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Non, Tim Walz, colistier de Kamala Harris, n’a pas déclaré avoir combattu en Afghanistan

Non, Tim Walz, colistier de Kamala Harris, n'a pas déclaré avoir combattu en Afghanistan - Featured image

Author(s): Natalie WADE / Océane CAILLAT / AFP Etats-Unis / AFP France

Début août, Kamala Harris a désigné Tim Walz comme colistier pour la course à la Maison Blanche. Depuis, le gouverneur du Minnesota est devenu une cible régulière de désinformation alimentée par le candidat républicain Donald Trump et ses partisans. Récemment, des internautes ont relayé une vidéo d’un ancien discours de Tim Walz où il évoque être allé en Afghanistan. Ces utilisateurs la présentent comme une preuve que Tim Walz a prétendu avoir combattu dans ce pays, usurpant ainsi le statut de vétéran. Mais cette affirmation est fausse : l’extrait est tronqué. En réalité, Tim Walz évoque dans ce discours une visite en Afghanistan en tant qu’élu à la Chambre des représentants et non en tant que soldat.

A peine trois mois avant le scrutin présidentiel aux Etats-Unis, Kamala Harris, qui a pris le relais de la candidature démocrate après le retrait de l’actuel président Joe Biden, a annoncé début août choisir Tim Walz comme colistier. Un choix qui le placerait au rang de vice-président des Etats-Unis en cas de victoire du camp démocrate lors de l’élection de novembre.

Ancien professeur, coach de football américain et membre de la Garde nationale (réservistes), Tim Walz, 60 ans, a un parcours atypique peu connu en dehors des frontières de l’état du Minnesota dont il est gouverneur.

Ce qui ne l’a pas empêché, dès sa nomination, de se retrouver au cœur d’assertions fausses ou trompeuses destinées à le dénigrer, notamment relayées par les partisans du candidat républicain, l’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump.

Le camp républicain s’en est notamment pris à la carrière militaire de Tim Walz l’accusant de ne pas avoir brillé dans les rangs de l’armée. Une stratégie récurrente appelée “swift boat“, en référence à “Swift Boat Veterans for Truth“, depuis que cette organisation d’anciens membres de l’armée a accusé John Kerry de mentir sur son service militaire, contribuant à l’échec du démocrate dans sa course à la Maison Blanche en 2004.

Dans ce contexte, les publications reprenant cette thématique et visant à le décrédibiliser se sont ainsi multipliées sur les réseaux sociaux. Récemment, c’est un ancien discours de Tim Walz au sujet de l’Afghanistan qui a été ciblé.

“URGENT : Une vidéo a fait surface avec Tim Walz affirmant “quand j’étais en Afghanistan” ! Tim Walz devrait démissionner en disgrâce ! Il n’a jamais été en Afghanistan”, s’indigne un internaute dans une publication sur X, postée le 9 septembre 2024. L’utilisateur relaie une vidéo de 26 secondes dans laquelle Tim Walz déclare : ” Quand j’étais en Afghanistan, vous savez ce qui préoccupait les troupes ? Elles étaient inquiètes au sujet des soins de santé pour leur famille et de leurs pensions.”

Cette allégation et ce même extrait ont aussi fait l’objet de publications virales en anglais sur plusieurs plateformes comme Instagram ou Facebook. Elle a aussi été partagée par certaines personnalités américaines conservatrices comme l’animatrice de Fox News Laura Ingraham, suivie par près de cinq millions d’utilisateurs.

Capture d’écran sur X, réalisée le 9 septembre 2024.

Mais, cette allégation est fausse et repose sur un extrait vidéo qui a été sorti de son contexte.

Un déplacement en Afghanistan en tant qu’élu

Réaliser une recherche d’image inversée à partir de captures d’écran effectuées sur la vidéo permet de retrouver d’autres occurrences de ces images.

En l’occurrence, ce discours a été prononcé devant la Légion américaine (“TheAmerican Legion“), une association d’anciens combattants de l’armée des Etats-Unis (archivé ici), lors d’une conférence à Washington (archivé ici), le 28 février 2012.

L’entièreté du discours est, en effet, toujours disponible sur la chaîne YouTube officielle de l’association et a été postée le 28 février 2012 (archivé ici).

D’une durée de quinze minutes, son visionnage complet permet d’obtenir davantage de contexte quant au très court extrait circulant sur les réseaux sociaux dans lequel on entend Tim Walz déclarer : ” Quand j’étais en Afghanistan, vous savez ce qui préoccupait les troupes ?”.

Avant de prendre la parole, Tim Walz est présenté par un homme qui résume brièvement sa carrière militaire avant d’en venir à sa casquette d’élu à la Chambre des représentants, composante du Congrès des Etats-Unis,  avec laquelle il s’est rendu en Afghanistan :

L’automne dernier, il a fait un voyage pour rendre visite à nos membres à l’étranger. Durant cette visite, il a été surpris par l’intensité des discussions qu’il a eues avec un bon nombre des troupes. Les troupes n’étaient pas concentrées sur les bombes, les snipers, les armes pointées sur eux. Ils étaient plus préoccupés par les discussions budgétaires.”

Une visite que détaille ensuite Walz dans son discours durant lequel il insiste sur l’importance des priorités budgétaires du Congrès pour les troupes mobilisées sur ce territoire, dont il ne mentionne à aucun moment en être membre :

“Ce dont nous devons nous assurer, c’est que les budgets et les décisions que nous prenons ici reflètent ce que veut le peuple américain. Je dois vous dire que lorsque je parle à mes électeurs du sud du Minnesota – je me fiche qu’ils soient républicains, indépendants ou démocrates – cela ne leur importe pas. Lorsque que je leur raconte ma venue en Afghanistan, vous savez ce qui préoccupait les troupes ? Elles étaient inquiètes au sujet des soins de santé pour leur famille et de leurs pensions.”

Lors de ce discours Tim Walz n’évoque donc pas être un vétéran de l’Afghanistan, mais raconte sa visite en tant qu’élu aux troupes américaines déployées en Afghanistan.

Contactée en août 2024 par l’AFP, la porte-parole de la Garde nationale du Minnesota, Kristen Auge, avait d’ailleurs confirmé que Tim Walz n’avait pas combattu en Afghanistan, mais que son unité avait été déployée en Italie en 2003 afin de soutenir l’opération Enduring Freedom menée durant la guerre d’Afghanistan.

Un article au sujet de son déplacement de 2011 est d’ailleurs toujours disponible sur le site officiel de l’armée américaine. Le texte mentionne bien que Walz s’y est rendu en tant que membre d’une délégation du Congrès (archivé ici). La visite concernait le fonctionnement des installations médicales sur place destinées aux soldats et aux civils afghans.

Capture d’écran du site officiel de l’armée des Etats-Unis, réalisée le 5 septembre, avec éléments surlignés par l’AFP.

En plus de cette visite en Afghanistan de 2011, Tim Walz s’y était aussi rendu en 2008 également en tant qu’élu de la Chambre des représentants. Une mission qui avait par ailleurs été rapportée dans plusieurs articles de presse locale comme MPR News, The Minnesota Star Tribune ou encore Post-Bulletin (archivés ici, ici et ici). Tous évoquent une visite visant à améliorer les soins médicaux des soldats américains sur place.

L’AFP a contacté le bureau de campagne de Kamala Harris et Tim Walz au sujet de ces allégation mais n’avais pas reçu de réponse à la publication de cet article.

Par ailleurs, si Tim Walz n’a effectivement pas servi en Afghanistan, il a été membre de la Garde nationale pendant plus de 24 ans dans des missions nationales mais aussi internationales, en Europe et en Turquie, jusqu’à devenir sergent-chef.

En 2005, il prend sa retraite en tant que simple sergent “parce qu’il n’a pas suivi de cours supplémentaires [nécessaires, ndlr] ” avait expliqué à l’AFP la porte-parole de la Garde nationale dans le Minnesota, en août 2024. Une rétrogradation sur laquelle n’a cessé d’insister le camp républicain et ses partisans.

Autre polémique, Tim Walz a pris sa retraite en 2005 et a été élu au Congrès l’année suivante, celle du déploiement de son unité en Irak. Une retraite anticipée que le très conservateur J.D Vance, le colistier de Donald Trump a interprétée comme une désertion. “Lorsque son pays a demandé à Tim Walz d’aller en Irak, vous savez ce qu’il a fait ? Il a quitté l’armée et a laissé son unité partir sans lui”, a-t-il déclaré.

A force de reports et de délais, Donald Trump, de son côté, a évité d’être mobilisé pendant la guerre du Vietnam et n’a jamais servi dans l’armée.

La campagne électorale pour la présidentielle aux Etats-Unis fait l’objet de nombreuses affirmations fausses ou trompeuses. L’AFP en a déjà réfuté plusieurs comme ici ou ici.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.36FU7FP.