Des publications sur les réseaux sociaux indiquent qu’Elon Musk lance un projet de site web qui permettrait au public d’évaluer la crédibilité des journalistes et des médias. Celles-ci circulent particulièrement sur Twitter et Facebook. Selon ces affirmations, la plateforme nommée “Pravduh.com” pourrait remettre en cause la fiabilité des “médias mainstream” et potentiellement limiter leur diffusion. Les déclarations d’Elon Musk au sujet de cette plateforme datent en réalité de 2018. Quatre ans plus tard, l’entreprise “Pravda Corp” a bien été enregistrée mais rien n’indique que son site web, lui, ne se matérialise un jour ni que celui-ci puisse impacter la notoriété des médias qualifiés de “mainstream”.
Un Tweet publié le 29 avril dernier par le compte “Et ça continue” relaye un lien vers un article qui annonce ceci : “Elon Musk propose un site de notation des journalistes et des médias“. Le post, partagé près de 4000 fois et “aimé” par plus de 11.000 personnes au moment d’écrire ces lignes, suggère que le projet d’Elon Musk permettrait de mettre en évidence “le manque de crédibilité des médias” qualifiés de “mainstream”.
Sur Facebook, le groupe Jasper Maser relaye la même source un jour plus tard, avec comme commentaire : “En voilà un (ndlr Elon Musk) qui va nous aider à remettre la presse à sa place“. La publication a généré plus de 600 interactions.
L’information selon laquelle Elon Musk voudrait créer un site de notation des journalistes et des médias pour évaluer leur crédibilité n’est pas neuve. En effet, l’annonce faite par celui qui est aussi le patron de Tesla date de 2018 et avait été rapportée par de nombreux médias, dont la RTBF.
C’est via Twitter qu’Elon Musk avait déclaré le 23 mai 2018 : “Je vais créer un site où le public pourra noter la vérité fondamentale de n’importe quel article, suivre la note de crédibilité de chaque journaliste, rédacteur en chef ou publication. Je songe à l’appeler Pravda“.
“Pravda” signifie “vérité” ou “justice” en russe et renvoie au titre du journal du Parti communiste de l’ex-URSS.
Cette annonce faisait suite à la plainte du patron de Tesla concernant l’attention disproportionnée qu’auraient accordée les médias aux accidents impliquant des voitures électriques du constructeur automobile, dont Elon Musk est le propriétaire.
Un article publié par CNN le jour du Tweet d’Elon Musk explique les raisons de la sortie médiatique de l’entrepreneur sud-africain : “Les ruminations de Musk contre les médias surviennent après une couverture médiatique négative de Tesla“, notamment centrée sur le fait que l’entreprise n’aurait “pas rempli ses objectifs de production de sa Model 3, a perdu des hauts dirigeants et est en conflit avec le gouvernement à propos d’une enquête sur l’accident d’une voiture autonome“.
Quelques jours plus tard, Elon Musk annonçait dans un Tweet que “Pravdhuh.com” était finalement l’appellation choisie pour nommer son nouveau site, le nom de domaine “Pravda.com” étant déjà la propriété d’un média ukrainien.
Cela n’avait pas empêché le milliardaire d’enregistrer son entreprise sous le nom de “Pravda Corp” et ce, dès 2017.
La “Pravda Corp” existe bel et bien
La “Pravda Corp” a été certifiée en tant que société étrangère dans l’Etat du Delaware le 18 octobre 2017.
Un document en attestant avait été tweeté en 2018 par l’écrivain Mark Harris. Sur son compte Twitter, il avait mis par ailleurs en évidence les liens entre Elon Musk et la création de cette société : “J’ai remarqué que l’un des associés de Musk a incorporé Pravda Corp en Californie en octobre de l’année dernière“.
Dans ce Tweet, le document est rogné en dessous. Mais il est facilement retrouvable sur le site officiel du secrétaire d’Etat de Californie. Au bas de celui-ci, Jared Birchall y est identifié comme “président” de l’entreprise. Cet homme est également à la tête de Neuralink et The Boring Company, deux autres sociétés fondées par Elon Musk.
En 2022, cinq après la création de l’entreprise Pravda Corp, son statut est toujours “actif”, comme le témoigne cet annuaire d’entreprises de Californie.
Pravduh.com “n’est toujours pas sorti des tiroirs”
Le nom de domaine Pravduh.com qui a été enregistré par le milliardaire renvoie actuellement vers une page blanche. Ce manque de contenu indique que le projet n’a pas abouti, à ce stade.
Le logiciel Wayback Machine qui permet de retrouver les archives de pages Web grâce à des captures d’écran met d’ailleurs en évidence que cette page est restée vierge depuis sa création, en 2018.
Différents articles qui ont évoqué le projet de Pravduh.com depuis 2018 font le constat que le projet lancé par Elon Musk il y a quatre ans “n’est pas encore sorti des tiroirs“. C’est notamment le cas du magazine Slate (2019) ou du New York times qui rappelait en 2022, au sujet du projet Pravda : “Il n’en est rien sorti“.
Pourquoi l’information resurgit-elle maintenant ?
Le 25 avril 2022, soit quatre jours avant le Tweet de “Et ça continue”, Elon Musk annonçait son rachat du réseau social Twitter pour 44 milliards de dollars. Le milliardaire exprimait sa volonté de faire de la plateforme “une arène ouverte à la liberté d’expression” en rendant le processus de modération plus transparent en adoptant notamment un algorithme open source.
Dans une déclaration, Angelo Carusone, président de l’ONG Media Matters for America expliquait : “Confier les rênes de Twitter à M. Musk déchaînera à coup sûr les théories du complot que la plateforme a essayé de réprimer“, en poursuivant : “Toute tentative d’utiliser la plateforme pour partager des informations légitimes sera éclipsée par un bourbier toxique de désinformation.”
Les changements évoqués par Elon Musk sont cependant susceptibles de réjouir une partie de celles et ceux qui ont perdu toute confiance envers les médias “mainstream”. Une frange importante de la population est potentiellement concernée puisque, comme le révélait un sondage RTBF en 2021, “deux Belges sur trois pensent que les médias traditionnels manquent d’indépendance et roulent pour les autorités“.
Le rachat du réseau social par Elon Musk a ravivé les débats autour de la diffusion de l’information. Par la même occasion, le projet Pravda a bénéficié d’un regain d’intérêt dans certaines communautés critiques à l’égard des médias traditionnels.
Pravduh se concrétisera-t-il un jour ?
A l’heure actuelle, rien n’indique qu’Elon Musk compte un jour poursuivre son projet de plateforme qui permettrait au public de noter la crédibilité des médias et des journalistes.
Pourtant, Elon Musk a souvent tenu ses engagements même plusieurs années après leur annonce :
- C’est le cas de ses fameux tunnels anti-bouchons censés fluidifier la circulation routière. Annoncé via un Tweet en 2019, le tunnel de Las Vegas a été inauguré deux ans plus tard par son entreprise, la Boring Company.
- De même, sa promesse de l’Hyperloop, ce train à propulsion magnétique qui s’affranchirait des frottements de l’air en se déplaçant dans un cylindre sous vide, dévoilée en 2013 a pris également de l’ampleur. Le projet n’a pas encore été concrétisé mais des premiers essais de transport de passagers à bord du train futuriste ont été réalisés en 2020, dans le désert du Nevada.
- Enfin, le plus célèbre de ses projets, Space X, est opérationnel. Space X a notamment permis à la Nasa de réduire ses coûts lors de l’envoi d’astronautes vers la station spatiale internationale.
Cependant, le rachat de Twitter permettra-t-il à Elon Musk de satisfaire sa volonté de contrôle des informations autour de ses sociétés ? La réponse à cette question pourrait bien orienter l’avenir de “Pravduh.com”.
Encore beaucoup d’incertitudes à ce stade
Les récentes publications sur les réseaux sociaux qui ont relayé l’information selon laquelle Elon Musk envisage de créer une plateforme permettant au public d’évaluer la crédibilité des médias et des journalistes sont correctes.
Cependant, l’information date de 2018 au moment où l’entrepreneur réagissait aux publications d’informations défavorables à son entreprise Tesla.
A ce stade, son projet Pravduh.com n’a pas connu d’évolution, en tout cas au niveau public. Le rachat du réseau social Twitter pourrait par ailleurs avoir une influence sur le développement de cette plateforme.
Beaucoup d’incertitudes entourent cette initiative de contrôle et de labellisation des médias et des journalistes. Enfin, rien n’indique que Pravda Corp pourrait s’imposer dans le domaine de l’information ou encore limiter la visibilité des médias qualifiés de “mainstream”.