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Fact check RTL: La mendicité simple est-elle interdite dans le Code pénal?

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Author(s): RTL Lëtzebuerg

© halfpoint on Envato

Le fait que la mendicité simple soit interdite ou non dans le Code pénal, fait l’objet d’une nouvelle controverse depuis que la Ville de Luxembourg a interdit dans son règlement de police la mendicité – sans faire de distinction entre la mendicité simple, agressive ou organisée – dans certains lieux en journée.

La ministre de l’Intérieur précédente, Taina Bofferding (LSAP), n’avait pas donné son approbation à ce règlement de police et la Ville de Luxembourg avait introduit un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif.

L’un des premiers actes officiels du nouveau ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden (CSV), a été de revenir sur la décision de sa prédécesseure et il a approuvé le règlement de police. C’est en vertu de ce dernier que la police verbalise la mendicité dans la capitale depuis le 15 janvier. Il a motivé sa décision avec l’argument que le Code pénal interdit la mendicité même simple. C’est notamment ce qu’il a dit dans l’émission télé Kloertext la semaine dernière.

Que dit le Code pénal?

Le chapitre IV du Code pénal, tel qu’il s’applique actuellement, porte sur  “les contraventions de quatrième classe“, donc les infractions. Là, il figure dans l’article 563: “Seront punis d’une amende de 25 euros à 250 euros : (…)
6° (1) Les vagabonds et ceux qui auront été trouvés mendiants.
Alinéa abrogé ( L. 29 août 2008 ) (…)

Dans la note de bas de page, qui appartient donc au premier alinéa du point 6, il est indiqué qu’il avait été supprimé par erreur en 2008 et ne serait donc pas appliqué par les tribunaux: “Loi du 29 août 2008: ‘A l’article 563 du Code pénal, le point 6 du deuxième alinéa est supprimé.’ Il s’agit vraisemblablement d’une erreur de formulation car il n’a jamais existé d’alinéa 2 à l’article 563. Il se dégage des travaux préparatoires de la loi que le législateur voulait en réalité non pas abolir le point 6 de l’alinéa 2, mais l’alinéa 2 du point 6. Les autorités judiciaires considèrent que le point 6 a été abrogé dans son intégralité.

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Une erreur a été commise en 2008

Avec la loi du 29 août 2008 relative à la libre circulation et à l’immigration, le deuxième alinéa du point 6 devait donc être supprimé. Il y était question de la possibilité de reconduite à la frontière. Et comme il l’est mentionné dans les commentaires sur les articles de ce projet de loi, cela n’était plus adapté à l’esprit de la nouvelle loi: “Les références à la reconduite à la frontière des étrangers prévues aux articles 346 et 563 du Code pénal sont supprimées, alors qu’elles ne cadrent plus avec la terminologie et l’esprit de la nouvelle loi.”

Mais au lieu du deuxième alinéa du point 6, c’est le point 6 du deuxième alinéa qui a été supprimé. Donc le point 6 dans son intégralité, où il est question de la mendicité.

Comment les gouvernements précédents ont-ils considéré la situation ?

Depuis, les ministres de la Justice des différents gouvernements ont interprété la situation en considérant que l’infraction de mendicité simple était abrogée. Même les ministres CSV n’ont pas remis cela en question par le passé.

Dans leur réponse à une question parlementaire de Fernand Kartheiser, Jean-Marie Halsdorf, ministre de l’Intérieur (CSV), et François Biltgen, ministre de la Justice (CSV), ont précisé en 2012 que l’infraction de mendicité simple avait été abolie avec la loi de 2008.

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Ils ont écrit: “Le législateur a adopté le 29 août 2008 une loi par laquelle l’infraction de mendicité’ simple’ a été supprimée. Il n’est dès lors que normal, du moins dans un Etat de droit, qu’il n’y a ni poursuites ni condamnations pour des faits qui ne constituent pas (ou plus) une infraction pénale. (…) En ce qui concerne la question de l’opportunité de légiférer sur cette question, cette question sera transmise au groupe de travail qui est actuellement en train d’analyser les adaptations éventuelles à apporter au Code pénal.”

En décembre 2015, Félix Braz (déi Gréng) s’était contredit lui-même. A l’époque, le sujet de la mendicité avait été abordé lors d’une réunion de la Commission parlementaire de la Justice à la demande du CSV – justement parce que l’infraction de mendicité avait été abolie dans le Code pénal. L’actuel ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden (CSV), était présent en séance. Au début de la réunion, Félix Braz avait déclaré que l’infraction de mendicité simple figurait dans le Code pénal et qu’il y avait une erreur matérielle dans la loi de 2008:  “Il précise que la mendicité simple figure, en tant que fait incriminé, toujours dans le Code pénal. Il rappelle que la loi précitée du 29 août 2008 comporte une erreur matérielle en ce qu’il n’a jamais été question de supprimer l’infraction de la mendicité simple.”

Mais plus tard au cours de ladite réunion, il avait dit qu’elle avait été abrogée par la loi de 2008 et que les tribunaux appliquaient cette loi telle que publiée au Mémorial: “Les organes relevant du pouvoir judiciaire, pouvoir indépendant, appliquent le texte de loi dans la teneur telle qu’il a été publié au Mémorial, Journal Officiel. En d’autres termes, le fait de la mendicité simple a été abrogé.

Des représentants du pouvoir judiciaire assistaient également à cette même réunion, dont Martine Solovieff, Procureure générale d’État. Elle a dit clairement et distinctement que la mendicité simple ne tombait plus sous le coup du Code pénal: “Elle souligne que la mendicité simple ne tombe plus sous le coup de la loi pénale depuis l’entrée en vigueur de la loi du 29 août 2008. Il convient de préciser que les autorités judiciaires appliquent les lois telles que publiées dans le Mémorial, le Journal Officiel édité par le Service central de Législation.

Elle souligne également que le Procureur général d’État avait déjà écrit au directeur de la police en novembre 2009 pour attirer son attention sur ce changement.

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Que mentionne le règlement de police de la Ville de Luxembourg?

Le collège des bourgmestre et échevins de la capitale et le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, affirment que le nouveau règlement de police vise à lutter contre la mendicité “agressive” ou “organisée”. Elle était cependant déjà interdite auparavant dans le règlement de police de la Ville de Luxembourg. Et c’est pourquoi il figure maintenant dans l’article 42: “toute autre forme de mendicité est également interdite (…).” Ce faisant, la Ville de Luxembourg fait explicitement référence à l’article 563, point 6, sur son site – mais laisse de côté la note de bas de page indiquant qu’il a été abrogé.

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Que doit faire la police sur le terrain?

La police doit donc faire cesser toute forme de mendicité, c’est ce qu’a compris la présidente du Syndicat national de la police grand-ducale (SNPGL), Marlène Negrini. Elle a déclaré lundi matin sur RTL: “Nous ne devons pas faire de différence.” Justement, parce que le règlement de police de la Ville de Luxembourg ne fait aucune différence, bien entendu aux endroits désignés où il est interdit de mendier de 7h00 à 22h00.

Marlène Negrini: “Mir däerfe keen Ënnerscheed maachen”

La mendicité “agressive” et/ou “organisée” est-elle interdite dans le Code pénal?

Un argument de l’opposition, tant à la Chambre qu’à la mairie de Luxembourg, est que la mendicité agressive, voire organisée, étant de toute façon interdite dans le Code pénal, la police dispose d’une base juridique pour lutter contre celle-ci. Dans les articles 342 à 346, la mendicité en lien avec différents comportements est effectivement interdite. Il est ainsi interdit d’entrer simplement n’importe où, de menacer quelqu’un ou de simuler une maladie ou une blessure.

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Et l’article 382-1 interdit également la traite des êtres humains en lien avec la mendicité, c’est-à-dire, entre autres, le recrutement ou le transport de personnes à des fins de mendicité.

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