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Le groupe AB InBev a-t-il lancé la production de la Leffe en Russie ?

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Author(s): Romane Bonnemé

Après l’annonce du lancement de la production des bières Leffe dans ses usines de Russie, AB InBev est pointé du doigt par certains internautes qui s’interrogent sur la position du géant brassicole belge à l’égard de la Russie depuis le début de la guerre contre l’Ukraine.

Associée avec la brasserie turque Anadolu Efes pour le marché russe, l’entreprise originaire de Belgique Anheuser-Busch InBev (AB InBev) détiendrait toujours la moitié de la coentreprise AB InBev-Efes, sans participation. Et ce, malgré son souhait, exprimé après l’invasion russe en Ukraine, de revendre sa part. Une vente qui serait à l’heure actuelle toujours en cours.

L’information aurait pu passer inaperçue. Le 5 août dernier, la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise en Russie annonce sur son compte Twitter suivi par quelques centaines d’abonnés : “La société brassicole AB InBev-Efes a commencé la production de la bière belge Leffe Blonde et Brune en Russie. La bière sera produite sur des sites à Ulyanovsk, Kaluga, Omsk, Volzhsky, Saransk, Klin et Ivanovo.”

Pourtant, depuis la publication de cette nouvelle, notamment relayée par Kateryna Yushchenko, la femme de l’ex-président Ukrainien Viktor Iouchtchenko, les messages d’appel au boycott de la multinationale belgo-brésilienne se multiplient sur le réseau social à l’oiseau bleu, alors que la Russie fait l’objet de sanctions européennes et internationales suite à son invasion de l’Ukraine.

Au cœur de la polémique, d’autres internautes s’interloquent : il ne peut s’agir que d’une rumeur car la brasserie avait annoncé en avril dernier vouloir suspendre ses activités en Russie.

Qu’en est-il dans les faits : AB InBev est-il toujours associé au groupe brassicole turc Efes pour le lancement de la production de la Leffe en Russie ? Aucun élément ne permet d’affirmer le contraire. Explications.

AB InBev-Efes : la coentreprise d’AB InBev en Russie

Contacté par Faky, le PDG de la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise Oleg B. Prozorov, confirme avoir partagé l’information sur leur compte Twitter.

Celle-ci émane d’un communiqué de presse d’AB InBev-Efes relayé dans la presse russe le 4 août dernier. On y lit notamment que “la décision de localiser la production des marques importées Spaten, Franziskaner, Leffe Blonde et Brune a été prise en raison des difficultés logistiques largement observées sur le marché, afin d’assurer la continuité des processus commerciaux et la disponibilité des produits. […] Désormais, les marques localisées sont produites dans les usines de Oulianovsk, Kaluga, Omsk, Volzhsky, Saransk, Klin et Ivanov“.

Ces sept usines font partie des onze brasseries que compte AB InBev-Efes en Russie pour la production de plus de 75 marques de bières déjà produites sur place, dont la bière belge Stella Artois, la mexicaine Corona, la brésilienne Brahma ou la turque Efes. La bière Leffe était jusqu’à lors uniquement produite dans la brasserie belge de Louvain.

AB InBev et AB InBev-Efes : deux entités si bien distinctes ?

Depuis 2018, les brasseurs AB InBev et Anadolu Efes, respectivement belge et turc, ont fusionné leurs opérations en Russie et en Ukraine afin de renforcer leurs positions sur les marchés russe et ukrainien. Fruit de cette fusion à parts égales, la nouvelle entité – aussi appelé joint-venture – porte le nom de ces deux parties “AB InBev-Efes”. Chacune des parties possède donc 50% de la coentreprise, tout en laissant le contrôle opérationnel des activités aux Turcs d’Anadolu Efes.

A noter que cette joint-venture n’a rien à voir avec la prise d’intérêt d’AB InBev en 2016 de 24% des parts d’Anadolu Efes, via le rachat du géant de la bière sud-africain SAB Miller.

La coentreprise AB InBev-Efes, finalisée en mars 2019, elle se distingue donc de sa maison mère basée en Belgique AB InBev. Et ce, durant trois ans jusqu’à l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022 où cette distinction est devenue floue.

En effet, le 22 avril dernier, AB InBev annonçait sa décision de vendre sa participation dans sa joint-venture russe. “En tant que partenaire non contrôlant, AB InBev renonce à tout avantage financier résultant des opérations de la joint-venture” tout en “continuant à soutenir ses collaborateurs, leurs familles et les efforts d’aide humanitaire en Ukraine” peut-on lire dans leur communiqué.

AB InBev toujours en Russie tant que sa part n’est pas vendue

Que s’est-il passé depuis cette annonce ?

Afes et AB InBev sont toujours dans une phase active de négociations pour la vente des parts qui appartiennent à AB InBev. Leur activité opérationnelle continue en Russie dans le même régime, c’est-à-dire sous la même joint-venture qu’auparavant” explique le PDG de la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise.

Le processus de la vente de la part d’AB InBev serait “très compliqué” d’après Oleg B. Prozorov, la décision étant en effet “soumise à une commission du ministère des Finances russe“.

En l’absence d’un racheteur, AB InBev serait donc toujours partie prenante de la joint-venture AB InBev-Efes.

Ces activités auraient toutefois été quelque peu modifiées à cause du conflit selon les informations de la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise. Si le groupe a continué de commercialiser une majorité des marques de bières du groupe, à l’exception de l’américaine Bud, la joint-venture connaîtrait des difficultés d’importation de ses produits sur le sol russe. Selon le média russe RIA Novosti, au deuxième trimestre 2022, l’entreprise aurait enregistré une baisse des ventes en Russie de 1,4 % par rapport à la même période l’an passée.

Dès le lendemain de l’invasion militaire lancée par la Russie contre l’Ukraine, l’Union européenne (UE) a en effet adopté plusieurs paquets de sanctions notamment pour affaiblir économiquement et financièrement le Kremlin et l’élite politique russe responsable du conflit.

Pas de sanctions européennes sur la bière

Les produits alimentaires – dont la bière – ne sont pas concernés par l’embargo de l’UE vis-à-vis de la Russie. Comme l’indique une source européenne souhaitant conserver l’anonymat, “si les entreprises belges basées en Russie respectent toutes les autres sanctions sectorielles (par exemple, en lien avec leurs financements ou le transport routier) et ne travaillent pas avec des personnes et des entités sanctionnées, leurs activités commerciales peuvent se poursuivre en Russie“.

Une information confirmée par Joy Donné, PDG de la Flanders Investment & Trade (FIT), qui indique que “c’est à chaque entreprise flamande [et a fortiori belge] basée en Russie de développer ses opérations conformément à sa politique de responsabilité sociale et de gérer tant ces sanctions que le respect des droits humains“.

Face aux défis croissants posés par la situation diplomatique depuis l’invasion russe, AB InBev-Efes a alors décidé de “localiser sa production des marques importées les plus demandées et les préférées des consommateurs [russes]“, à savoir Spaten, Franziskaner et Leffe, indique sa directrice marketing dans leur communiqué de presse du 4 août dernier, Olga Gavrilenko. Cette production locale, poursuit-elle, a ainsi pour but de “maintenir une large présence de produits dans tous les canaux de vente, tout en garantissant des prix et une qualité abordables“.

Sollicité par la rédaction de Faky pour commenter l’état de cette transaction, AB InBev a réagi ce samedi après-midi. “”AB InBev Efes est une joint-venture, dans laquelle AB InBev a une participation, sans contrôle, à 50%, fait savoir l’entreprise. Des discussions actives se poursuivent entre les parties concernant la vente de la participation sans contrôle d’AB InBev dans la joint-venture AB InBev Efes à son partenaire, le brasseur turc Anadolu Efes.

Et d’ajouter : “La suspension de la licence de vente de certaines marques fait partie des discussions de transaction en cours avec Anadolu Efes. Comme annoncé précédemment, AB InBev renonce également à tout bénéfice financier provenant des opérations de la joint-venture.

Restent donc en suspens certains points concernant le début des activités de production des bières étrangères, notamment la Leffe, dans les usines d’AB InBev-Efes en Russie, et des revenus que celles-ci pourraient engendrer. D’autres questions sur la répartition des bénéfices de la production de la Leffe en Russie entre la coentreprise et sa partie prenante belge AB InBev, ou sur la liste des pays de production de cette bière emblématique, demeurent, pour l’heure, sans réponse.