudes 71 turbines lors d’un incident isolé causé par un problème technique sur le réseau de transmission”. “Il s’agissait d’un événement ponctuel et cela concernait une petite proportion des 919 turbines de Scottish Power Renewables(archive), a-t-il souligné dans un mail en date du 12 mars 2024.  (“In December 2022, six generators were used to de-ice and keep warm 71 turbines in an isolated incident caused by a technical fault on the transmission grid. This was a one-off event and a small proportion of ScottishPower Renewables’ 919 turbines, which generate clean, green energy for the UK”).

“Les accusations concernant une pollution au carbone et à l’huile hydraulique sont complètement infondées et nous les réfutons”, a-t-il ajouté (“The accusations around carbon and hydraulic oil pollution are completely unfounded and we refute those”).

Des éoliennes à Eaglesham Moor, au sud-ouest de Glasgow, le 17 janvier 2022 – ANDY BUCHANAN / AFP

En résumé, des générateurs diesel ont bien été dans ce cas utilisés, mais ils l’ont été seulement lors d’une coupure sur le réseau électrique pour dégivrer les éoliennes. Contrairement à ce que laissent entendre certaines publications sur les réseaux sociaux, ils ne sont donc pas utilisés de manière systématique pour ces opérations de dégivrage, et encore moins pour propulser les pales de ces installations.

C’est ce que confirme Régis Olivès, directeur de l’école d’ingénieurs Sup’EnR, dédiée au génie énergétique et aux énergies renouvelables, à Perpignan.

“Dans ces régions, les risques de gel sont élevés. Il peut être nécessaire de recourir à l’électricité pour le dégivrage. Il est aussi parfois nécessaire d’utiliser l’électricité pour réorienter la nacelle dans la direction du vent afin de permettre le redémarrage de l’éolienne. De façon générale, il est alors fait appel à l’électricité du réseau pour ces ‘fonctions vitales’, a-t-il expliqué dans un email à l’AFP le 11 mars 2024.

Ainsi, “les groupes diesel ne fonctionneront qu’en cas de rupture du réseau pour le dégivrage”, et “il n’y a aucun intérêt à les faire fonctionner pour produire de l’électricité injectée au réseau et encore moins pour faire tourner les pales. Dans les deux cas cela coûterait très cher à l’exploitant !”, a souligné M. Olivès.

Bombes de la Seconde Guerre mondiale

Le prétendu cas d’éoliennes “qui tournent au diesel (…) aujourd’hui (…) en Allemagne” cité dans la vidéo YouTube évoquée précédemment est lui aussi une extrapolation d’une information qui date en fait de plus de dix ans.

Une recherche sur internet permet de retrouver des articles de presse, notamment de Bild en Allemagne (archive) et du Figaro en France (archive), évoquant un cas en Allemagne.

Mais c’était à l’été 2013, et l’on constate à la lecture de l’article du Figaro notamment qu’il s’agissait là encore d’un problème très particulier et très ponctuel : avec la découverte de bombes de la Seconde Guerre mondiale dans les fonds marins, le raccordement au réseau et donc l’inauguration du parc offshore Riffgat en mer du Nord a été retardée. D’où la  nécessité de recourir à des groupes électrogènes pour assurer leur maintien en bon état en attendant que ce raccordement soit effectif.

Capture d’écran, réalisée le 12 mars 2024, de l’article du Figaro du 13 août 2013 sur des éoliennes allemandes

L’AFP a déjà à plusieurs reprises vérifié de fausses allégations concernant les éoliennes, comme ici ou ici.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.34LD66L.