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Fact Check: Le réseau luxembourgeois peut-il être surchargé par des radiateurs électriques?

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Author(s): RTL Lëtzebuerg

© RTL

C’est le sujet essentiel de cet hiver: l’énergie. Outre la hausse des prix, la question se pose toujours de savoir dans quelle mesure notre approvisionnement énergétique est sûr.

Face à cette grande incertitude, particulièrement au niveau de l’approvisionnement en gaz, les particuliers recherchent des alternatives, par crainte de devoir passer l’hiver dans le froid. Les radiateurs électriques, qui peuvent être facilement branchés à une prise et fournissent immédiatement de la chaleur, sont volontiers considérés comme une solution supposée à ce problème.

En conséquence, les radiateurs soufflants, les radiateurs rayonnants et autres, étaient particulièrement prisés ces derniers mois, notamment dans les magasins de bricolage. Ils étaient même en rupture de stock dans certains points de vente. Selon un sondage du comparateur en ligne allemand Verivox, entre février et août, environ 10% des plus de 1.000 personnes interrogées se sont procuré un radiateur électrique mobile. 11%  prévoiraient de s’en acheter un et 19% ont réfléchi à s’en procurer un. Les achats seraient avant tout motivés par le fait que les clients craignent de ne plus pouvoir couvrir autrement leurs besoins de chauffage (41%).

SITUATION COMPARABLE AU LUXEMBOURG

Interrogés par RTL, un certain nombre de magasins de bricolage qui vendent ces appareils au Luxembourg, ont confirmé cette tendance. Alors qu’une enseigne parle seulement d’une “demande accrue“, une autre va plus dans les détails. Dans leurs magasins en Allemagne, la demande de radiateurs électriques aurait doublé entre janvier et fin juin par rapport à l’année précédente, la situation serait comparable au Luxembourg.

Il ressort des conversations avec les clients qu’ils souhaitent ainsi être plus autonomes et être préparés en cas d’urgence. Il n’y a pas que la demande de radiateurs électriques qui a augmenté, il y a aussi celle de bois, de gaz, de pellets et de charbon, et ceci même pendant l’été, qui est généralement considéré comme la basse saison pour ces produits.

RTL La demande de radiateurs électriques était supérieure à la moyenne cette année. / © John MACDOUGALL / AFP

En raison des chiffres de vente élevés des radiateurs électriques, les associations sectorielles allemandes DVGW et VDE [fournisseurs de gaz et d’électricité, ndlt] ont déjà averti en juillet qu’il pourrait y avoir des pannes d’électricité dues à une surcharge du réseau si trop de ces appareils fonctionnaient en même temps: “Nous regardons l’évolution actuelle avec inquiétude, car notre approvisionnement électrique n’est pas conçu pour une telle charge supplémentaire simultanée”, selon Martin Kleimaier, responsable du département “Production et stockage de l’énergie électrique” chez VDE.

Comme les radiateurs électriques peuvent être simplement branchés à une prise, contrairement aux pompes à chaleur électriques ou aux radiateurs à accumulation, ils ne pourraient pas être éteints par l’opérateur du réseau en cas de surcharge imminente de ce réseau.

Cet avertissement s’applique-t-il aussi au Luxembourg? Est-il réaliste d’envisager une panne de courant majeure due à une surcharge du réseau, par exemple en raison de la charge supplémentaire d’un trop grand nombre de radiateurs électriques?

Dans leur communication, les associations allemandes DVGW et VDE démontrent quel effet cela aurait sur la sécurité d’approvisionnement allemande, si la moitié des ménages qui se chauffent actuellement au gaz, utilisaient en plus simultanément un radiateur électrique. La consommation supplémentaire serait donc d’environ 20 gigawatts, une augmentation de près d’un quart de la charge maximale annuelle actuelle en Allemagne. Conclusion: “Ni les réseaux électriques ni les centrales électriques existantes” ne pourraient le permettre.

Transposé au Luxembourg, ce calcul ressemblerait à ceci: au Grand-Duché environ 81.000 ménages chauffent leur habitation au gaz. Si la moitié d’entre eux (donc 40.500) branchent en plus un radiateur électrique mobile, qui fonctionne avec une puissance moyenne de 2.000 watts, cela ferait une consommation supplémentaire d’environ 81 megawatts.

Toutefois, cette charge supplémentaire ne devrait pas être un problème pour le réseau luxembourgeois, selon l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR), qui contrôle notamment le marché de l’électricité et du gaz au Luxembourg. Avec une charge de pointe d’environ 800 mégawatts sur le réseau de Creos, cela représenterait actuellement une hausse de 10 %. Il est vrai qu’une surcharge en Allemagne pourrait aussi représenter un problème pour le Luxembourg, cependant pour y parvenir il faudrait qu’un nombre vraiment important de ménages connectent leurs appareils au réseau en même temps.

RTL Simeon Hagspiel, Commissaire du gouvernement à l’Energie / © RTL (archive)

 

Simeon Hagspiel, Commissaire du gouvernement à l’Energie, met en garde contre le fait de considérer les radiateurs électriques comme une alternative de chauffage réaliste – surtout en raison des coûts et de la forte consommation d’énergie de ces appareils. Dans le même temps, il affirme également que la sécurité d’approvisionnement au Luxembourg est toujours élevée. Pour le réseau électrique, le risque d’une surcharge due à ces appareils serait “gérable” et, de manière générale, le risque d’une coupure de courant à grande échelle due à une surcharge ne serait actuellement “pas plus élevé que d’habitude“, même si on ne peut évidemment pas l’exclure totalement.

Camille Hierzig, directeur adjoint de l’Institut luxembourgeois de Régulation (ILR), partage aussi cet avis. Au-delà de cela, il serait tout simplement insensé de remplacer son chauffage au gaz à la maison par un chauffage électrique mobile. L’électricité n’est pas seulement produite par l’énergie éolienne, solaire et nucléaire, mais aussi dans de nombreux cas à partir du gaz. En raison du contexte géopolitique actuel, ce type d’électricité est actuellement le plus cher à produire.

Si vous souhaitez chauffer votre logement avec un radiateur soufflant, il faut d’abord produire de l’électricité à partir du gaz pour alimenter la machine. Il y aurait tellement de pertes entre les deux qu’il serait beaucoup plus efficace de passer directement par le chauffage au gaz. Dans le cas des pompes à chaleur, d’autres considérations s’appliqueraient, car ces systèmes consomment environ deux à cinq fois moins d’énergie.

RTL Camille Hierzig de l’ILR. / © RTL (archive)

Cette idée peut cependant aussi être inversée. S’il advenait que le gaz fasse défaut dans les ménages à cause d’une pénurie, alors, selon Camille Hierzig, la situation serait telle sur le marché que les centrales au gaz ne produiraient plus d’électricité. Dans ce cas, un radiateur électrique ne serait pas une alternative non plus.

Concernant le rétablissement de l’alimentation électrique, Simeon Hagspiel et Camille Hierzig ne voient pas non plus de problème majeur dû à la présence de radiateurs électriques. Maintenant si chaque ménage avait simultanément sur le réseau de tels appareils, une surcharge pourrait se produire localement et en raison d’une surchauffe ponctuelle du système, une partie du réseau pourrait théoriquement s’effondrer à nouveau après le rétablissement. Cette situation serait toutefois “hautement improbable”, selon Camille Hierzig, parce que tout le monde devrait vraiment faire cela en même temps. Ce serait tout au plus un problème local.

QUELLE EST LA FREQUENCE DES PANNES DE COURANT AU LUXEMBOURG ET QUELLES EN SONT LES CAUSES?

“Sur les réseaux électriques, comme dans tout système technique, parfois quelque chose peut mal tourner, quelque chose peut tomber en panne et puis il y a une panne de courant, comme nous en connaissons”, explique Camille Hierzig de l’ILR. Cela a par exemple été le cas mi-septembre à Dudelange, où l’électricité a été coupée deux fois en seulement trois jours en raison d’une panne de câble. Il ressort de la réponse du ministre de l’Energie à la question parlementaire du député CSV Marc Spautz, que le remplacement du câble datant des années 80 était programmé pour 2023, il sera à présent avancé.

Les pannes d’électricité à grande échelle se produisent plutôt rarement. Il s’agirait la plupart du temps de pannes locales déclenchées soit à cause d’un élément défectueux, soit à cause d’une surcharge locale, explique Camille Hierzig. Un vieux câble – comme celui de Dudelange – pourrait vite surchauffer à cause d’une charge élevée, ce qui lui donnerait le coup de grâce. Il y aurait toujours eu cela et cela se produira encore à l’avenir.

Les radiateurs électriques n’auraient ici qu’un “effet marginal”. Après tout, il y aurait environ 10.000 voitures électriques au Luxembourg et malgré cela, il n’y aurait encore jamais eu de surcharge du réseau. [Remarque de la rédaction: à la date du 1er novembre 2022, il y avait même 13.000 voitures électriques immatriculées au Luxembourg, selon les chiffres du Statec]

En fait, les interruptions de fourniture d’énergie dues à une surcharge du réseau, qui peuvent être clairement identifiées comme telles, sont relativement rares. Interrogée, la société Creos explique qu’en 2020, seules 13 pannes ont pu être clairement attribuées à une surcharge et 15 en 2021.

Si on regarde l’aperçu annuel plus détaillé dans le rapport sur la sécurité d’approvisionnement dans le secteur de l’électricité au Luxembourg, les coupures de courant non planifiées sont particulièrement perceptibles en 2021, où il y en a eu 888, alors qu’il y en avait eu seulement 541 en 2020.

Le rapport fournit toutefois directement une explication pour ce pic l’an dernier. A cause des graves inondations de 2021, et malgré des mesures préventives, comme l’interruption contrôlée de l’alimentation électrique, un certain nombre de stations au niveau du réseau moyenne tension sont tombées en panne. En fait, le taux d’interruptions imprévues dues aux conditions météorologiques ou à un cas de force majeure était de 15,5 % en 2021, contre seulement 4 % en 2020 (2,2% en 2019, 5,2% en 2018).

Si on regarde la période entre janvier et août 2022 sur le réseau de Creos, il y a eu à nouveau moins de pannes de courant que durant les mêmes mois l’année précédente. Au cours des huit premiers mois de 2021, période durant laquelle tombent les inondations du 15 juillet, il y a eu 446 pannes d’électricité sur le réseau Creos au Luxembourg, qui ont en moyenne duré 167,33 minutes. Pour la même période en 2022, il y en a eu seulement 416, qui ont été réparées en moyenne au bout de 153,76 minutes.

PAS D’INQUIETUDE POUR UNE SURCHARGE, MAIS BIEN POUR UNE PENURIE DE LA PRODUCTION D’ELECTRICITE

Tant Camille Hierzig de l’ILR, que le Commissaire du gouvernement à l’Energie, Simeon Hagspiel, s’inquiètent moins d’une surcharge du réseau due à une trop forte consommation d’électricité, que d’une trop faible production d’électricité. Le Grand-Duché ne produit que 20 % de ses propres besoins. Le Luxembourg ne peut pas être considéré isolément en matière de réseau électrique: “L’Europe dans son ensemble est un grand réseau électrique, même s’il est organisé au niveau régional. Le Luxembourg est une zone de marché avec l’Allemagne”, explique Camille Hierzig.

Du côté de la production, il y a actuellement d’une part un manque de gaz, avec lequel peut être produite l’électricité. D’autre part, il y a aussi peu d’électricité produite grâce à l’énergie nucléaire. En raison de travaux de maintenance et d’inspections, près de la moitié des 56 réacteurs français sont pour le moment hors service et ne fournissent pas d’électricité. La France est par conséquent passée de pays exportateur d’électricité, à pays importateur d’électricité, et cela, particulièrement à un mauvais moment. Cette pénurie pousse à la hausse le prix du gaz.

De manière générale, la situation dans ce domaine serait plus tendue, mais pas au point de devoir la dramatiser, affirme Camille Hierzig: “En principe, le marché est organisé de manière à ce qu’il offre toujours un équilibre. Soit parce qu’il y a plus de production, soit parce que plus de gaz est importé, et si la limite est atteinte à un moment donné, le prix augmente jusqu’à ce qu’il devienne trop cher pour les clients.”

Cela s’applique notamment aux entreprises spécialisées dans la production, qui travaillent de manière particulièrement énergivore: “Pour une entreprise qui fond de l’aluminium, il est peut-être plus rentable d’importer l’aluminium d’ailleurs dans le monde que de le faire fondre en Europe en utilisant une électricité européenne chère”, souligne Camille Hierzig.

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