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Présidentielle française : 1,13 million de votes pour Marine Le Pen n’ont pas “disparu”, France Télévisions explique son “bug”

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Des partisans de Marine Le Pen estiment que la candidate au second tour de l’élection présidentielle française pour le Rassemblement National a été victime de fraude. Se basant sur des chiffres diffusés sur France 2 lors de la soirée électorale, ils estiment qu’elle aurait perdu plus d’1,13 millions de voix entre les décomptes intermédiaires. Cependant, ces affirmations se basent sur des chiffres erronés affichés par erreur par France Télévisons, qui a présenté ses excuses.

Des messages se faisant l’écho d’accusations de fraude électorale en faveur du président français réélu se sont multipliés sur différentes plateformes digitales depuis dimanche soir et l’annonce des résultats du second tour. Selon certains partisans de Marine Le Pen, plus d’1,13 million de voix exprimées en faveur de la candidate du Rassemblement National ont “disparu” ce dimanche 24 avril lors du dépouillement du vote.

Capture d’écran Twitter

Au travers de stories Instagram, sur des canaux Telegram ou encore sur Youtube et Twitter, des internautes s’indignent et remettent en cause les résultats du second tour qui comptabilisent 18.779.641 voix (58,54% des votes exprimés) en faveur d’Emmanuel Macron contre 13.297.760 voix (41,46%) en faveur de Marine Le Pen.

Selon ces messages et des vidéos diffusées et relayées des dizaines de milliers de fois, la candidate du Rassemblement National aurait perdu 1.134.636 voix entre un comptage partiel et les résultats définitifs. Une situation a priori mathématiquement impossible puisque logiquement, au fur et à mesure du dépouillement, les candidats ne peuvent logiquement que gagner des voix et non pas en perdre.

Capture d’écran Twitter

Dans la foulée de ces accusations de fraude, des vidéos et des publications sont également relayées sur plusieurs réseaux sociaux afin de mobiliser les électeurs français à “déposer un recours devant le Conseil constitutionnel” pour demander l'”annulation” des résultats du second tour.

Sur la messagerie Telegram, des publications invitent leurs utilisateurs à se mobiliser mobilier afin d’introduire un “recours pour fraude” : “Au regard des interrogations légitimes que se posent des millions de Français, après avoir constaté lors de la soirée électorale sur France 2, de graves dysfonctionnements, en l’occurrence plus d’un million de votes ont disparu.
Pour permettre le rétablissement de la vérité et le respect du choix des Français, notre ami Morad El Hattab, “le Président des enfants”, a décidé de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel en créant un “Collectif Anti-fraude”, qui sera représenté par Me Carlo Brusa et Me Maud Marian.

Des résultats officiels du ministère de l’Intérieur présentés sur France 2

Les messages dénonçant des fraudes électorales en défaveur de Marine Le Pen se basent sur des images des résultats affichés lors de l’émission spéciale dédiée au second tour de la présidentielle française diffusée ce dimanche 24 avril au soir sur France 2.

Après 20 heures et l’annonce des résultats donnant une avance confortable au président sortant Emmanuel Macron sur base d’enquêtes réalisées à la sortie des urnes, les résultats officiels ont continué à évoluer.

En effet, lors de la soirée électorale, alors que les journalistes de France 2 Johanna Ghiglia et Jean-Baptiste Marteau commentaient la carte interactive des votes recensés officiellement en France lors de ce second tour de l’élection présidentielle, France Télévisions a affiché aux alentours de 21h18 des résultats erronés.

On est connectés en direct avec le ministère de l’Intérieur, explique M. Marteau sur le plateau. “Dès qu’un bureau de vote est validé, il apparaît là, et vous voyez le nombre de voix par candidats.“, explique le journaliste aux alentours de 02 : 50 : 00 dans une séquence visible sur le site france.tv.

Sur l’écran affiché derrière eux, on observe bien qu’Emmanuel Macron comptabilise, à cet instant, 14.224.825 voix, et que Marine Le Pen le devance, avec 14.432.396 votes, soit plus de 200.000 voix d’avance pour la candidate du Rassemblement National.

Le décompte officiel et définitif du ministère français de l’Intérieur n’attribue cependant à l’issue du scrutin que 13.297.760 voix, c’est-à-dire plus de 1,13 million de votes en moins qu’un pointage intermédiaire. Logiquement, cela apparaît totalement incohérent puisqu’un décompte intermédiaire ne peut pas afficher un résultat plus important qu’un décompte final.

Un “bug” à l’origine des résultats erronés

Comment dès lors expliquer cette incohérence, relevée par des partisans de Mme Le Pen ? D’où provient cette erreur ?

Interrogée à ce sujet par nos confrères du Monde, France Télévisions admet qu’il y a eu une erreur informatique dans le traitement des chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur. Concernant les 14 millions de voix attribuées à la candidate d’extrême droite en direct sur France 2 : “Il s’agit d’un bug purement technique, on a affiché de mauvais chiffres“, assume la chaîne publique française.

D’ailleurs, une vérification de l’évolution des chiffres officiels du ministère français de l’Intérieur permet de constater qu’il n’a jamais attribué 14 millions de voix à Marine Le Pen.

Grâce au site Wayback Machine, qui permet de naviguer sur des pages Internet archivées à un instant T, il est possible de revenir sur l’évolution et les mises à jour de la page qui donnaient les résultats au fur et à mesure de l’avancée du dépouillement des bureaux de votes.

Il est, par exemple, possible d’observer qu’à 21h40 la page reprenant les résultats partiels affichait 9,6 millions de voix pour M. Macron et 8,6 millions de votes en faveur Mme Le Pen avec un dépouillement de 58% des bureaux de vote. Deux heures après, à 23h30, le candidat cumulait 16 millions de voix et son adversaire 12,4 millions de votes alors que le dépouillement en était à 88%.

France Télévisions se dit “désolé”

“Les décodeurs” du Monde sont revenus sur l’origine de cette erreur dans le traitement des chiffres. Ils expliquent que France Télévisions a voulu innover en permettant aux téléspectateurs de visualiser en temps réel la répartition des votes en France pour cette élection présidentielle. Ce dispositif s’appuyait sur un système de remontées de données issues du ministère de l’intérieur.

Pour ce faire, la chaîne a fait appel à un prestataire chargé d’établir ” la liaison directe avec le ministère sans aucune intervention humaine entre la réception des données et l’affichage”, précise France Télévisions. Mais, lors de la réception de votes de plusieurs communes, “l’ordinateur a additionné deux fois certaines communes, au lieu de les corriger et les actualiser correctement”, admet la chaîne. Toutefois, souligne-t-elle, “le problème a été réglé immédiatement par des ingénieurs, qui ont changé le protocole pour corriger le bug”.

Cette correction n’a pourtant pas été mise en place suffisamment rapidement pour que le décompte exact des voix soit affiché en direct quasi instantanément et ce n’est que vers 22h40 que la carte interactive a affiché à l’antenne les bonnes données du ministère de l’Intérieur, attribuant 13,9 millions de voix à Emmanuel Macron et 11,5 millions de voix à Marine Le Pen.

“Quand on innove, il y a forcément des ajustements qui ne sont pas pris en compte. Nous avons affiché un calcul qui n’aurait pas dû être affiché, et nous comprenons que les gens se soient posé des questions. Nous en sommes désolés“, a encore indiqué France Télévisions.

Un scrutin surveillé de près avec des recours possibles

Les accusations de fraude visant à favoriser la réélection d’Emmanuel Macron et portées par des partisans de Marine Le Pen se basent sur une erreur dans l’affichage des chiffres par France 2.

Elles font également écho à d’autres accusations de “trucages” autour de bulletins de vote exprimés en faveur de la candidate du RN. Comme le détaille un article de Factuel des bulletins portant le nom de Marine Le Pen et légèrement “déchirés ou présentant des irrégularités d’impression” auraient circulé, ce qui les auraient rendus invalides.

Cependant, comme le notent nos confrères de l’AFP, des bulletins portant le nom d’Emmanuel Macron présentaient également des défauts similaires. Par ailleurs, la préfecture du Nord, concernée par ces bulletins endommagés a indiqué que cela ne concernait de toute façon pas des vrais bulletins, ceux “disponibles dans les bureaux de vote” le jour de l’élection.

Par ailleurs, des procédures sont bien établies et des garde-fous existent pour encadrer les accusations de fraude électorale en France. Concernant l’élection présidentielle française, c’est le Conseil constitutionnel qui a la main et qui “veille à la régularité de l’élection du président de la République” et “examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin”.

Une défaite reconnue par Marine Le Pen elle-même

Pour assurer ce contrôle, le Conseil constitutionnel s’appuie sur un réseau de 1800 magistrats administratifs et judiciaires, chargés de vérifier les opérations de vote et de dépouillement sur le terrain. Ces magistrats ont accès à tous les bureaux de vote et peuvent intervenir à la demande d’électeurs, de membres du bureau ou de représentants des candidats. Après le vote, ces magistrats rédigent ensuite un procès-verbal qui est transmis au Conseil constitutionnel. Ces constatations peuvent aboutir localement à des annulations de suffrages en cas d’irrégularités. Le Conseil constitutionnel peut également statuer sur des recours formés contre les résultats du second tour.

Cependant, les fraudes avérées ne sont pas systématiquement sanctionnées : la jurisprudence veut qu’une élection ne soit annulée, ou les résultats modifiés, que si les fraudes constatées ont eu pour effet de déplacer un nombre suffisant de voix pour fausser les résultats, indique le média Ouest France.

Enfin, c’est également ce même Conseil constitutionnel qui proclamera les résultats définitifs ce mercredi 27 avril.

Sans surprise, le résultat de second tour devrait être validé et devrait confirmer la défaite de Marine Le Pen, la principale intéressée qui a elle-même reconnu sa défaite dès le dimanche 24 avril au soir et n’a pas évoqué de potentielle fraude.