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Budget, salaires, recrutements : quels moyens ont été investis dans la police pendant cette législature ?

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Author(s): Romane Bonnemé et Marie-Laure Mathot

En début de semaine, plusieurs chiffres ont été donnés par la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V) et le représentant de la CGSP, Eddy Quaino, sur les antennes de la RTBF, concernant les moyens investis dans la Police. Le gouvernement a effectivement ajouté 500 millions d’euros dans le budget de la police fédérale depuis le début de la législature. Cette enveloppe a non seulement permis de financer des investissements dans des moyens technologiques mais a aussi l’engagement de nouveaux effectifs (1043 au lieu des 1600 annoncés par le gouvernement fédéral) et des hausses de salaire, toujours insuffisantes aux yeux des syndicats.

Quelques heures après le décès d’un policier lors d’une opération à Lodelinsart ce lundi 18 mars, la ministre de l’Intérieur était sur le plateau du JT de la RTBF pour adresser ses condoléances et souligner ses objectifs dans la sécurité.

Bien qu’aucun lien ne soit établi entre l’épisode tragique de ce lundi et le manque de moyens dans la police, la question est revenue sur la table. Les enjeux des investissements dans la police, de ses effectifs et de la valorisation du métier ont en effet animé les discussions entre syndicats policiers et cabinet de l’Intérieur pendant toute cette législature.

Lundi soir, lorsque Annelies Verlinden (CD&V) a affirmé vouloir “continuer à investir dans la police” avant de rappeler que sous cette législature, “on avait investi 500 millions d’euros additionnels dans l’organisation policière comme l’augmentation des salaires, d’autres investissements”.

Une déclaration qui n’a pas manqué de faire réagir le syndicaliste Eddy Quaino, membre de CGSP Police, mardi matin sur la Première : “Quand [Annelies Verlinden] parle d’investissements dans les services de police, il faut remettre les choses dans leur bon contexte. Mme Verlinden a annoncé un certain nombre d’investissements qui sont liés à des aspects purement technologiques”.

Le syndicaliste poursuit et remonte les difficultés du terrain : “On a des problèmes en termes d’infrastructures, en termes de moyens : des véhicules jusqu’aux vêtements individuels. Quand elle parle des salaires, Mme Verlinden a oublié qu’elle avait promis d’améliorer l’attractivité du métier. C’est loin d’être le cas. Elle avait annoncé le recrutement de 1600 policiers par an. Il suffit de regarder les chiffres : on a par rapport à l’année 2023, recruté que 1000 policiers. Donc on est loin de ces engagements.”

Suite à ces déclarations de la ministre et du syndicaliste, nous avons soulevé quatre questions à vérifier qui se basent sur des chiffres :

Y a-t-il bien eu un investissement de 500 millions additionnels pendant cette législature ? Dans quoi ont-ils été investis ?

On avait investi 500 millions d’euros additionnels dans l’organisation policière comme l’augmentation des salaires, d’autres investissements.

Annelies Verlinden, ministre de l’Intérieur (CD&V)

Vrai.

Pour savoir si 500 millions d’euros ont été alloués à la police depuis le début de cette législature, il convient de comprendre ce que la ministre entend par “euros additionnels”. Selon Magali Verdonck, économiste à l’Université Libre de Bruxelles, il s’agit de la comparaison entre les dépenses effectives (appelées les “réalisations”) d’une année sur l’autre.

Contacté par Faky pour obtenir ces dépenses effectives depuis 2019, le SPF Stratégie et Appui (BOSA), fournit donc ces “réalisations” pour toute la législature, à l’exclusion de l’année 2024. En effet, les budgets peuvent encore “évoluer en cours d’année” et “il peut donc y avoir des différences entre le budget initial voté (chaque fois à la fin de l’année précédente) et les crédits définitifs d’un département à la fin de l’année concernée.” En d’autres termes, il peut y avoir des différences entre les “intentions” et l’argent réellement dépensé.

Les réalisations de 2024 n’ayant pas encore eu lieu, nous pouvons uniquement comparer les dépenses effectives de la police fédérale entre 2020 et 2023. En trois ans, elles ont augmenté de 550 millions. Un chiffre qui donne raison à la ministre de l’Intérieur.

Où ces millions ont-ils été investis ?

Mme Verlinden a annoncé un certain nombre d’investissements qui sont liés à des aspects purement technologiques

Eddy Quaino, CGSP Police

Plutôt vrai.

Selon le syndicaliste, une partie de ces millions aurait été allouée non pas à l’augmentation des effectifs ou à l’amélioration des conditions de travail des forces de police, mais à des dépenses liées à la technologie.

Parmi ces dépenses, figure notamment un projet technologique phare de la ministre : celui du logiciel i-Police. Celui-ci “propose une analyse et un recoupement automatiques des données, telles que les images des caméras, les photos, les empreintes digitales, les traces, les documents…”. En 2022, la ministre promettait que “le gouvernement fédéral investira [it] 300 millions d’euros dans i-Police”.

Aujourd’hui, l’enveloppe totale allouée à i-Police depuis 2020 est d’environ 92 millions d’euros, soit en moyenne un peu plus de 15% du total des dépenses supplémentaires allouées au budget initial de la police fédérale sur les cinq années de cette législature. Des années très disparates puisqu’en 2024, le budget prévu pour i-Police représente plus de la moitié des dépenses supplémentaires du budget de la police fédérale.

D’autres dépenses liées à la technologie, notamment à l’informatique, figurent dans le budget de la police fédérale. À titre d’exemple, elles représentaient près de 85 millions d’euros dans le budget initial de la police fédérale pour 2024 (en excluant les dépenses allouées à i-Police).

Par ailleurs, fin 2022, la gouvernance policière en matière digitale a fait l’objet d’un audit. Celui-ci s’est concentré principalement sur la Direction de l’information et des ressources informatiques (DRI) de la police fédérale. Les constats et recommandations de l’audit dressent une photographie peu glorieuse de la DRI et de la transformation numérique en cours. Des responsables policiers seront prochainement entendus à ce sujet en commission de l’Intérieur à la Chambre.

Les salaires ont-ils augmenté ? Cela dépasse-t-il l’indexation ?

Quand elle parle des salaires, Mme Verlinden a oublié qu’elle avait promis d’améliorer l’attractivité du métier. C’est loin d’être le cas

Eddy Quaino, CGSP Police

À nuancer.

Hors indexation, les barèmes d’un policier sont restés les mêmes entre 2001 et 2023. L’an dernier, les grilles des salaires sont revues, sous cette législature donc : le salaire brut augmente de 450 euros. Il doit encore être augmenté en octobre 2024 : 550 euros bruts en plus. Soit au total 1000 euros bruts.

Ces augmentations sont le résultat de discussions entre la ministre Annelies Verlinden et les syndicats.

Pour un inspecteur de police qui commence sa carrière et qui est à l’échelon 0, soit pendant sa formation la première année, cela correspond à une augmentation nette de 75 euros par mois depuis le 1er octobre 2023. Puis, de 95,37 euros par mois à partir du 1er octobre 2024.

Conclusion, même si le salaire brut augmente de 612,66 euros par mois depuis le début de la législature, 170,37 euros (75 euros en octobre 2023 + 95,37€ en octobre 2024) sont imputables à la revalorisation salariale décidée par le gouvernement. Le reste, soit 442,29 euros, est lié aux augmentations de l’index applicable à la fonction publique.

Les salaires ont donc bel et bien été augmentés. Il est donc faux de dire que “c’est loin d’être le cas”, comme l’affirme Eddy Quaino. Mais est-ce que cela suffit pour rendre le métier plus attractif ? Pour les syndicats, cela reste insuffisant au regard des risques ou des horaires, par exemple. Preuve en est avec la difficulté de recruter.

Combien de policiers ont-ils été recrutés ?

Elle [Mme Verlinden] avait annoncé le recrutement de 1600 policiers par an. Il suffit de regarder les chiffres : on a, par rapport à l’année 2023, recruté que 1000 policiers. Donc on est loin de ces engagements

Eddy Quaino, CGSP Police

Vrai.

Le gouvernement fédéral belge a bien fait cette promesse dans sa déclaration gouvernementale le 20 octobre 2020 : “Il y aura plus de policiers en rue ; 1600 agents de police nouveaux chaque année”, a affirmé Alexander De Croo.

Pour le vérifier, nous nous sommes plongés dans les rapports annuels de la police fédérale (dont certains d’entre eux sont publiés en format PDF mais dans un format image et non texte, sans la possibilité donc, de faire de recherches par mot et passant outre, donc, des radars des moteurs de recherche).

En 2023, “1043 aspirants inspecteurs ont entamé leur formation de base dans l’une des académies de police”. Pour les années précédentes, nous nous en référons aux inspecteurs formés (p115 du rapport annuel de 2022). Jamais la barre des 1600 n’est atteinte mais on s’en rapproche en 2022 avec 1518 inspecteurs formés.

Outre les recrutements, le personnel de la police a-t-il augmenté ? Les départs (retraites, démissions…) venant compenser ces engagements.

Le nombre d’effectifs de la police fédérale depuis 2010 était encore disponible en novembre 2023 sur son site internet mais la page n’est plus accessible aujourd’hui. L’équipe de Faky les avait archivés et sauvegardés. Pour créer le graphique ci-dessous, nous y ajoutons les chiffres disponibles dans le rapport annuel de 2023 auquel nous renvoie le service presse de la police fédérale lors de notre demande de chiffres.

N’y figurent pas les effectifs de la police locale. Cette dernière nous renvoyant à la police fédérale lors de notre demande.

Finalement, en 2023, la police fédérale compte 10.530 agents sur le terrain. C’est 136 de plus qu’en début de législature mais 165 de moins que l’année dernière. Concernant les recrutements, il est correct de dire qu’”on a, par rapport à l’année 2023, recruté que 1000 policiers”, 1043 pour être tout à fait exacts.