Peu après la chute du président syrien Bachar al-Assad début décembre 2024, provoquée par une offensive éclair de groupes rebelles menés par des islamistes radicaux, ces derniers ont annoncé la prise de contrôle de la prison de Saydnaya, symbole des pires exactions du régime, et la libération de ses détenus. Dans ce contexte, des internautes partagent sur les réseaux sociaux la prétendue image d’un détenu retrouvé dans un souterrain de l’établissement pénitentiaire situé près de Damas. Mais c’est faux : il s’agit de la capture d’écran d’une vidéo réalisée par intelligence artificielle (IA), mise en ligne sur TikTok plusieurs jours avant la chute du régime syrien, et sans rapport avec la prison de Saydnaya.
“[Voici] un des prisonniers libérés de la prison [Saydnaya]”, soutient un internaute en légende d’une image partagée sur Facebook le 8 décembre 2024 – au lendemain de la chute du président syrien Bachar al-Assad, provoquée par une offensive éclair de groupes rebelles menés par des islamistes radicaux -, montrant un homme à l’air effrayé dans un tunnel étroit.
“L’instant au cours duquel un détenu de la prison de [Saydnaya] a été retrouvé dans un souterrain“, “le moment où un détenu a été retrouvé sous terre dans un centre de détention“, avancent aussi certains utilisateurs de Facebook et de X (1, 2, 3, 4, 5, 6), dans des messages en anglais ou en arabe, relayant la même image – également partagée sur un blog en grec.
Nombre de ces publications s’accompagnent d’une capture d’écran visiblement réalisée sur TikTok, où l’on peut lire, sur une légende en arabe, “l’un des prisonniers […] de [Saydnaya]”, en référence à l’immense prison en forme de T située près de Damas, symbole des pires exactions des forces de Bachar al-Assad, devant laquelle nombre de familles étaient massées, le 9 décembre, en espérant y retrouver des proches, au lendemain de l’annonce par les rebelles syriens de la prise de contrôle de cette prison et de la libération de ses détenus.
Des images sur les réseaux sociaux ont montré des dizaines d’hommes, visages émaciés, certains portés par des camarades car trop faibles pour avancer seuls, sortir de la prison.
Mais l’image de l’homme dans le souterrain n’a rien à voir : il s’agit de la capture d’écran d’une vidéo de quelques secondes réalisée par intelligence artificielle (IA), comme a pu l’établir l’AFP.
Une vidéo antérieure à la chute du régime syrien
On retrouve en effet, sur TikTok – parmi différentes reprises (ici et là) décontextualisées de ces images -, cette séquence sur le compte de l’internaute “sanzaruu”, dont le profil indique clairement que “toutes” ses créations sont “de l’IA“.
La vidéo aujourd’hui détournée sous forme de capture d’écran y a été mise en ligne le 3 décembre 2024 – soit plusieurs jours avant l’annonce par les rebelles islamistes de la libération de Saydnaya -, avec la légende “Non monsieur, je n’aime pas ça“. On y voit l’homme engoncé dans le tunnel ramper en avant, en tenant un gigantesque insecte dans la main, sur fond de musique angoissante.
La légende de la vidéo précise en outre qu’il s’agit d’un contenu généré artificiellement : avec le mot-clé “IA“, et avec la mention “Le créateur a indiqué que ce contenu était généré par IA“.
On trouve, sur son profil, de nombreuses autres vidéos générées par IA montrant des hommes et des femmes ramper dans des tunnels semblables, aux côtés de répugnants insectes hybrides.
Une recherche des mots-clé “tiktok sanzaruu” sur Google permet enfin d’afficher la description de son profil TikTok, qui revendique ce parti-pris artistique : “Découvrez de terrifiantes images générées par IA montrant d’étranges espaces confinés“.
Fin des opérations de recherche dans la prison de Saydnaya
Les familles syriennes réunies devant Saydnaya le 9 décembre restaient convaincues qu’un grand nombre de détenus se trouvaient encore dans des cachots souterrains.
Les Casques blancs, une organisation de secouristes, ont indiqué le même jour chercher des “cellules souterraines cachées“, alimentant l’espoir des familles.
Les secouristes ont cependant annoncé le 10 décembre (lien archivé) la fin des opérations de recherche dans la prison, sans avoir trouvé de personnes quia auraient été détenus dans de tels cachots.
En Syrie, depuis le début du soulèvement en 2011, qui a dégénéré en guerre civile, plus de 100.000 personnes ont péri dans les prisons du régime, notamment sous la torture, estimait en 2022 l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
A la même époque, l’OSDH rapportait qu’environ 30.000 personnes avaient été détenues à Saydnaya, où les détenus étaient soumis aux pires tortures, dont seulement 6.000 avaient été relâchées.