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Non, la pneumonie à mycoplasmes n’est pas un “nouveau virus” et elle n’est pas causée par le vaccin Covid

Non, la pneumonie à mycoplasmes n'est pas un "nouveau virus" et elle n'est pas causée par le vaccin Covid - Featured image

Author(s): Julie PACOREL / AFP France

On ne l’avait plus vue depuis la crise sanitaire liée au Covid: la bactérie mycoplasma pneumoniae, à l’origine d’infections respiratoires, surtout chez les enfants, est responsable d’une épidémie en Asie et en Europe. Depuis fin novembre, des publications sur les réseaux sociaux, en Chine comme en France, assurent que la résurgence de cette bactérie est due aux vaccins Covid, en particulier de celui de Pfizer. Elles soutiennent que mycoplasma pneumoniae est un effet secondaire du vaccin, et même que des nouveaux-nés de mères vaccinées en “meurent“. C’est faux, ont expliqué à l’AFP plusieurs médecins experts de cette bactérie: elle n’est pas due aux vaccins anti-Covid. Les médecins s’attendaient à son retour en raison notamment de la levée des mesures de contrôle sanitaire. Par ailleurs, elle touche rarement des bébés, mais s’observe bien plus communément chez des enfants d’âge scolaire.  Enfin, elle n’a causé aucun décès à l’heure actuelle en France et se traite efficacement avec le bon type d’antibiotiques.

La pneumonie qui circule en Chine s’appelle Mycoplasma Pneumonia et est répertoriée dans les documents Pfizer comme EFFET INDESIRABLE ! Ne retombez pas dans le piège de 2020 !” assure une utilisatrice de Facebook le 1er décembre. Comme elle, des dizaines de personnes partagent cette allégation sur les réseaux sociaux.

Toujours sur Facebook, un autre internaute en déduit le 2 décembre: “Donc tous les non vaks [les non-vaccinés, NDLR], ne craignent rien“. Sur X, la rumeur est très virale, comme cette publication du 1er décembre, partagée près de 3.000 fois, qui assure: “ILS NE PEUVENT PLUS SE CACHER ILS ONT CRÉÉ UNE PANDÉMIE AVEC UNE ARME BIOLOGIQUE” et publie une capture d’écran d’une soi-disant “liste d’effets secondaires” censée prouver que la bactérie apparaît bien dans la liste des effets indésirables de la notice du vaccin Pfizer.

Capture d’écran de X le 6 décembre

D’autres vont plus loin, et assurent que mycoplasma pneumoniae, qu’ils surnomment “maladie des poumons blancs“, tue des nouveaux-nés, dont la mère a été vaccinée contre le Covid. Cette publication en anglais du 2 décembre sur X a ainsi été partagée à plus de 9.000 reprises, notamment par des internautes français qui l’ont traduite: “LE ‘SYNDROME DU POUMON BLANC’ EST UNE RÉACTION INDÉSIRABLE DU ‘VACCIN’ CONTRE LA COVID-19 : Un nouveau-né mourant d’une mère entièrement vaccinée avec des poumons blancs“.

Une autre internaute, qui se présente comme “docteur en biologie santé” et s’oppose aux vaccins dans sa présentation sur X, établit une relation entre les infections et le vaccin: “Cela ressemble à un syndrome inflammatoire multi-systémique chez les nouveaux nés. Les mères furent vaccinées anti-covid…”. Tout en disant qu’elle n’a  “pas vraiment trouvé de lien entre M. Pneumoniae et les injections anti-covid”, elle envisage plusieurs pistes, dont celle de “perturbations dans les défenses immunitaires”.

Elle partage elle aussi la publication virale en anglais, qui s’accompagne d’une radio d’un bébé avec ce commentaire: “Un nouveau-né mourant du syndrome des poumons blancs, avec une mère entièrement vaccinée“.

Capture d’écran de X le 6 décembre

Une liste d’effets secondaires déjà démystifiée dans le passé

La liste diffusée par les internautes a déjà fait l’objet de fausses affirmations dans le passé, dont certaines ont été démystifiées par AFP Factuel, comme ici.

Ces publications s’appuient sur les captures d’écran d’une longue liste recensant (en anglais) des symptômes plus ou moins graves, allant d’une “éruption cutanée” ou d’une “langue gonflée” à des “thromboses veineuses“, des “oedèmes”, des “AVC” ou encore des “paralysies faciales“.

Si un document -où l’on peut voir le logo de Pfizer- est consultable en ligne et compile bien ces phénomènes médicaux, cette liste fait l’objet d’une interprétation erronée, comme l’indiquait à l’AFP en mars 2022 Aurélie Grandvuillemin, responsable adjointe du Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Bourgogne : Il ne s’agit en aucun cas d’une liste des effets indésirables rapportés du vaccin Pfizer-BioNTech [Cominarty] mais d’une compilation des événements indésirables d’intérêt particulier […], des manifestations médicales identifiées a priori comme pouvant être associées à l’administration d’un vaccin et qui seront tout particulièrement surveillées après la commercialisation du vaccin quel qu’il soit, contre le Covid ou une autre maladie.

Le rapport dont sont extraites les captures d’écran avec la liste des maladies est disponible (archive) depuis le 17 novembre 2021 sur le site du “Public Health and Medical Professionals for Transparency“, une organisation non-gouvernementale visant à rendre publics des documents de l’agence américaine du médicament liés aux vaccins contre le Covid-19.

Comme le précise la méthodologie du document (p.5), ces données émanent de signalements d’événements indésirables “indépendamment de l’évaluation de la causalité” avec le vaccin : leur survenue n’est donc pas liée à son injection, ces signalements pouvant “aussi être dus à des maladies sous-jacentes, à un ou plusieurs autres facteurs qui peuvent s’ajouter, dont des antécédents médicaux ou la prise d’autres médicaments en parallèle”.

Pfizer France, joint par l’AFP le 7 décembre 2023, assure qu'”Il n’y a pas à ce jour de données suggérant que le vaccin Pfizer/BioNTech contre la Covid-19 cause une pneumonie à mycoplasmes“. “Il est important de rappeler qu’avec des centaines de millions de doses administrées dans le monde, le profil bénéfice-risque de notre vaccin contre la Covid-19 reste positif pour toutes les indications et les groupes d’âge approuvés“, ajoute le laboratoire.

La résurgence de la bactérie mycoplasma pneumoniae, un phénomène prévisible

Pour Cécile Bébéar (archive), cheffe du service de bactériologie du CHU de Bordeaux, interrogée par AFP Factuel le 5 décembre, “il n’y a absolument aucun lien avec les vaccins Covid“. C’est aussi l’avis de Camille Locht, directeur de recherche Inserm au centre d’infection et d’immunité de Lille, interrogé le 6 décembre: “à ma connaissance, aucune étude n’a fait de lien entre la vaccination Covid et la résurgence de mycoplasma pneumoniae“.

Le 13 novembre, les autorités chinoises ont rapporté une hausse des maladies respiratoires, principalement chez des enfants, qu’elles ont attribuée à l’abandon des restrictions anti-Covid, à l’arrivée de la saison froide et à la circulation de pathogènes connus, dont la bactérie mycoplasma pneumoniae. Mais l’augmentation des infections respiratoires en Chine n’est pas seulement due à cette bactérie mais à de nombreux agents pathogènes, dont la grippe en très forte augmentation,  a indiqué l’OMS fin novembre.

En France aussi, cette bactérie à l’origine d’infections respiratoires circule davantage “depuis le début de l’automne”, avec plus de cas qu’à la même période de 2022 mais aussi de 2019, avant le Covid, selon un premier bilan le 30 novembre de Santé publique France (archive).

Plusieurs autres pays européens ont également rapporté récemment des augmentations d’infections à mycoplasma pneumoniae, la Suède, les Pays-Bas, la Norvège, et l’Irlande, a noté Santé publique France (SPF) dans sa communication du 30 novembre (archive).

Contrairement à ce que des publications affirment, il ne s’agit pas d’un “nouveau virus“, mais d’une bactérie (archive) connue des scientifiques de longue date. Après le pneumocoque, c’est l’agent bactérien le plus souvent impliqué dans les pneumonies aiguës en collectivité. Elle provoque souvent de la toux, de la fièvre, des difficultés respiratoires, et se transmet par des gouttelettes, ou un contact rapproché.

Des enfants et leurs parents patientent dans un hôpital pédiatrique à Pékin le 23 novembre 2023 – Jade Gao / AFP

Avant la pandémie de Covid, cette bactérie engendrait des pics épidémiques cycliques, tous les 3 à 7 ans environ. Les derniers épisodes remontaient à fin 2019-début 2020 dans plusieurs pays, principalement en Europe et en Asie.

La docteure Bébéar explique: “On attendait ce retour. Cela fait au moins quatre ans qu’il n’y avait pas eu d’infections à mycoplasma pneumoniae. Et cela nous étonnait beaucoup de ne pas voir réapparaître cette bactérie, alors que des virus (grippe, VRS…) et d’autres infections bactériennes étaient réapparus” post-Covid. “C‘est une bactérie probablement moins transmissible que d’autres virus, voire bactéries respiratoires, et qui se multiplie lentement“, a-t-elle précisé.

Ce n’est pas le premier pathogène à faire son retour depuis le Covid“, renchérit le Pr Paul Loubet (archive)  chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Nîmes, citant notamment, à l’hiver dernier, la résurgence d’infections invasives aux streptocoques A, ou en ce moment avec les méningites à méningocoques.

“Ces agents, virus ou bactéries, ont très peu circulé quand les mesures sanitaires liés au Covid étaient en vigueur, et l’immunité collective s’est perdue”, ajoute-t-il. “C’est un effet indirect du Covid, ça n’a rien à voir avec les vaccins, c’est la mise en place des mesures de distanciation, port du masque, confinement qui ont fait que tous les pathogènes respiratoires ont diminué pendant cette période“, explique le Pr Loubet, mais ces pathogènes n’ont “pas disparu, car leur réservoir est humain, et ils se sont remis à circuler quand les mesures ont été levées“.

La France connait actuellement “une situation épidémique“, avec plus de cas qu’à la même période en 2022 mais aussi en 2019, selon SPF, c’est parce qu’avec les mesures barrières, “la population peut, sur une période de deux-trois ans, avoir perdu son immunité même si dans le passé elle a déjà rencontré l’agent pathogène, c’est pour ça qu’on voit une recrudescence des infections dans différentes classes d’âge“.

Pas une radio de bébé atteint de pneumonie à mycoplasmes

L’autre affirmation trompeuse des publications sur les réseaux autour de cette bactérie est son lien avec la mort de nouveaux-nés dont les mères sont vaccinées contre le Covid.

Pour appuyer leurs dires, les auteurs de ces publications partagent une radio du thorax d’un bébé, censé montrer que ce dernier souffre du “syndrome des poumons blancs” du fait de mycoplasma pneumoniae.

Mais comme le relève un utilisateur de X qui a ajouté du contexte à cette photo, en anglais “cette image vient d’un patient atteint du Covid-19 en 2022. Ca n’a rien à voir avec le nouveau ‘syndrome des poumons blancs’ de 2023“.

Capture d’écran de X le 6 décembre

D’après les recherches de l’AFP Factuel, cette radio a été publiée pour la première fois sur X par un médecin indien, le Dr Rajesh Parikh, le 29 septembre 2022, dans un thread à propos d’un bébé présentant une forme grave de Covid-19.

Pour le Pr Loubet, quoi qu’il en soit, le “syndrome des poumons blancs” n’est pas caractéristique d’une infection à mycoplasma. “Le poumon blanc c’est ce qu’on décrit sur une imagerie thoracique, radio ou scanner, et ça traduit une atteinte diffuse du poumon par des mécanismes divers qui peuvent être des causes infectieuses (…) suite à une grippe ou un Covid on peut avoir un syndrome de détresse respiratoire aigu et en général on a sur les imageries les poumons qui sont complètement blancs parce qu’ils sont abimés par l’infection“, explique-t-il, concluant: “on ne peut pas rattacher un poumon blanc à un pathogène en particulier“.

Sur TikTok, une pédiatre américaine explique (en anglais) que des infox sur une épidémie de pneumonies infantiles appelées “syndromes de poumons blancs” en Ohio circule aussi, et décrypte: “ce n’est pas un terme médical, c’est un terme médiatique pour faire le buzz“.

Une bactérie qui touche surtout les enfants d’âge scolaire

Quant à une supposée mortalité des nouveaux-nés suite à des infections à mycoplasmes, les spécialistes sont très dubitatifs. Cécile Bébéar rappelle que mycoplasma pneumoniae ne “touche quasiment pas les enfants de moins de deux ans, qui subissent bien plus la bronchiolite, elle touche surtout les 6-15 ans et éventuellement les 25-49 ans“.

C’est aussi ce que relève Paul Loubet, même si, selon lui “ça peut toucher n’importe qui, à n’importe quel âge, ce sont les personnes avec le plus d’interactions sociales, donc les enfants et adolescents scolarisés puis les jeunes adultes, qui sont le plus concernés“.

Les passages aux urgences pour pneumopathie en Ile-de-France, par exemple, concernent des enfants de 5 à 14 ans selon le dernier bulletin de Santé publique France (archive). En France, “on sent aujourd’hui l’impact sur les urgences pédiatriques“, même si ces pneumopathies affectent “un peu moins les tout petits bébés“, selon le ministère de la Santé.

La professeure en pédiatrie Archana Chatterjee décrit sur le site médical Medscape (archive): “une infection à mycoplasma pneumoniae est peu courante durant la première année de vie, mais si elle survient chez des nouveaux-nés, elle peut causer des détresses respiratoires sévères“.

En tous les cas, même si des nouveaux-nés étaient infectés par la bactérie, “ça n’aurait aucun rapport avec l’immunité des vaccins“, assure Mme Bébéar.

Dans l’immense majorité des cas, l’infection à mycoplasma pneumoniae se manifeste par des symptômes bénins de fièvre et de toux. Mycoplasma pneumoniae “est facilement traitée avec des antibiotiques“, a souligné l’OMS dans un communiqué (archive) sur les infections respiratoires en Chine. Il s’agit essentiellement de macrolides, dont l’azithromycine.

Le 7 décembre, la Dre Bébéar a indiqué à l’AFP qu’à sa connaissance, “aucun décès imputable à l’épidémie actuelle” n’avait été rapporté en France.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.34767XN.