Après la mort le 16 février 2024 de l’opposant russe Alexeï Navalny, à 47 ans, dans une prison russe, les réactions se sont multipliées sur les réseaux sociaux. Si de nombreux internautes lui ont rendu hommage, d’autres se sont félicités de son décès, assurant que l’adversaire numéro un du Kremlin était un “néonazi” et partageant une image censée le montrer faire un salut nazi, avec un tatouage à l’effigie d’Hitler sur le torse. Mais il s’agit d’un photomontage qui circule depuis au moins 2012: le visage de l’opposant a été rajouté sur le corps d’un autre homme.
Le 16 février 2024, l’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny est mort à l’âge de 47 ans dans la colonie pénitentiaire de l’Arctique où il était détenu. De nombreux dirigeants occidentaux ont accusé Moscou d’être responsable de sa mort (archive ici).
Sa disparition après trois années de détention et un empoisonnement dont il accusait le Kremlin prive une opposition déjà exsangue de sa figure de proue, à un mois de la présidentielle.
Alexeï Navalny purgeait une peine de 19 ans de prison pour “extrémisme” dans une colonie reculée de l’Arctique, dans des conditions très difficiles. Les multiples procès qui lui avaient été intentés avaient été largement dénoncés comme étant une manière de le punir pour son opposition à Vladimir Poutine.
La femme de l’opposant, Ioulia Navalnaïa, a appelé la communauté internationale à reconnaître que le chef de l’Etat russe est “personnellement responsable” de la mort de son mari.
Le décès d’Alexeï Navalny a suscité une grande vague d’émotion et d’indignation en Russie et en Occident.
Mais les manifestations contre le Kremlin et les autres actions publiques d’opposition au régime sont illégales en Russie en vertu notamment d’une législation interdisant les rassemblements non autorisés.
Sur les réseaux sociaux, les hommages se sont multipliés. Mais certains ont, à l’inverse, salué la mort de l’opposant du Kremlin en arguant, image à l’appui, qu’il était un “néonazi”.
Le cliché montre une personne avec le visage d’Alexeï Navalny torse nu dans la rue et arborant un tatouage d’Hitler. Un internaute commente sur X: “Bonjour les z’ami-es; Depuis hier, une crapule de moins sur terre #Navalny !”, tandis qu’un autre ironise “hommage au grand homme parti trop tôt”.
Un photomontage partagé depuis au moins 2012
Une recherche d’image inversée sur Google permet déjà d’établir que cette image n’est pas récente et circule depuis au moins 2012 , partagée sur un forum russe.
Dans les résultats visibles en “recherche associée” sur Google Lens apparaissent des photos similaires d’un homme au crâne rasé avec les mêmes tatouages sur le torse. Mais son visage n’est pas celui de l’opposant Navalny.
En poursuivant cette piste, l’AFP a retrouvé la trace de la photo d’origine, où l’on peut voir la personne au crâne rasé faire le salut nazi, dans la même position et avec le même décor que la photo que nous examinons. Cette photo remonte à au moins novembre 2011 et a été publiée par un blog russe, le 4 novembre 2011, indiquant qu’il s’agissait de “marches russes”.
Dans la comparaison ci-dessous, il est possible de voir les deux clichés, celui d’origine et celui relayé actuellement sur X superposés, montrant que le visage d’Alexeï Navalny a été numériquement ajouté aux images.
Le 17 février, l’internaute qui avait partagé le photomontage avec le visage d’Alexeï Navalny a lui-même reconnu qu’il s’agissait d’une image truquée : “Je sais que c un photomontage, mais il n’en demeure moins qu’il était exactement dans la même lignée idéologique”, a-t-il écrit sur X.
Sa veuve Ioulia Navalnaïa promet de poursuivre le combat
La veuve d’Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa, a promis de continuer la lutte contre Vladimir Poutine menée par son mari et appelé ses partisans à la rejoindre. “Il y a trois jours, Vladimir Poutine a tué mon mari, Alexeï Navalny. Poutine a tué le père de mes enfants (…) Avec lui, (Poutine) a voulu tuer notre espoir, notre liberté, notre futur”, a-t-elle asséné (archive ici).
Les proches de Navalny ont été privés d’accès à sa dépouille le 19 février pour le troisième jour consécutif, selon son équipe, qui accuse le Kremlin de l’avoir tué et de chercher à maquiller ses traces.
Selon Kira Iarmich, porte-parole de l’opposant, la mère du défunt, Lioudmila Navalnaïa, n’a pas été “autorisée” à pénétrer dans la morgue où il pourrait être conservé à Salekhard, capitale régionale, à une cinquantaine de kilomètres de la prison où est mort officiellement Alexeï Navalny.
Interrogé sur le sujet, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, s’est borné à dire le 19 février qu’une enquête était en cours et qu’il n’y avait pas de résultats “pour l’instant”.
Selon Kira Iarmich, le Comité d’enquête, chargé en Russie des principales investigations criminelles, a affirmé que “les vérifications” liées à la mort de Navalny étaient “prolongées“, sans précision des délais.“La cause du décès est toujours ‘indéterminée’. Ils mentent, jouent la montre et ne le cachent même pas”, a fustigé Kira Iarmich.
D’après Evguéni Smirnov, un avocat de l’ONG spécialisée Pervy Otdel, les enquêteurs peuvent légalement conserver jusqu’à 30 jours le corps d’une personne décédée en prison. Mais, selon lui, même après ce délai, les autorités peuvent décider d’ouvrir une enquête criminelle, procéder “à de nouvelles manipulations” et garder le cadavre “autant qu’ils le veulent”. “Il est très facile de trouver des raisons juridiques pour garder la dépouille des mois, voire encore plus longtemps”, a affirmé l’avocat.
La mère de l’opposant et un avocat se sont rendus dès le 17 février dans la colonie pénitentiaire N°3, située dans un endroit reculé, à 2.000 kilomètres de Moscou. Selon les services pénitentiaires russes (FSIN), Alexeï Navalny y est mort le 19 février, victime d’un soudain malaise “après une promenade”.
Il était emprisonné depuis son retour en Russie début 2021, après un grave empoisonnement que l’opposant attribuait à Moscou, et sa santé s’était détériorée. Il avait passé près de 300 jours en cellule disciplinaire, aux conditions de détention épuisantes.
Vladimir Poutine, qui ne prononçait jamais le nom d’Alexeï Navalny, n’a toujours fait aucun commentaire sur sa mort, qui intervient un mois avant l’élection présidentielle dont l’issue ne fait aucun doute.