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Débat Magnette-Bouchez : vrai ou faux ? Nous avons vérifié 14 affirmations des deux présidents de parti dans Jeudi en Prime

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Près de 400.000 personnes ont regardé le débat entre Paul Magnette (PS) et Georges-Louis Bouchez (MR) dans Jeudi en Prime sur la Une, le jeudi 9 novembre dernier. C’est un téléspectateur sur trois ce soir-là. Et beaucoup de ces téléspectateurs ont contacté la RTBF le lendemain pour savoir si les affirmations de l’un et de l’autre étaient vraies ou fausses.

Nous avons sélectionné une quinzaine d’affirmations factuelles tenues par les deux présidents, sans avoir la prétention d’avoir tout vérifié. Nous avons choisi des éléments vérifiables par des chiffres, des lois, des dates, des budgets, des études universitaires ou des faits reconnus par tous, en évitant les notions subjectives ou les jugements de valeur. Lorsque les sources qui nous permettent de vérifier une affirmation ne sont pas disponibles par un lien en libre accès, elles nous ont été fournies par des administrations de l’Etat.

 

  1. Paul Magnette : “Nous avons condamné dès le premier jour les attaques du Hamas” VRAI
  2. Georges-Louis Bouchez : “De nombreux mandataires de gauche ont du mal à dire que le Hamas est une organisation terroriste” PLUTÔT VRAI
  3. Paul Magnette : “Pendant une quinzaine de jours, entre le 7 octobre et un congrès que vous avez tenu, on ne vous a pas entendu une seule fois sur les victimes palestiniennes. Et on ne vous a pas entendu clairement condamner les violations du droit international par Israël.” FAUX, PLUTÔT VRAI
  4. Paul Magnette : “Sous le gouvernement précédent MR-N-VA, vous avez réduit le budget de la justice de 100 millions. Vous avez réduit le budget de la police de plus de 200 millions. On a perdu 1800 policiers en Belgique sous le gouvernement MR-NVA” PLUTÔT VRAI, FAUX, FAUX
  5. Paul Magnette : “Depuis qu’on est revenu au pouvoir, on a engagé plus de 5000 policiers, on a réinvesti dans la justice, on a réinvesti dans la Défense” FAUX, VRAI, VRAI
  6. Georges-Louis Bouchez : “On n’a jamais renvoyé autant (d’étrangers en séjour irrégulier) que sous Theo Francken” FAUX
  7. Georges-Louis Bouchez : “Il y a dans notre pays 120.000 personnes en situation irrégulière” PLUTÔT VRAI
  8. Paul Magnette : “Il n’y a quasiment aucun pays qui bénéficie d’aide au développement et qui refuse des conventions de réadmissions avec notre pays” FAUX
  9. Paul Magnette : “Avec le gouvernement MR-N-VA, là aussi vous aviez fait un milliard d’économie dans la santé.” PLUTÔT VRAI
  10. Georges-Louis Bouchez : “55% de notre PIB est dépensé dans le public. On dépense 300 milliards d’euros par an en politique publique” TROMPEUR
  11. Paul Magnette : “Le problème de ce pays c’est qu’on a une fraude fiscale monumentale. On fait des cadeaux fiscaux monumentaux aux entreprises : des milliards et des milliards de réduction de cotisations sociales qui ne produisent absolument aucun emploi” TROMPEUR
  12. Georges-Louis Bouchez : “La Belgique fait partie des pays en Europe qui ont le plus faible taux d’emploi. C’est la Wallonie et Bruxelles gérées par le Parti socialiste depuis tant d’années qui tirent la moyenne vers le bas” VRAI
  13. Georges-Louis Bouchez : “Depuis la création de la Wallonie, depuis près de 50 ans, nous avons dirigé la Wallonie pendant 4 ans.” FAUX
  14. Georges-Louis Bouchez : “Le Parti socialiste a approuvé ce texte (la loi anti-casseurs) en commission alors qu’il avait déjà l’avis du Conseil d’Etat” FAUX

 

Paul Magnette : “Nous avons condamné dès le premier jour les attaques du Hamas”

VRAI

Le compte X (ex-Twitter) du PS a bien condamné les attaques du Hamas le 7 octobre 2023 mais ne parle pas d’une organisation terroriste à ce stade.

Idem pour le compte du MR qui ne qualifie pas non plus le Hamas d’organisation terroriste dans son premier tweet même s’il retweete une publication d’un conseiller communal MR utilisant ce mot.

 

 

Le mot “ terroriste ” pour qualifier les attaques du Hamas sera utilisé par Paul Magnette le 10 octobre dans une émission sur TV5 Monde.

Georges-Louis Bouchez : “De nombreux mandataires de gauche ont du mal à dire que le Hamas est une organisation terroriste”

PLUTÔT VRAI

Le PS et le président de son parti ont donc bien utilisé le mot “ terroriste ” pour qualifier les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 mais il est vrai que certains élus socialistes ne sont pas si francs. Lors du débat du 13 octobre, par exemple, la journaliste de la RTBF Nathalie Maleux a poser la question à deux reprises au député fédéral socialiste Malik Ben Achour pour avoir une réponse claire.

CLIQUEZ POUR DÉROULER : “terroriste” : qu’est-ce que ça veut dire en fait ? 

 

Plusieurs acteurs comme par exemple, l’ONG Amnesty International, l’Agence France Presse (AFP), la chaîne publique britannique BBC etc., ne qualifient pas le Hamas de groupe terroriste. Non pas car ils remettent en question la “terreur” propagée par le groupe mais parce que le mot “terrorisme” n’est pas défini en droit international. Il a été question de définir ce terme à l’échelle mondiale après les attentats du 11 septembre 2001 mais les pays du Nord et du Sud n’ont pas réussi à se mettre d’accord. Les seconds refusaient en effet de qualifier de “terroriste” un peuple qui lutte pour son autodétermination. Tandis que pour les États-Unis et l’Europe, un pays ne pouvait pas être qualifié comme tel.
Le Hamas est cependant qualifié d’organisation terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis, entres-autres.

Paul Magnette : “Pendant une quinzaine de jours,, on ne vous a pas entendu une seule fois sur les victimes palestiniennes. Et on ne vous a pas entendu clairement condamner les violations du droit international par Israël.”

FAUX

Le compte officiel du MR parle de l’aide humanitaire à maintenir en Palestine pour les populations civiles dès le 10 octobre en reprenant les propos de son président de parti sur LN24.

 

 

Georges-Louis Bouchez en parle également quelques jours plus tard sur les ondes d’RTL info.

De manière plus ciblée, la population palestinienne est mise en avant par le MR le 19 octobre 2023.

 

Concernant la condamnation des violations du droit international par Israël, nous n’avons pas trouvé de tweet sur le compte du MR entre le 7 octobre et le 23 octobre 2023, date du congrès, à ce propos. Ce jour-là, le président du parti confirme son soutien aux populations civiles, il y parle également de l’obligation de chacun de respecter le droit international. Du côté du PS, la demande du respect du droit international est exprimée le 26 octobre mais aucune condamnation de violation du droit international n’est publiée sur le réseau social depuis le 7 octobre.

 

 

CLIQUEZ POUR DÉROULER : Méthodologie

 

Pour vérifier les positions du MR et du PS, nous nous sommes basés sur les comptes X (ex-Twitter) officiels des partis et celui de leur président car ils agglomèrent les sorties médiatiques et positionnements. Nous n’avons pas pris en compte les comptes X des autres mandataires ou représentants d’un gouvernement étiqueté de ce parti.

Paul Magnette : “Sous le gouvernement précédent MR-N-VA, vous avez réduit le budget de la justice de 100 millions. Vous avez réduit le budget de la police de plus de 200 millions. On a perdu 1800 policiers en Belgique sous le gouvernement MR-NVA”

Le gouvernement Michel, que le PS appelle “MR-N-VA”, est entré en fonction en octobre 2014 et est tombé en affaires courantes en décembre 2018. 

Sur le budget de la justice : PLUTÔT VRAI

Le budget de la justice a bel et bien baissé, de 99 millions entre 2014 et 2016. Il a ensuite été augmenté de 117 millions entre 2016 et 2018. En 2018, quand le gouvernement Michel est tombé en affaires courantes, la justice avait sensiblement le même budget qu’en 2014. Les dépenses entre 2015 et 2017 en matière de justice ont donc été réduites par rapport au rythme qui prévalait avant le gouvernement Michel.

Paul Magnette a donc raison de dire que le budget de la justice a été réduit de 100 millions mais seulement pendant une partie de la législature.

Sur le budget de la police : FAUX

Comme le budget de la justice, le budget de la police fédérale a également baissé au début des années Michel avant de remonter de manière importante en 2017 et 2018, certainement suite aux attentats de Paris de novembre 2015 et de Bruxelles de mars 2016. Au plus bas, en 2015, le budget de la police fédérale était de 1,75 milliard, soit 80 millions sous son niveau de 2014, mais pas de 200 millions.

 

Au niveau des zones de police, sans savoir si Paul Magnette ne parlait que de la police fédérale ou aussi du financement des zones de police locale par le pouvoir fédéral, le montant octroyé par l’Etat n’a pas baissé sous le gouvernement Michel. Il était de 836 millions en 2014 et de 926 millions en 2019.

Paul Magnette a donc tort quand il affirme que le gouvernement Michel a réduit le budget de la police de 200 millions.

Effectifs policiers : TROMPEUR

Enfin, concernant les effectifs de police, nous avons compilé les chiffres de 4 types d’effectifs policiers : la police locale et la police fédérale, et au sein de cette division, une autre distinction entre personnel policier et cadre administratif et logistique (civil).

Entre 2013 (nous n’avons pas les effectifs de la police fédérale en 2014) et 2018 :

  • Les effectifs policiers de la police locale ont toujours augmenté, sauf entre 2014 et 2015 (-3 effectifs).
  • Les effectifs de cadres administratifs et logistiques de la police locale ont toujours augmenté, sauf entre 2014 et 2015 (0 effectif en plus)
  • Les effectifs policiers de la police fédérale ont augmenté entre 2013 (9103 policiers) et 2015, première année du gouvernement Michel (10.166 policiers), puis fortement baissé en 2017 (8963 policiers) pour remonter à 9.169 en 2018.
  • Les effectifs de cadres administratifs et logistiques de la police fédérale ont aussi augmenté entre 2013 et 2015, puis baissé jusqu’en 2019, lorsque le gouvernement de Charles Michel n’était plus en charge.

Entre 2015 et 2017, la police fédérale a perdu 1547 effectifs, et non 1800 comme l’affirme Paul Magnette. Sur l’ensemble de la mandature de Charles Michel, entre 2013 et 2018, les effectifs de la police fédérale ont augmenté de 66 effectifs et ceux de la police locale ont augmenté de 675 effectifs, soit 741 effectifs supplémentaires au total.

Paul Magnette : “Depuis qu’on est revenu au pouvoir, on a engagé plus de 5000 policiers, on a réinvesti dans la justice, on a réinvesti dans la Défense”

Le PS est revenu au pouvoir au fédéral dans le gouvernement De Croo à partir du 1er octobre 2020. Certains éléments de cette phrase sont vrais et d’autres sont faux.

Sur les 5000 policiers : FAUX

A la fin de l’année 2020, il y avait 49.651 effectifs de police en Belgique, dont 40.009 policiers et 9642 effectifs administratifs et logistiques. Au dernier comptage, à la fin de l’année 2022, on comptait 50.793 effectifs de police en Belgique, dont 40.667 policiers et 10.126 effectifs administratifs et logistiques. En comptant police locale et fédérale, policiers et administratifs, on compte 1142 membres du personnel en plus et non 5000 effectifs en plus. On est très loin des 5000 policiers en plus.

 

Sur la justice : VRAI

Sur le budget de la justice la suite, le gouvernement De Croo est entré en fonction fin 2020 et depuis, le budget de la justice a fortement augmenté chaque année. Il est aujourd’hui de 2,63 milliards, soit 639 millions de plus qu’en 2020. C’est une augmentation de 32% en trois ans.

Sur la Défense : VRAI

Le budget de la Défense a baissé de 85 millions d’euros en 2015, lors de la première année du gouvernement Michel. Ce budget a ensuite augmenté pour retrouver en 2018, le niveau qu’il avait en 2014. Depuis 2019, le budget de la Défense n’a fait qu’augmenter et ce, de manière considérable : de 2,7 milliards en 2018 à 5,2 milliards en 2023. Ce budget a donc quasiment été doublé en cinq ans.

Paul Magnette a donc raison.

 

Georges-Louis Bouchez : “On n’a jamais renvoyé autant (d’étrangers en séjour irrégulier) que sous Theo Francken”

FAUX

Il est vrai de dire que la Belgique n’a plus jamais renvoyé autant de personnes en séjour irrégulier que pendant le mandat de Théo Francken (N-VA) avec 6920 personnes en 2016. Mais les données disponibles sur Eurostat montrent que sa prédécesseuse, Maggie de Block (Open Vld) est la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration qui a organisé le plus de retours pour les personnes ayant reçu un ordre de quitter le territoire, soit 7605.

Georges-Louis Bouchez : “Il y a dans notre pays 120.000 personnes en situation irrégulière”

PLUTÔT VRAI

Les personnes n’ayant pas de papiers les autorisant à rester sur le sol belge étant par définition hors des radars, il est très difficile de déterminer un chiffre exact. Cependant, en avril 2023, les chercheurs de la VUB ont sorti une étude pour tenter de déterminer la population réelle du pays, y compris les sans-papiers. Les chercheurs en ont conclu que 112.000 personnes sans papiers provenant de l’extérieur de l’espace Schengen vivent en Belgique. C’est donc moins que “Le nombre de sans-papiers équivaut à la population de Bruges, et près de la moitié d’entre eux vivent à Bruxelles ”, commentaient les chercheurs à la sortie de l’étude.

Paul Magnette : “Il n’y a quasiment aucun pays qui bénéficie d’aide au développement et qui refuse des conventions de réadmissions avec notre pays”

Sur les 14 pays ou territoires qui bénéficient de l’aide au développement belge, seuls cinq ont signé des accords avec la Belgique ou avec l’Union européenne pour “ réadmettre ” leurs ressortissants sur leur territoire. Une minorité donc.

 

Ce sont des pays qui laissent entrer sur leur territoire des personnes originaires de là et qui ont essayé d’obtenir un droit de séjour chez nous mais qui n’ont pas été acceptée, elles ont donc reçu un ordre de quitter le territoire.

Paul Magnette : “Avec le gouvernement MR-N-VA, vous aviez fait un milliard d’économie dans la santé.”

PLUTÔT VRAI

Qu’on prenne les chiffres dans tous les sens (avec ou sans la gestion du personnel de l’Inami, par exemple), il y a bien eu au moins un milliard d’économie dans le secteur de la Santé pendant le gouvernement Michel.

En reprenant les chiffres de l’Institut des comptes nationaux, en 2015, le budget alloué aux soins de santé a baissé de 2,5 milliards par rapport à 2014. Mais le budget a ensuite été augmenté de 2,34 milliards entre 2015 et 2018. Résultat : à la fin de la législature, le budget des soins de santé était juste en dessous de celui de 2014.

 

Georges-Louis Bouchez : “55% de notre PIB est dépensé dans le public. On dépense 300 milliards d’euros par an en politique publique”

TROMPEUR

Les dépenses publiques totales en Belgique en 2022 étaient de 295 milliards d’euros en 2022, d’après les comptes nationaux publiés sur le site de la Banque nationale. Le PIB est de la Belgique en 2002 est de 550 milliards d’euros, indique le SPF Economie. Les dépenses publiques sont donc équivalentes à 53,2% de notre PIB, contre 54,8% l’année précédente. Les chiffres et les ordres de grandeurs cités par Georges-Louis Bouchez sont donc corrects.

En revanche, il n’est pas correct de dire que 55% du PIB est dépensé par l’Etat, mais c’est “l’équivalent” de 55% du PIB qui l’est. Cette nuance est importante pour ne pas donner une vision erronée des richesses et dépenses de l’Etat, comme l’explique entre autres Francisco Vergara, philosophe et économiste dans une tribune publiée dans le journal Le Monde.

En effet, le PIB, soit la production de richesse d’un pays, correspond à la somme des richesses produites par le secteur public et le secteur privé pendant un an. Les richesses produites par le privé restent donc dans les mains du privé (avant ou après impôts). L’Etat n’est donc pas en possession de 100% du PIB (550 milliards d’euros) qu’il pourrait ensuite dépenser à sa guise. Les recettes de l’Etat ne sont donc pas le PIB, mais les impôts, qui atteignent le montant de 275 milliards en 2022, soit l’équivalent de 50% du PIB.

Pour le résumer autrement, c’est comme lorsqu’on explique qu’on a déforesté l’équivalent de 10 terrains de football par minute en 2021, c’est une équivalence, ce ne sont pas directement des terrains de football qui ont été déforestés, ce qui n’aurait d’ailleurs pas de sens.

La Belgique est le 5e pays à dépenser la plus grande équivalence de son PIB en dépenses publiques selon un classement de l’OCDE dominé par la France, la Grèce, l’Autriche et la Finlande, même si ces comparaisons sont aussi critiquées par des économistes.

Paul Magnette : “Le problème de ce pays c’est qu’on a une fraude fiscale monumentale. On fait des cadeaux fiscaux monumentaux aux entreprises : des milliards et des milliards de réductions de cotisations sociales qui ne produisent absolument aucun emploi”

TROMPEUR

Dans cette même phrase, Paul Magnette parle de trois choses différentes : la fraude fiscale qui est illégale, les “cadeaux” fiscaux qui sont prévus par la loi fiscale, les réductions de cotisations sociales qui sont aussi légales. Ce sont trois choses complètement différentes qui peuvent être vraies isolément mais faire le lien entre elles est problématique car on crée un amalgame“, analyse Edoardo Traversa, spécialiste en droit fiscal à l’UCLouvain.

Sur la fraude fiscale : VRAI

Le principe même de la fraude fiscale est qu’elle est hors des radars, il est donc, par définition difficile de connaître son montant exact. Néanmoins, il existe des études qui ont estimé ce que l’État ne percevait pas et qui aurait dû l’être. La dernière en date est signée par le Fonds monétaire international. Elle a analysé “ les lacunes dans l’administration des recettes ” et s’est focalisée sur le manque à gagner sur la taxe sur la valeur ajoutée. Résultat : si tout le monde payait la TVA comme il se doit, la Belgique percevrait 11 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Ces 11 milliards d’euros pourraient, par exemple, diviser le déficit belge par deux dans le budget 2023. Un autre rapport, de la Commission européenne cette fois, estime cette fraude à la TVA à 2,53 milliards d’euros. L’écart est donc important selon les études. Dans tous les cas, même si l’adjectif “monumentale” est un jugement de valeur et difficile à quantifier, les études montrent que des milliards d’euros échappent à l’Etat belge en fraude fiscale.

D’ailleurs, pour Edoardo Traversa, la fraude fiscale ne se limite pas à la TVA non déclarée. Ce sont les contribuables belges ou étrangers qui devraient payer des impôts en Belgique et qui ne le font pas. Souvent, cela consiste à ne pas déclarer des revenus ou des opérations à l’administration fiscale alors qu’ils le devraient. Dit autrement, c’est de la triche et cela concerne par exemple le travail au noir, la vente de biens et services sans TVA, cacher des revenues à l’étranger et ne pas les déclarer mais aussi, le produit de trafics de drogue… la plus grande fraude fiscale est souvent connexe à des infractions très graves (trafic de drogue, association de malfaiteurs…). La petite fraude fiscale, c’est souvent lié à des activités économiques classiques (des travaux de jardinage ou de plomberie non déclarés, par exemple). ” Une définition qui ferait donc encore augmenter les chiffres sortis dans les deux études précitées.

 

CLIQUEZ POUR DÉROULER : Evasion fiscale n’est pas fraude fiscale 

 

Contrairement à la fraude fiscale, l’évasion fiscale peut être légale. “C’est ce qu’on appelle l’évitement de l’impôt ou l’évasion fiscale non frauduleuse”, explique le spécialiste en droit fiscal. “Ce sont des manœuvres, des montages a priori légaux dont l’objectif est de payer moins ou pas du tout d’impôt en Belgique. Par exemple, c’est légal de transférer des fonds d’un Etat à un autre. Cela permet de payer moins d’impôts en Belgique.” Quand les montants transférés vers un paradis fiscal dépassent 100 000 euros, ils sont déclarés à l’administration fiscale belge. En 2021, selon l’administration, les paiements ont été déclarés pour un montant de 383 milliards d’euros.

Sur les cadeaux fiscaux aux entreprises : PLUTÔT VRAI

A nouveau, “Monumental est un jugement de valeur difficile à quantifier mais nous pouvons vérifier le montant des exonérations fiscales faites aux entreprises. Au total, en 2020, 13,5 milliards d’impôts des sociétés n’ont pas été versés à l’Etat grâce à des exonérations ou abattements d’impôts sur l’impôt des sociétés. Cela représente 5,8% des recettes de l’Etat belge. Ce sont par exemple, les entreprises qui perçoivent des revenus grâce à des investissements réalisés en recherche et développement ou grâce à des brevets (par exemple, dans l’industrie pharmaceutique) qui paient moins d’impôts.

À titre de comparaison, les exonérations fiscales sur l’impôt des personnes physiques représentaient 34 milliards en 2020. Ce sont par exemple les exonérations d’impôts sur les 13.000 premiers euros de revenus (quotité exemptée d’impôts) qu’aucun parti ne propose d’éliminer et qui représente 15 milliards d’euros de “ manque à gagner ” pour l’État. Ou encore, l’octroi de la quotité pour enfant à charge, autrement dit, la réduction d’impôt quand on a des enfants.

 

Faut-il les qualifier de ‘cadeaux’ fiscaux ? C’est une prise de position mais en tout cas, ce sont des mécanismes prévus par la législation“, analyse Edoardo Traversa. “Certains diront que si on n’a pas de ce type d’incitants, les entreprises multinationales vont délocaliser et d’autres diront que non et que ces avantages sont excessifs. La question est de savoir ce que ces entreprises apportent à l’économie.” Et visiblement pour Paul Magnette, c’est le nombre d’emplois qui importe.

Sur la réduction de cotisations sociales : VRAI

La réduction des cotisations sociales est budgétée à 4,8 milliards d’euros en 2024, donc il est vrai de dire que cela coûte “des milliards” à l’État belge.

“Au fur et à mesure des années, on a développé de plus en plus de mesures ciblées“, explique Edoardo Traversa, professeur de droit fiscal à l’UCLouvain. “Sur les jeunes travailleurs, sur le travail de nuit, sur toute une série de maintenant, sur le premier emploi… Et c’est le choix qu’on (la Belgique, ndlr) a fait : plutôt que de baisser les cotisations sociales en général, on a créé des tas de régimes particuliers. Quand on les additionne, ça donne l’impression que ces réductions sont énormes. Mais, aujourd’hui, cela fait partie intégrante du système.”

Sur le nombre d’emploi : IMPOSSIBLE À VÉRIFIER

Il est quasiment impossible de savoir si un emploi a été créé par une réduction d’impôts ou de cotisations sociales. Le lien de cause à effet qui mène à la création d’un emploi est difficile à démontrer, à charge comme à décharge dans ce cas-ci. Par ailleurs, il a été vérifié qu’entre 150.000 et 200.000 emplois ont été créés au cours des trois dernières années en Belgique, à nouveau sans lier cette augmentation aux différentes réductions qui existent. Mais cela ne permet pas non plus de vérifier qu’aucun emploi n’ait été créé grâce à ces réductions d’impôts ou de cotisations sociales.

Georges-Louis Bouchez : “La Belgique fait partie des pays en Europe qui ont le plus faible taux d’emploi. C’est la Wallonie et Bruxelles gérées par le Parti socialiste depuis tant d’années qui tirent la moyenne vers le bas.”

VRAI

Selon les chiffres d’Eurostat, la Belgique est effectivement le 6e pays des 27 de l’Union européenne au plus faible taux d’emploi de sa population de 20-64 avec 71,9% de sa population qui travaillait, à temps plein ou temps partiel en 2022. La moyenne des pays de l’Union européenne est 74,6%. Tous les pays qui nous entourent ont un meilleur taux d’emploi : France (74%), Luxembourg (74,8%), Allemagne (80,7%) et Pays-Bas (82,9%). Nos voisins néerlandais ont d’ailleurs le meilleur taux d’emploi de l’Union européenne.

 

Cependant, les économistes mettent un bémol à ce taux d’emploi : il ne prend pas en compte le nombre d’heures travaillées. Autrement dit, selon ce chiffre, il suffit qu’une personne dise avoir travaillé une heure au cours des 15 derniers jours pour être déclarée à l’emploi et faire augmenter ce taux. Ce taux ne reflète donc pas idéalement la part de la population qui travaille. Pour cela, nous pouvons regarder le taux d’emploi par équivalent temps plein. L’OCDE dispose de chiffres de 2021 pour les 15-64 ans, même si l’idéal aurait été d’obtenir des chiffres de 2022 pour les 20-64 ans.

Ils ne remettent pas en cause la position de la Belgique, désormais 5e en partant de la fin, mais resituent par exemple la bonne performance des Pays-Bas qui affiche un taux d’emploi par équivalent temps plein plus faible que la Belgique. Cela s’explique par un nombre d’emplois à temps partiel très élevé, alors qu’ils détiennent le record européen selon le taux d’emploi classique.

Quant aux disparités régionales, il est exact que la Flandre (77,3%) a un meilleur taux d’emploi que Bruxelles (66%) et la Wallonie (65%), et que ces deux régions tirent la Belgique vers le bas. Cependant, le statut particulier de ville-région de Bruxelles est trompeur. Les taux d’emplois sont toujours plus faibles en ville qu’à la campagne, selon une étude de l’Institut pour un Développement Durable. Dès lors, Bruxelles devrait être comparée à d’autres villes et non d’autres régions ou provinces de Belgique ou d’Europe pour affirmer que son taux d’emploi est particulièrement bas.

Bouchez : “Depuis la création de la Wallonie depuis près de 50 ans, nous avons dirigé la Wallonie pendant 4 ans.”

FAUX

Ici, Georges-Louis Bouchez joue sur les mots. Il considère que le MR n’a dirigé la Wallonie que lorsqu’il occupait le poste de ministre-président wallon, et non quand il faisait partie de la majorité régionale en occupant des postes de ministres au sein du gouvernement wallon.

Si on compte les ministres-présidents MR (ou PRL), il n’y a que qu’André Damseaux pendant 9 mois en 1982, et Willy Borsus pendant 2 ans et 1 mois. Soit un total de 2 ans et 10 mois.

Mais il est faux de dire qu’un parti ne gouverne que lorsqu’il obtient la ministre présidence auquel cas Ecolo n’aurait… jamais dirigé la Wallonie, alors qu’il a fait partie des gouvernements wallons de 1999 à 2004, de 2009 à 2014 et de 2019 à aujourd’hui. Au total, le MR a fait partie du gouvernement wallon pendant plus de 18 ans.

Georges-Louis Bouchez : “Le Parti socialiste a approuvé ce texte (la loi anti-casseurs) en commission alors qu’il avait déjà l’avis du Conseil d’Etat

FAUX

La chronologie disponible sur le site de la Chambre montre que l’avis du Conseil d’État est tombé le 6 octobre soit, deux mois et 25 jours après l’adoption, le 12 juillet, du projet de “loi anticasseurs”, officiellement appelé “Projet de loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme III”.

Merci au SPF Stratégie et Appui, au SPF Santé Publique, au SPF Sécurité Sociale, au SPF Justice, à l’Office des étrangers et au service presse de la Police Fédérale pour leur efficace collaboration.