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“Twitter Files” : quelles sont ces “révélations” sur le réseau social relayées par Elon Musk ?

"Twitter Files" : quelles sont ces "révélations" sur le réseau social relayées par Elon Musk ? - Featured image

Author(s): Grégoire Ryckmans

Les “Twitter Files”, annoncés par Elon Musk comme des “révélations” sur le réseau qu’il a racheté en octobre 2022, sont relayés par de nombreux comptes. Certaines personnalités actives sur Twitter estiment que les “médias mainstream” n’ont pas relayé le contenu de ces informations révélées sur la plateforme. Cependant, il y a d’une part déjà eu de nombreux articles de presse sur ce dossier. D’autre part, les informations confidentielles publiées à ce stade ne sont pas de “grandes révélations” mais davantage des confirmations d’éléments déjà connus autour de la politique de modération de Twitter.

Pour Elon Musk, la “suppression de la liberté d’expression” a été un élément clé dans le rachat du réseau social. Et selon lui : “Le grand public mérite de savoir ce qui s’est réellement passé“, affirmait-il, le 28 novembre, en prélude aux “Twitter Files”. Le milliardaire estime qu’il est nécessaire de faire la lumière sur la façon dont l’ancienne direction a géré sa politique de modération et, selon lui, supprimé la liberté d’expression sur le réseau social.

La mention “files”, qui signifie “fichiers” en anglais, fait référence à des révélations qui proviendraient de la divulgation de documents internes, potentiellement compromettants. Ce terme s’inscrit dans la même catégorie que celle des “papers” (documents) ou les “leaks” (fuites).

Depuis le premier “File”, Elon Musk a relayé des séries de fils d’informations (threads, en anglais) publiés par des journalistes américains sur Twitter, suite à l’obtention de documents internes. Nous avons analysé l’ensemble de ces publications.

Des informations seraient cachées par les “médias mainstream”

Depuis le début de la publication de ces “Twitter Files”, plusieurs personnalités influentes et actives sur les réseaux sociaux (12), ainsi que de nombreux internautes, estiment qu’il n’y a “pas d’article dans la presse” ou encore que les “médias mainstream” n’évoquent pas “cette info révoltante“.

Une simple recherche sur internet avec le mot-clé “Twitter Files” permet cependant de retrouver plusieurs articles, publiés par des médias français comme : Le MondeFrance InfoLe Figaro20 minutesLibération ou Le Soir mais également par des médias anglo-saxons comme : CNN, le Washington Post ou la BBC.

De quoi parlent les “Twitter Files”?

Mais que contiennent ces “Twitter Files” ? À la date du 21 décembre 2022, les “Twitter Files” sont au nombre de huit.

Ils se présentent sous forme de fils de discussions publiés par les journalistes américains choisis par Elon Musk pour traiter de milliers de documents internes du réseau social. Ces journalistes ont eu accès à des messages échangés par d’anciens employés et dirigeants de Twitter.

Il y est question essentiellement de la politique de modération des contenus et de la collaboration du réseau social avec des instances officielles telles que les partis politiques ou le FBI mais aussi de dossiers liés au fils de Joe Biden et à la suspension du compte de Donald Trump.

Le “Twitter File” 1 : l’article du New York Post sur Hunter Biden supprimé

Le premier “Twitter File” a été publié le 2 décembre par Matt Taibbi. Ce journaliste américain a eu accès à des courriels internes de Twitter concernant la décision de l’entreprise de supprimer les liens ou messages privés qui redirigeaient vers un article du New York Post de 2020 sur Hunter Biden publié d’après des informations issues de son ordinateur portable.

L’article, basé sur des mails récupérés dans le laptop du fils de Joe Biden, le mettait en cause en suggérant qu’il avait tiré profit des relations de son père pour faire affaire avec un groupe gazier ukrainien. L’article révélait également l’existence sur cet ordinateur d’autres contenus à caractères privés comme une vidéo où Hunter Biden admettait lutter contre des problèmes d’addictions notamment à la drogue, mais aussi des images à caractère sexuel.

Twitter avait justifié la suppression des liens vers l’article du New York Post en faisant référence à sa politique interdisant la diffusion de contenus issus d’un piratage informatique, ce dont était soupçonné l’article en question, comme l’indiquent nos confrères de Libération.

En novembre 2020, l’ancien PDG de Twitter Jack Dorsey était revenu sur ces évènements dans une déclaration faite au Sénat américain. Il avait admis des défaillances dans la politique de modération de Twitter, qui ont conduit au blocage de l’article du New York Post et reconnu “une erreur.

Concernant le fond de l’affaire Hunter Biden, les “Twitter Files” n’apportent pas d’élément neuf. Par ailleurs, aucun conflit d’intérêts impliquant directement le président des Etats-Unis en fonction n’a été établi, rappelle le site américain de fact-checking Politifact.

Les informations publiées à ce sujet corroborent donc largement des éléments déjà connus autour de l’affaire du PC portable de Hunter Biden et de la modération de l’article du New York Post.

Le “Twitter File” 2 : le “shadow banning” de certains comptes

Le deuxième “Twitter File” a été partagé par la journaliste Bari Weiss sur Twitter le 9 décembre. Ce fil Twitter se concentre sur la façon dont l’entreprise a restreint la portée de certains comptes, tweets ou sujets qu’elle a jugés potentiellement nuisibles à travers la constitution de “listes noires”.

Il s’agit de la mise en lumière d’une technique appelée le “shadow banning” ou “bannissement furtif”. Celle-ci vise à limiter la portée de certaines publications en restreignant leur capacité à apparaître dans les sections de recherche ou de tendances de la plateforme. Le tout sans aucune transparence. M. Weiss a suggéré que la constitution de ces “listes noires” était prise “à l’insu des utilisateurs“.

Pourtant, dès 2018, Twitter a été transparent sur le fait qu’il peut limiter certains contenus qui violent ses règles d’utilisation et, dans certains cas, appliquer des “suspensions de comptes” pour les utilisateurs qui les enfreignent. Le document précise aussi clairement que les “tweets d’acteurs de mauvaise foi qui ont l’intention de manipuler les discussions arriveront plus bas” dans les résultats des recherches. Enfin, en cas de blocage de leur compte, les utilisateurs reçoivent une notification indiquant que celui-ci a été temporairement suspendu.

Le blocage des comptes est donc clair, la limitation de la portée de certains contenus, elle, est détaillée dans les règles d’utilisation de Twitter.

Les “Twitter Files” 3, 4 et 5 : la suspension du compte de Donald Trump

Les troisième, quatrième et cinquième volets des “Twitter Files” ont été publiés par Matt Taibbi le 9 décembre, le 10 décembre par Michael Shellenberger et le 12 décembre, par Bari Weiss.

Ces publications mettent en lumière la façon dont le compte Twitter de l’ancien président états-unien Donald Trump a été suspendu le 8 janvier 2020, deux jours après l’assaut du Capitole par des partisans du président sortant.

Le troisième volet fait état de la politique de modération entourant l’élection présidentielle de 2020 aux États-Unis et des discussions en interne sur l’impact de la suppression du compte d’un président, en exercice ou non. La suppression de certains contenus, basée sur des suppositions et de simples recherches Google, est également remise en cause. Le journaliste mentionne également des discussions régulières entre des responsables de la plateforme et le FBI qui remontait des tweets jugés “faux” autour des accusations de fraudes portées par des partisans de Trump.

Le quatrième volet est consacré à la façon dont les employés de Twitter ont réagi à l’attaque du Capitole des États-Unis le 6 janvier et le conflit au sein de l’entreprise sur la façon de prendre des mesures contre les tweets et les utilisateurs de Twitter partisans de l’attaque.

M. Shellenberger a partagé des captures d’écran de messages envoyés par Yoel Roth, l’ancien responsable de la sécurité de Twitter demandant à un collègue de travail de mettre sur liste noire les termes “stopthesteal” et “kraken”. Ces deux termes sont associés à des partisans de l’attaque du 6 janvier qui estimaient que l’élection présidentielle avait été “volée” par les démocrates.

Il a également déclaré que la pression exercée par les employés de l’entreprise pour que l’ancien PDG Jack Dorsey approuve une politique tenant compte de la “récidive” afin de décider d’une suspension permanente d’un compte, en l’occurrence celui de Donald Trump.

Le cinquième volet a été publié le 12 décembre, par la journaliste Bari Weiss. Il fait état de conflits entre les employés de Twitter sur la façon dont le réseau a pris la décision de bannir Donald Trump de la plateforme. Une décision basée, notamment sur deux tweets spécifiques du président républicain sortant : l’un portait sur des bulletins de vote, l’autre sur sa non-participation à l’investiture de Joe Biden.

Des publications jugées non violentes dans un premier temps par plusieurs employés, mais vu d’une autre manière par Vijaya Gadde, l’ancienne cheffe du service juridique, politique et confiance de Twitter. Ce revirement a mené à la suspension définitive du compte de Donald Trump.

Les “Twitter File” 6 et 7 : les échanges avec le FBI

Le sixième volet de ces “Twitter Files” a été publié par Matt Taibbi le 16 décembre. Dans ce “thread”, il décrit comment le FBI a signalé un certain nombre de comptes à l’équipe de confiance et de sécurité de Twitter. Selon l’agence, ces comptes auraient prétendument diffusé des fausses informations sur l’élection présidentielle en cours.

Selon M. Taibbi, beaucoup des comptes signalés par le FBI ne comptaient que peu de followers et diffusaient des tweets satiriques. Le journaliste rapporte également qu’un cadre de Twitter a qualifié la relation entre l’entreprise et le FBI de “synchronisation gouvernement-industrie” en raison de la fréquence des e-mails et des réunions avec l’agence.

Le septième volet publié le 19 décembre 2022 par Michael Shellenberger fait état d’une communication de l’équipe “Safety, Content, & Law Enforcement” (SCALE) de Twitter. Selon ces informations, le FBI aurait fait pression sur Twitter à différentes reprises, notamment pour qu’ils considèrent l’affaire d’Hunter Biden comme une opération de cyber-espionnage russe alors qu’aucun élément ne semblait corroborer cette thèse.

Selon ces informations, Twitter aurait reçu près de 3,5 millions de dollars du Federal Bureau of Investigation (FBI) entre octobre 2019 et février 2021. Ce financement avait pour but de prendre en charge le coût de traitement des demandes du FBI.

Le “Twitter File” 8 : l’influence de l’armée américaine sur les contenus

Le huitième article de Lee Fang, publié le 20 décembre 2022, suggère que l’équipe chargée de l’intégrité de Twitter a “collaboré directement” à des opérations d’influence menée par l’armée américaine.

Selon les informations recueillies par M. Fang, Twitter aurait collaboré à des opérations d’influence au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde alors que la plateforme s’était engagée à combattre les velléités d’ingérence des États sur son réseau social.

Une liste de six comptes du Commandement central des États-Unis (CENTCOM) en langue arabe pour promouvoir ses priorités a été identifiée par le commandement américain et “poussée” par Twitter afin de défendre ses “priorités au Moyen-Orient“, des “messages anti Iran” ou le soutien américain à “l’intervention saoudienne au Yemen“. D’autres comptes, poussés par la Défense américaine auraient fait l’objet du même traitement afin de promouvoir une vision “occidentale”.

Ces informations font écho à un article publié en septembre 2022 par le Washington Post. L’article révélait que le Pentagone avait demandé un audit sur la façon dont l’armée américaine utilisait les réseaux sociaux pour mener une “guerre de l’information clandestine”, en contradiction avec les règles de ces plateformes comme Facebook ou Twitter.

Une politique de modération qui pose question

Les “Twitter Files” apportent un certain nombre d’informations importantes sur le fonctionnement de Twitter avant la prise de pouvoir d’Elon Musk. Des éléments clés concernant la politique de modération ou les interactions avec des agences ou organismes étatiques comme le FBI ou la Défense avec Twitter sont documentés par plusieurs journalistes qui ont utilisé des fichiers internes. Il s’agit pour la plupart d’éléments assez techniques reflétant des débats internes autour d’éléments de la politique des États-Unis.

Le nombre de “Twitter Files” qui seront dévoilés au total n’est actuellement pas connu. Cependant, les “révélations” faites à ce stade corroborent essentiellement des éléments déjà connus par les experts et observateurs avertis de la plateforme. Il apparaît que la diffusion de ces documents internes est utilisée par Elon Musk afin de discréditer l’ancienne politique de modération de Twitter et donner du poids à son argument indiquant que le réseau social avait “supprimé” la liberté d’expression.

Par ailleurs, aucun élément n’indique que la justice états-unienne ne se soit saisie de l’un des éléments contenus dans ces “Twitter Files” afin d’entamer des poursuites légales parmi l’ancien staff aux commandes du réseau social à l’époque.

Le débat autour de la façon de modérer les contenus et de la collaboration avec des agences étatiques est au centre de nombreuses réflexions et interrogations alors que depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, de nombreux débats s’ouvrent sur l’avenir de la plateforme.

Enfin, les arguments de certains internautes qui avancent que les “médias mainstream” ne souhaitent pas évoquer les “Twitter Files” dans leurs publications sont démentis par le nombre d’articles publiés à ce sujet dans la presse francophone et internationale depuis le début de ce mois de décembre 2022.