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Une vidéo anti-JO de Paris diffusée sur Twitter cache probablement une tentative de déstabilisation venue d’Azerbaïdjan

Une vidéo anti-JO de Paris diffusée sur Twitter cache probablement une tentative de déstabilisation venue d’Azerbaïdjan - Featured image

Author(s): Guillaume Woelfle

Une vidéo publiée par le compte Twitter de “New York Insider” pointe du doigt les violences lors des manifestations en France dans une vidéo de 39 secondes qui mélange des images promotionnelles des Jeux Olympiques de Paris 2024 et des images violentes récentes. Plusieurs politiciens français ont utilisé cette vidéo postée par un média américain comme argument pour attaquer la politique de maintien de l’ordre du gouvernement français. Pourtant, le “New York Insider” n’a rien d’un média américain reconnu. Selon plusieurs articles de fact checking, la démarche pourrait cacher une tentative de déstabilisation de l’opinion publique française depuis l’Azerbaïdjan.

La vidéo ne fait que 39 secondes, mais elle cumule ce mardi 15 août plus de 7 millions de vues sur le réseau social X (nouveau nom de Twitter). Elle montre plusieurs images de compétitions sportives olympiques mélangées à des scènes de violence survenues lors des manifestations en France contre la réforme des retraites ou la vidéo de la mort de Nahel. Le montage est ironique. Il montre des sprinters en pleine course puis des policiers foncer sur un groupe de manifestants, ou l’image d’athlètes plongeant dans l’eau, directement suivie par un canon à eau.

Le message de la vidéo est explicité à la fin de la vidéo. Il suggère le boycott des Jeux Olympiques de Paris 2024, via un hashtag en bas à gauche de l’image, en remettant en cause le respect des droits humains en France.

La vidéo a été publiée le 27 juillet par le compte du New York Insider, un compte sur lequel la coche bleue indiquant qu’il s’agit d’un compte certifié est activée. Plusieurs politiciens français de l’opposition ont partagé cette vidéo en y voyant la critique du pouvoir français par un média étranger reconnu.

Ainsi, Julien Bayou, député écologiste et ancien secrétaire national du parti Europe Écologie Les Verts, mais aussi Gilbert Collard, député européen du Rassemblement national, ont relayé cette vidéo sur leur compte. Suite à des commentaires d’internautes, le premier a supprimé son tweet qui indiquait “Voilà désormais l’image de la France dans le monde. On peut s’en indigner. Ou prendre en compte l’alerte.” Le tweet du second est toujours en ligne.

Source : archive de la publication Twitter

 

La vidéo a trouvé une audience importante grâce au compte Twitter Mediavenir, un compte qui se définit comme voulant proposer de “l’actu en temps réel”, mais dont le contenu non vérifié semble surtout avoir pour but de générer du trafic. Ce compte a ainsi généré 4 millions de vues supplémentaires, surtout en France. À ce jour, la vidéo est toujours en ligne sur ce compte, malgré les vérifications déjà effectuées par plusieurs médias.

Le New York Lnsider ?

L’analyse du compte qui a posté la vidéo met en évidence quelques incohérences. Par exemple, le nom du compte est “@NewYorklnsider”, sauf que la première lettre de “lnsider” n’est pas un “i” majuscule, mais un “L” minuscule. Autrement dit, le compte s’appelle @NewYorkLnsider, ce qui n’est pas commun pour un média reconnu.

Comme indiqué ci-dessus, le compte comporte une coche bleue, autrefois symbole de l’authenticité ou de la fiabilité d’un compte. Mais depuis qu’Elon Musk a repris les commandes de Twitter, il suffit de payer pour activer cette certification. Autrement dit, un compte sérieux qui ne souhaite pas payer ne sera pas certifié alors qu’un compte loufoque qui souhaite avoir l’air sérieux peut payer une dizaine d’euros par mois pour être certifié.

La suite de l’analyse du compte montre que si ce compte existe depuis mai 2011, la publication la plus ancienne retrouvée sur celui-ci date du 19 juillet dernier. Il est donc probable que ce compte ait existé précédemment sous un autre nom, puis, ait été nettoyé de ses anciens contenus et modifié (nom, photo, description) à la mi-juillet.

Depuis lors, il ne publie, de façon automatique d’ailleurs, que des articles venant du site newyorkinsider.net. Ce site ressemble à un média d’actualité assez classique publiant des informations politiques, sportives ou culturelles. Cependant, comme l’a remarqué Le Parisien, les articles publiés ne sont que des copiés-collés d’articles écrits par d’autres médias américains comme le New York Times, le Huffington Post, ou encore CBS News.

L’objectif du site et du compte Twitter est le même : reprendre beaucoup de contenus d’information de qualité pour avoir l’air d’un site d’information américain reconnu et fiable pour ensuite publier la vidéo en question. Il s’agit d’ailleurs de la seule vidéo publiée par le compte à ce moment-là.

Un seul auteur identifiable : Michaël

Un autre élément troublant apparaît sur ce site : tous les articles sont signés d’un même prénom, Michaël, sans nom de famille, ce qui est rare sur un site d’information fiable. Autre élément étonnant, le site a publié un article sur le buzz provoqué par sa propre vidéo.

Il indique : “Face à l’attention croissante du monde entier, de nombreux citoyens français ont exprimé leurs accusations, principalement à l’encontre du président Macron, le tenant pour responsable d’une stratégie politique perçue comme erronée. La vidéo sert d’exutoire à leur frustration, en affirmant que les politiques du gouvernement n’ont pas réussi à répondre aux préoccupations urgentes de manière adéquate. En outre, la viralité de la vidéo a alimenté les craintes quant à l’impact négatif sur l’image internationale de la France. Les citoyens inquiets craignent que la réputation du pays n’en pâtisse, ce qui affecterait le tourisme, le commerce et les relations diplomatiques.”

L’objectif qui était de créer du remous parmi la population française grâce à cette vidéo est exprimé à nouveau, l’auteur ne cache pas ses intentions de déstabilisation du pouvoir français. Quinze jours après la publication de la vidéo, la polémique est pourtant retombée.

Un site créé un mois avant la publication de la vidéo et des liens vers l’Azerbaïdjan

Une recherche sur le site who.is qui permet de savoir quand le nom de domaine d’un site internet a été acheté nous indique que le site a été créé le 27 juin 2023, soit un mois avant la publication de la vidéo.

Source : Capture d’écran “Who.is”

D’après The Cube, la rubrique de fact-checking d’Euronews, le site du “New York Insider” est lié au “blog d’un entrepreneur azerbaïdjanais, propriétaire d’une agence de communication qui crée du contenu numérique pour les marques”. Son nom est Orkhan Rzayev et son blog indique qu’il travaille entre autres dans le marketing digital et les relations publiques.

Orkhan Rzayev a été contacté par Euronews sur ces liens avec le site New York Insider. “Nous ne sommes associés à aucune campagne de relations publiques liée à la vidéo virale. Ni moi ni mon équipe ne sommes impliqués dans sa création, a répondu le blogueur azerbaïdjanais. L’association du domaine du site web New York Insider avec le nom de notre entreprise est uniquement le résultat du travail de développement du site web que nous avons effectué pour eux”, a-t-il ajouté.

Des comptes officiels azerbaïdjanais impliqués et le Haut-Karabakh en toile de fond

Toujours d’après Euronews, la vidéo a été postée sur des comptes Twitter en Azerbaïdjan peu avant d’être postée par New York Insider. Le média européen indique qu'”elle commençait déjà à faire parler d’elle en Azerbaïdjan. Même des représentants du gouvernement l’avaient déjà partagé, comme le chef de presse du Conseil sur le soutien de l’État aux ONG sous la présidence de l’Azerbaïdjan.”

Le journaliste français Raphaël Grably en charge de la tech sur BFM TV indique par ailleurs que les premiers comptes qui ont réagi à la vidéo sur New York Insider sont effectivement basés en d’Azerbaïdjan et sont ceux de soutiens du pouvoir en place.

Les relations entre la France et l’Azerbaïdjan se sont tendues ces dernières années, suite au conflit dans le Haut-Karabagh, un territoire que se disputent l’Arménie et l’Azerbaïdjan. La France, comme l’indique cet article de 20 minutes, s’est rangée du côté arménien dans ce conflit. Ceci pourrait expliquer la tentative de déstabilisation voulue par cette vidéo.