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Ces vidéos d’une « cité perdue » au-delà du « mur de glace » de l’Antarctique ont été générées par IA

Ces vidéos d’une "cité perdue" au-delà du "mur de glace" de l’Antarctique ont été générées par IA - Featured image

Author(s): Cham Latch

Une cité cachée derrière les glaces de l’Antarctique ? C’est ce que suggèrent certains internautes dans des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux. Elles affirment que le continent renferme des secrets derrière un « mur de glace » et que ces « constructions cachées » justifieraient des restrictions strictes sur les voyages vers le continent. Cependant, ce « mur de glace » est une ancienne théorie relayée par des platistes et ces vidéos sont générées par IA.

Une vidéo affirmant l’existence de constructions élaborées au-delà du « mur de glace » publiée sur X le 21 mai 2025 a fait plus de 20.000 vues. Ce montage de différentes séquences et d’images est accompagné d’une voix off en français. Nous avons retrouvé des traces de ces images dans d’autres publications en anglais, l’une d’entre elles a recueilli plus de 2,7 millions de vues sur TikTok.

La légende de la publication en français indique : « L’Antarctique un mur de glace ? Une histoire ? Une vérité ? Je ne pense pas y vivre un jour, j’aime bien trop mon soleil du sud. Mais ça tourne en boucle en ce moment sur les réseaux sociaux ! ».

Le montage commence par une séquence qui dure six secondes pendant laquelle la caméra survole le « mur de glace ». Une structure composée par plusieurs spirales, ainsi que d’autres constructions apparaissent ensuite dans les images. L’ensemble flotte sur une étendue d’eau. Une plage apparaît également, à côté de montagnes enneigées.

Les mots « Antarctique : Images retrouvées au-delà de la barrière de glace » apparaissent pendant les deux premières secondes de la séquence.

Capture d’écran TikTok

Une voix off en français, accompagnée d’une musique mystérieuse, commente : « Vous savez ce qui se trouve derrière le mur glacé de l’Antarctique ? Beaucoup ignorent même l’existence de ce mur, mais ils examinaient les images satellites, les récits d’anciens explorateurs ou même des rapports déclassifiés. Tout pointe vers une étrange vérité. L’antarctique ne serait pas un simple continent mais une véritable barrière ».

Dans la suite de la vidéo, la narration évoque les interdictions de circuler dans l’Antarctique et des raisons cachées par les « nations les plus puissantes » pour empêcher l’accès à « une terre dissimulée » ou « des civilisations avancées qui précèdent toute l’histoire humaine ».

En fin de vidéo, une deuxième voix off indique : « Ce qui est saisissant, c’est que cette histoire rappelle celle avec Adam et Ève dans le jardin de l’Eden. Dieu leur avait interdit de manger le fruit de l’arbre de vie, sous peine de sanction, et vous connaissez tous la suite. Ici-bas, nos élites ont procédé de la même façon. »

Séquences et images générées par IA

Afin d’analyser la véracité de ce contenu, nous avons commencé par prendre une capture d’écran de la première image de la vidéo et effectué une recherche d’image inversée via l’outil ImgOps. Après avoir examiné tous les résultats, nous avons retrouvé une publication similaire de cette séquence. Elle a été publiée sur TikTok, le 9 mai 2025.

Cette version affiche une meilleure qualité d’image, ce qui nous a permis de mieux l’analyser. Plusieurs détails sont incohérents :

  • La construction qui apparaît dans l’eau semble à la fois au-dessus et en dessous de l’eau, simultanément, avec des contours flous qui se fondent dans l’eau (capture d’écran à gauche, ci-dessous).
  • Une bande sombre s’étend entre la plage et les montagnes. Impossible de déterminer s’il s’agit d’eau : elle est trop foncée, et sa forme est incompatible avec l’hypothèse d’une ombre (d’autant que les autres ombres présentes dans la scène ne correspondent pas à cette configuration). Cette zone semble absorber, de manière peu naturelle, la base des montagnes (capture d’écran à droite, ci-dessous).

Nous avons ensuite téléchargé la vidéo et avons utilisé Hive Moderation, un outil de détection de contenu généré par l’IA. L’analyse de différentes séquences indique qu’elles ont été générées par des outils d’intelligence artificielle « de 98.4% » à « 99,9% ».

Nous pouvons en conclure que la vidéo contient en grande partie des éléments générés avec l’aide de l’IA.

Enfin, la dernière partie de la vidéo crédite le compte « TPR – « Terre Plane & Révélations ». Il s’agit d’un compte en français qui publie des séquences autour de théories conspirationnistes comme celle de la « terre plate« .

Nous avons retrouvé de nombreux comptes de ce groupe sur différentes plateformes comme YouTube, Instagram, Facebook ou TikTok. Sur leur compte TikTok, nous avons retrouvé une version identique de la vidéo analysée sur X, publiée également le 21 mai 2025.

L’Antarctique, un territoire réglementé et protégé

La vidéo contient plusieurs affirmations qui soutiennent l’idée que l’Antarctique renfermerait des secrets qui seraient cachés par l’élite mondiale, les puissants.

L’une d’entre elles indique qu' »en 1959, les nations les plus puissantes ont conclu un accord interdisant toute exploration indépendante de la région. »

Oui, l’Antarctique est un continent très réglementé, mais il n’impose pas de « restrictions de voyage très strictes » comme le font les États dont les frontières sont contrôlées ou qui interdissent la délivrance de visas. Au contraire, l’accès est contrôlé par des permis et des protocoles environnementaux, et non par des interdictions générales.

Le continent est géré par le Traité sur l’Antarctique, signé en 1959 par 12 pays. Aujourd’hui, 58 États en font partie. Son objectif est de démilitariser l’Antarctique et d’encourager la liberté de la recherche scientifique ainsi que l’échange d’informations. L’Antarctique n’a pas de contrôles d’immigration et les régulations sont intégrées dans les législations nationales des signataires.

Selon le Secrétariat du Traité sur l’Antarctique, le tourisme « n’a cessé de croître depuis les premières expéditions commerciales de la fin des années cinquante ». Dans ce cadre, les touristes doivent souvent obtenir des permis – dans le cadre du Protocole de Madrid (Protocole sur la protection de l’environnement) – et suivre les directives établies par l’IAATO (Association Internationale des opérateurs antarctiques) et les programmes nationaux (BELSPO, pour la Belgique).

Les règles limitent la taille des groupes, interdisent certaines activités et exigent une gestion responsable des déchets. Il s’agit ici de garanties pour la protection des visiteurs et de l’environnement, et non de restrictions de voyage. Certaines zones nécessitent cependant des permis spécifiques car elles font l’objet d’une surveillance renforcée pour protéger notamment la faune et la flore ou des recherches scientifiques en cours mais la majeure partie de l’Antarctique est accessible aux visiteurs autorisés.

Les théories autour de la « barrière de glace »

Une autre affirmation concerne la « barrière de glace » et est reprise dans la déclaration de la voix off : « l’Antarctique ne serait pas seulement un simple continent, mais une véritable barrière » qui entoure le monde.

L’Antarctique est bel et bien un continent, comme le confirment les images satellites de la Nasa et des entreprises privées comme Satellite Imaging Corporation. Ces données montrent une masse terrestre entourée par l’océan Austral, et non une mystérieuse « barrière » encerclant le monde.

Cette idée de « barrière » remonte au XIXᵉ siècle et a été popularisée par la Flat Earth Society, qui suggère que la terre sur laquelle nous vivons n’est pas sphérique mais plate.

Les premières cartes platistes (comme celle ci-dessus) représentaient souvent un bord blanc entourant les continents, suggérant une terre dont les extrémités seraient délimitées par de la glace. Cette carte de Wilbur Glenn Voliva ressemble largement à la carte utilisée encore de nos jours par la Flat Earth Society pour défendre sa théorie d’une terre plate.

Une « grande barrière de glace » identifiée scientifiquement comme la plateforme de Ross

Pour justifier l’existence de territoires au-delà de cette barrière qui semble délimiter la fin de la terre dans la représentation de Voliva, certains se réfèrent à une autre carte, imaginée en 1893, par Orlando Ferguson.

Celle-ci représente un monde en forme de bassin avec un mont central. L’Antarctique est une ligne dentelée formant la « frontière de glace » du monde. Il choisit d’intégrer un périmètre carré avec un ange à chaque coin.

Ferguson y a ajouté des passages bibliques pour étayer sa thèse. Dans un coin, il dessine deux hommes s’accrochant à un globe terrestre en rotation, affirmant que cela serait « impossible » – une critique directe de l’héliocentrisme.

Aujourd’hui cette carte est réutilisée par les platistes modernes pour suggérer qu’il existerait un « au-delà du mur de glace », comme dans cette publication du 11 juillet 2023, qui a fait 15,6 millions de vues sur TikTok.

Ce « mur » est scientifiquement identifié comme étant la plateforme de glace de Ross. Cette plateforme, découverte par James Clark Ross en 1841, a d’abord été nommée la « Grande barrière de glace » parce qu’elle empêche d’aller plus au sud et parce que sa hauteur la rend très imposante. Elle a ensuite été appelée grande barrière de glace puis barrière de Ross.

Le mythe persistant autour de l’Antarctique

Les affirmations concernant l’existence d’une « cité perdue » ou « cachée » au-delà d’une « barrière de glace » en Antarctique se basent principalement sur des théories du mythe de la terre plate, scientifiquement infondées, et s’appuient aujourd’hui sur des contenus générés par IA.

Des publications virales similaires sur TikTok et clairement identifiées comme ayant été créées par IA, certains commentateurs y voient une vérité dissimulée : « C’est comme ça que la vérité sera révélée… On montrera les preuves, et les gens diront que c’est de l’IA ».

Bien que ces théories aient ressurgi à plusieurs reprises au fil des ans, les données satellitaires et les accords internationaux, comme le Traité sur l’Antarctique, confirment que le continent reste accessible pour la recherche scientifique et le tourisme régulé, sans aucune restriction suggérant l’existence de barrières mystérieuses et de structures cachées.