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Les émissions humaines de CO2 sont la principale cause du réchauffement climatique – pas le soleil

Les émissions humaines de CO2 sont la principale cause du réchauffement climatique - pas le soleil - Featured image

Author(s): Marie Genries, AFP Belgique

Un article relayé plusieurs centaines de fois sur Facebook depuis fin mars 2022 affirme que le soleil est la cause principale du réchauffement climatique et que les fortes concentrations de CO2 dans l’atmosphère sont un effet de la hausse des températures et non l’inverse. Ces théories vont à l’encontre du consensus scientifique sur l’origine humaine du changement climatique, ont expliqué plusieurs experts à l’AFP. Le nouveau rapport des experts du GIEC, publié début avril, a par ailleurs rappelé l’urgence de diminuer nos émissions de carbone.

Intitulé “Soleil, température et CO2”, ce long article présente deux théories principales, exposées dans les conclusions: “C’est le soleil qui règle le climat” et “La concentration en CO2 est un effet de la température (et des émissions anthropiques) au lieu d’en être la cause”.

Publié le 25 mars 2022 sur un blog belge intitulé “Science, climat et énergie”, cet article a été relayé au moins 400 fois sur Facebook depuis. Un internaute dont le post a été partagé près de 300 fois résume par exemple son contenu ainsi: “C’est l’activité solaire qui régit le climat de manière majeure et aucunement les émissions annuelles de CO2 qui je le rappelle sont naturelles à 96%”.

Les auteurs de l’article reprennent une théorie datant de plusieurs dizaines d’années, selon laquelle les variations solaires expliquent le changement climatique. Cette théorie, comme l’expliquait déjà le journal Le Monde en 2015, a été étudiée par de nombreux chercheurs mais jamais prouvée. L’AFP avait déjà abordé des affirmations comparables dans un précédent article de vérification en anglais.

Capture d’écran réalisée le 07/04/2022 sur le blog “Science, climat et énergie”
Capture d’écran réalisée le 07/04/2022 sur Facebook

Les auteurs remettent en question ce qu’ils appellent les “modèles” du GIEC. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC en anglais), créé en 1988, rend compte tous les 5 à 8 ans de l’état des connaissances sur le changement climatique. Il publie à intervalles réguliers des rapports d’évaluation, en plusieurs parties.

Le GIEC est considéré par la communauté scientifique internationale comme une source fiable et reconnue sur le réchauffement climatique.

Le 4 avril 2022, le GIEC a publié le troisième volet de son sixième rapport d’évaluation (2021-2022), alertant sur l’urgence de la prise de plusieurs mesures.

Les experts y proposent plusieurs transformations structurelles pour éviter un réchauffement de +3,2% d’ici 2100, qui pourrait rendre une partie du monde “invivable“: passage aux mobilités douces et aux véhicules électriques, télétravail, isolation des bâtiments, moindre recours à l’avion… L’objectif étant de baisser drastiquement les émissions de gaz à effet de serre émis par les activités humaines, responsables de l’augmentation de la température.

Dans le premier volet de ce sixième rapport d’évaluation, publié le 9 août 2021, le GIEC écrivait qu‘il est “incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres”.

( AFP / Kenan AUGEARD, Sophie RAMIS)

L’AFP a soumis cet article à plusieurs climatologues et experts. Tous ont pointé de nombreux écueils dans la méthodologie et les conclusions tirées. Par ailleurs, ils rappellent que l’augmentation des températures depuis la révolution industrielle est en grande majorité due aux émissions humaines de CO2. L’immense majorité de la communauté scientifique internationale s’accorde aujourd’hui sur le fait que le changement climatique en cours se distingue des cycles naturels du passé par sa rapidité sans précédent et le fait qu’il est clairement attribuable aux activités humaines et notamment aux énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon), massivement utilisées depuis la Révolution industrielle.

“Cet article dit n’importe quoi. C’est comme si on cherchait à contredire la relativité générale en regardant des nuages par sa fenêtre”, a ainsi commenté le 4 avril 2022 Pascal Yiou, climatologue et chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE).

Un article aux nombreux contresens et imprécisions

Cet article est signé par Roland Van den Broeck, décrit dans la publication comme “ingénieur civil” et Henri Masson, “professeur (émérite) à l’Université Antwerpen”. Contacté le 6 avril 2022, le recteur de l’université d’Anvers a confirmé à l’AFP qu’Henri Masson a bien été professeur émérite à la Faculté des Sciences économiques jusqu’en 2011 et affilié à l’université jusqu’en 2016. En revanche, a précisé Herman Van Goethem, “il ne ne fait plus partie de l’Université d’Anvers. Nous ne sommes donc pas responsable de ses publications, qui ne reflètent en aucune manière une opinion quelconque de mon université”.

Au fil de cet article, les auteurs insistent à plusieurs reprises sur le “modèle” utilisé par le GIEC: “Le GIEC utilise un modèle statique du climat”, “Dans sa modélisation du cycle du CO2, le GIEC…”, “la formule semi-expérimentale de Myrhe utilisée par le GIEC”, etc. En réalité cependant, le GIEC ne fait pas de “modèle” : il réalise un travail de synthèse des travaux scientifiques et non de recherche.

“Le GIEC n’utilise pas de ‘modèle’ de climat”, a commenté Pascal Yiou, ajoutant que “les chercheurs dont les travaux sont repris par les experts du GIEC utilisent des modèles qui évoluent dans le temps et ne sont pas “statiques””, contrairement à ce qu’affirment les auteurs de l’article.

Par ailleurs, “le GIEC n’est pas une organisation ayant un objectif politique comme le suggère le texte”, a commenté Vincent-Henri Peuch, directeur du département de surveillance de l’atmosphère (CASM) du programme européen Copernicus, interrogé le 7 avril 2022. “Il est composé d’une diversité de scientifiques (géographiquement, par domaine d’expertise…) sans autre mandat ou objectif que de rassembler des preuves examinées et publiées par des pairs sur le changement climatique pour les décideurs et le grand public”.

  • Des données non sourcées

Dès le début de l’article, ses auteurs affirment s’appuyer sur “une étude beaucoup plus détaillée qui est en cours de finalisation et sera publiée en format PDF dans quelques semaines”, sans en donner les références.

Dans la toute première figure présentée (Figure 1), ils tentent d’établir un rapport de cause à effet entre une prétendue augmentation de l’activité solaire et celle des températures. Selon eux, “la corrélation croisée des séries de température et du rayonnement indique que l’évolution de la température suit celle du rayonnement solaire avec un décalage égal au quart de la période moyenne des cycles solaires qui vaut environ 11 ans”.

Mais cette figure présente plusieurs problèmes méthodologiques, a expliqué à l’AFP Gerhard Krinner, directeur de recherche au CNRS et chercheur à l’Institut des Géosciences de l’Environnement de Grenoble: “Les auteurs construisent un petit modèle de la température de surface des océans basé sur les variations de l’activité solaire, lissées sur 100 ans, et ajoutent une courbe de variation (en vert) qui vient de nulle part. Leur modèle n’est pas basé sur la physique et ils utilisent des données d’entrée très contestables, dont ils ne précisent pas la source “, a-t-il commenté le 4 avril 2022, ajoutant: “La seule chose qui est correcte dans cet article c’est le nom des auteurs”.

Une analyse partagée par Laurent Bopp, chercheur au LSCE et spécialiste des liens entre le climat et cycle du carbone océanique: “Ils prennent une courbe des variations solaires et la lissent avec une moyenne sur 100 ans. C’est-à-dire que pour l’année 1950, ils font la moyenne entre le rayonnement solaire en 1900 et celui en 2000 par exemple. Mais rien n’explique pourquoi ils prennent cette moyenne lissée. Avec ça, on peut corréler tout avec n’importe quoi. Ce que font les scientifiques du climat, c’est bien plus que les simples corrélations que font les auteurs de cet article”.

  • L’activité solaire a plutôt tendance à stagner, voire à diminuer

Dans la figure citée ci-dessus, les auteurs tentent de répondre à un argument souvent opposé aux climato-sceptiques, qui consiste à expliquer que bien que les températures à la surface de la Terre augmentent, l’activité solaire a plutôt tendance à stagner, voire à diminuer ces dernières années.

Comme le rappelle la NASA sur cette page dédiée à l’impact des cycles solaires sur le climat de la Terre, “les scientifiques s’accordent à dire que le cycle solaire et les variations à court terme de l’irradiance qui lui sont associées ne peuvent être la principale force à l’origine des changements climatiques que nous observons actuellement sur Terre”, rappelant que “la production d’énergie du Soleil ne varie que de 0,15 % au cours du cycle, soit moins que ce qui serait nécessaire pour provoquer le changement climatique que nous observons”.

“Les variations solaires ont un effet sur le climat. Seulement, les variations qu’on a observées au cours des derniers siècles liées à l’énergie solaire sont faibles et ne sont pas suffisantes pour expliquer les variations de températures qu’on observe aujourd’hui. Ces dernières décennies il y a plutôt eu une diminution de l’activité solaire”, a résumé Frank Pattyn, directeur du Laboratoire de glaciologie à l’Université libre de Bruxelles, interrogé le 31 mars 2022.

C’est également ce qu’expliquait le directeur de l’Institut Goddard d’études spatiales dépendant de la NASA Gavin Schmidt dans un article publié sur la plateforme Carbon Brief (financée par la Fondation européenne pour le climat): “La période de réchauffement (de la planète) la plus importante – depuis 1975 environ – a coïncidé avec une légère diminution de l’activité solaire”.

L’Organisation météorologique mondiale (WMO) rappelle également sur son site que “les mesures par satellite effectuées au cours des 30 dernières années montrent que la production d’énergie du Soleil n’a pas augmenté et que le récent réchauffement observé sur Terre ne peut être attribué à des changements dans l’activité solaire”.

“L’activité solaire telle que mesurée sur les dernières décennies a tendance à baisser un peu”, a également expliqué Laurent Bopp.

S’il est “parfaitement vrai que le soleil régule le climat de la Terre”, a expliqué Vincent Henri-Peuch, la température à la surface de notre planète dépend principalement des gaz à effet de serre (d’origine naturelle et humaine), sans lesquels “la température moyenne à la surface de la Terre avoisinerait les -18°”.

  • L’océan absorbe plus de CO2 qu’il n’en libère

Une partie du CO2 émis par des activités humaines est absorbée par l’océan: on estime qu’environ un tiers du dioxyde de carbone généré par les activités humaines a été absorbé par l’océan depuis le début de la révolution industrielle. “Aujourd’hui quand on émet un kilo de CO2, environ un quart va être absorbé par l’océan, et un quart par la végétation – donc la moitié va être absorbée”, explique Gerhard Krinner.

Les auteurs de l’article que nous vérifions affirment, en invoquant des lois de physique telles que la “formule semi-expérimentale de Myhre” ou la “Loi de Henry”, que l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère provient principalement du réchauffement de l’océan: selon eux, les températures augmentent, provoquant un réchauffement de l’océan qui libère ensuite du CO2 dans l’atmosphère. “Leur argumentaire, c’est qu’il y a une quantité de carbone finie et que quand l’océan se réchauffe, il aura tendance à libérer une partie de son carbone vers l’atmosphère”, ce qui expliquerait l’augmentation du CO2 dans l’air, a détaillé Laurent Bopp.

Si on suit cette théorie, l’océan devrait aujourd’hui contenir moins de CO2 puisqu’il se réchauffe et en libère. Mais ce n’est pas ce qu’observent les scientifiques, qui assistent plutôt à une acidification de l’océan, ce qui signifie qu’il absorbe plus de CO2 qu’il n’en libère, ont expliqué Gerhard Krinner et Laurent Bopp.

Antenne mesurant l’humidité et le taux de dioxyde de carbon dans la mangrove Juan Diaz, au Panama, le 14 mars 2022. ( AFP / Luis ACOSTA)

“Le mécanisme proposé dans cet article d’un équilibre thermodynamique qui pourrait expliquer la libération de CO2 dans l’atmosphère à partir du réservoir océanique en raison de l’augmentation de la température est non seulement naïf (et ignorant des processus océaniques et atmosphériques) mais également contredit par les preuves observationnelles”, a commenté Vincent Henri-Peuch. “Les océans sont un puits de carbone pour l’atmosphère, et non une source. Et si ce processus était vrai, il y aurait des flux massifs continus de CO2 échangés entre l’océan et l’atmosphère, changeant en fonction des différences de température entre les deux. Ce n’est pas ce que montrent les observations”.

“Il y a des campagnes de mesure de l’évolution de la quantité de carbone dans l’océan, et on voit qu’elle augmente. Aujourd’hui, on émet une quantité de carbone qui n’a pas le temps d’être intégrée par l’océan”, a ajouté Laurent Bopp.

Les observations scientifiques permettent d’établir que le changement climatique est principalement dû à des émissions humaines de CO2

  • Les changements de températures diffèrent dans la haute et la basse atmosphère

“Il y a trois grande manières d’affecter le bilan d’énergie reçu à la surface de la terre” et donc d’influencer le climat, détaille Pascal Yiou.

Premièrement: les éruptions volcaniques, qui émettent des gaz, allant jusqu’à la haute atmosphère, et de la vapeur d’eau, qui est aussi un gaz à effet de serre. Par ailleurs, les poussières provoquées par les éruptions volcaniques atténuent le rayonnement solaire, créant un déséquilibre entre la troposphère (couche basse de l’atmosphère, où nous vivons) et la stratosphère (couche haute de l’atmosphère): “Lors d’une éruption volcanique, la haute atmosphère se réchauffe tandis que la surface de la terre est plus froide”, explique Pascal Yiou.

Le rayonnement solaire est un deuxième facteur naturel jouant sur le climat, a poursuivi le chercheur. Celui-ci affecte toute l’atmosphère, troposphère et stratosphères confondues.

Troisièmement, les gaz à effet de serre, comme le CO2, peuvent également dérégler le climat. “Ces gaz sont émis près de la surface de la Terre et restent généralement dans les premiers kilomètres de l’atmosphère, et réchauffent ces basses couches”, explique Pascal Yiou.

Suivant ces principes, si le soleil était à l’origine du réchauffement climatique, les scientifiques observeraient un réchauffement égal de la troposphère et de la stratosphère. Or,on observe une augmentation de la température dans la basse atmosphère et une diminution dans la hausse atmosphère ce qui signifie que le réchauffement est principalement dû à des gaz à effet de serre”, indique Frank Pattyn. Une observation modélisée notamment par le Prix Nobel de physique de 2021, Syuroko Manabe.

Ce phénomène est également expliqué sur le site de l’Institut royal d’aéronomie spatiale de Belgique.

Une cheminée à Seclin, dans le Nord de la France, en 2012 ( AFP / Philippe HUGUEN)
  • La composition des molécules de carbone permet de déterminer leur origine

Les scientifiques peuvent par ailleurs déterminer la provenance des molécules de CO2 (émissions humaines ou naturelles). L’élément carbone existe sous différentes formes, qu’on appelle les “isotopes”, définis par la lettre “C” suivie d’un chiffre. Le carbone formé à l’origine à partir de matière végétale, comme le charbon et le pétrole, est pauvre en C13, mais contient du C12.

L’atmosphère est composée d’un certain nombre de ces isotopes. Or, explique Laurent Bopp, “ces soixante dernières années on voit que la quantité de carbone augmente dans l’atmosphère mais que la quantité de C13 diminue. C’est le signe qu’on injecte dans l’atmosphère du carbone pauvre en C13, donc du carbone issu d’émissions anthropiques”, c’est-à-dire humaines.

Par ailleurs, le charbon et le pétrole ne contiennent pas du tout d’isotope C14, radioactif, qui disparaît en une dizaine de milliers d’années – bien moins que le temps qu’il ne faut pour que les matières végétales se transforment en charbon ou en pétrole.

Or, en observant l’atmosphère, les scientifiques ne détectent pas – ou très peu – de carbone 14. “On voit qu’on a une source de CO2 très vieille”, très probablement, donc, issue du charbon ou du pétrole, a ajouté Gerhard Krinner.

La répartition géographique du carbone donne également des indications aux scientifiques. Cette source de carbone est plutôt “issue de l’hémisphère nord, car l’augmentation de CO2 dans l’hémisphère sud a un ou deux ans de retard”. L’hémisphère nord, plus industrialisé et plus peuplé, émet en effet davantage de carbone, comme l’avait déjà établi des chercheurs du LSCE en 2019.

Les scientifiques observent également “une lente et faible diminution de la concentration d’oxygène dans l’atmosphère, ce qui montre qu’une qu’il y a un processus de combustion à grande échelle”, a conclu Gerhard Krinner.

Les experts savent mesurer précisément le taux de carbone d’origine humaine présent dans l’air, rappelle Pascal Yiou: “On sait ce que l’océan absorbe, ce qu’il émet, et on connaît ce que la biosphère émet et absorbe en carbone. On sait à peu près le nombre de voitures sur la planète, combien il y a d’usines et on sait mesurer de manière très précise la teneur en CO2: le gaz carbonique émis par la combustion, par exemple par le moteur d’une voiture, a une propriété un peu différente du gaz carbonique émis par la respiration des plantes”.

“Jusqu’à la fin du XXème siècle, il y avait une petite ambiguïté, l’activité solaire avait un petit rôle dans les changements de température. Au XXIème siècle, c’est 100% du réchauffement climatique qui est lié à l’activité humaine”, conclut le chercheur.

  • Des émissions de carbone qui dérèglent le climat

Comme évoqué plus haut, un des internaute partageant l’article affirme que “les émissions annuelles de CO2 sont naturelles à 96%”.

En réalité, il s’agit “d’une confusion entre les flux naturels de respiration de la biosphère (terrestre et océanique) et les émissions d’origine humaine”, commente Gerhard Krinner, qui s’appuie sur ce graphique élaboré par les experts GIEC, dont la légende peut être trouvée dans ce rapport du GIEC.

Budget mondiale de carbone (2010-2019). Les mesures sont indiquées en gigatonnes CO2/an

Sur ce schéma, les flux naturels de CO2 sont représentés par les quatre flèches épaisses oranges : “Total respiration and fire” (respiration totale et feu) et “Gross photosynthesis” (photosynthèse brute) côté terrestre, et “Ocean-atmosphere gas exchange” (échanges de gaz océan-atmosphère) côté océanique. 

“Ce sont des flux importants, mais ils se compensent”, explique Gerhard Krinner. Entre d’autres termes, les échanges naturels de CO2, en orange, s’équilibrent naturellement. “C’est pour ça que pendant 10 000 ans avant la période industrielle, la concentration de CO2 dans l’atmosphère était stable, proche de 280 ppmv (parties par millions en volume), sans bouger d’un poil ou presque”, ajoute le scientifique.

En juin 2021, l’observatoire solaire du Mauna Loa, situé à Hawaï, a enregistré un taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère de 419 ppm (parties par million), soit le niveau le plus élevé depuis le début des mesures en 1974.

Sur le même schéma, les flux de CO2 d’origine humaine sont représentés en rouge. “Donc oui, si on compare les émissions humaines aux flux bruts naturels vers l’atmosphère depuis l’océan et depuis la surface terrestre, on a l’impression que les émissions naturelles sont beaucoup plus importantes que les émissions humaines“, commente Gerhard Krinner. Le problème, c’est que les émissions anthropiques de CO2 perturbent le cycle naturel en rajoutant des gaz à effet de serre.

Pour comprendre ce phénomène, le scientifique utilise une analogie: “Imaginons que vous gagnez tous les mois 3000 euros et vous les dépensez tout de suite. A côté, vous avez 10 000 euros sur votre compte et ça ne bouge pas parce que vos dépenses sont égales au revenu. Situation naturelle à l’équilibre donc. Maintenant, votre mère vous donne 100 euros par mois comme cadeau – ce sont nos émissions, plus faibles que les “émissions naturelles” – qui correspondent à nos revenus.

De ces 100 euros mensuels en plus, vous dépensez 50 tous les mois – c’est l’absorption de la moitié de nos émissions par les océans et la végétation – et vous mettez 50 sur votre compte tous les mois – c’est l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère-. Au bout de 10 ans, avec ces 50 euros mensuels qui sont peu par rapport à votre salaire, vous aurez 6000 euros de plus sur votre compte (120×50), donc 16 000 euros au lieu des 10 000 initiaux. Évidemment, ce genre d’analogie a ses limites, mais je pense qu’elle permet de saisir l’essentiel”.

Ce principe est également expliqué sur le site de démontage de fausses informations autour du climat Skeptical Science: “Le CO2 d’origine humaine dans l’atmosphère a augmenté d’un tiers depuis l’ère préindustrielle, créant un forçage (une modification) artificiel des températures mondiales qui réchauffe la planète. Bien que le CO2 dérivé des combustibles fossiles ne représente qu’une infime partie du cycle mondial du carbone, le CO2 supplémentaire est cumulatif car l’échange naturel de carbone ne peut absorber tout le CO2 supplémentaire”.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.327U8QT.