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Fact check: Six questions essentielles sur la réforme des retraites au Luxembourg

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Author(s): RTL Lëtzebuerg

La réforme des retraites du secteur privé, débattue au Luxembourg, entre dans sa dernière ligne droite. Zoom sur six questions qui se posent pour déterminer quoi faire d’un système annoncé comme bientôt déficitaire.

1/ Les Luxembourgeois partent-ils trop tôt à la retraite ?

Avec un âge légal de départ à la retraite fixé à 65 ans, le Luxembourg n’est ni le plus généreux ni le plus exigeant d’Europe avec ses travailleurs. Mais le Grand-Duché impose une carrière de 40 ans pour débloquer ses droits complets. Moins que les autres pays (entre 41 et 43 ans en France, 45 ans en Allemagne, 45 ans en Belgique).

Selon l’IGSS, les Luxembourgeois partis à la retraite entre 2011 et 2023 étaient âgés, en moyenne, de 61 ans et trois mois. Trois sur quatre bénéficiaient d’une retraite anticipée, et un sur quatre déclenchait sa retraite à 65 ans.

La ministre de la Santé a assuré, lors d’un débat organisé à la Chambre des députés, que le gouvernement ne touchera pas à l’âge légal de 65 ans. En revanche, des voix s’élèvent pour pousser les Luxembourgeois à allonger leur carrière. Soit par la force (en augmentant le nombre d’années nécessaires ou en décalant les âges de départ pour la pension anticipée) soit en incitant à travailler plus longtemps (via une décote ou un bonus par exemple).

Dans ses travaux présentés ce début avril, la Fondation Idea a rappelé que le Luxembourg garantissait la retraite la plus longue d’Europe : 25 ans. Alors que l’espérance de vie s’allonge, elle suggère donc d’aligner les âges de départ et la durée de cotisation sur cette espérance de vie, pour ne pas faire durer la retraite plus longtemps.

2/ Les retraites du Luxembourg sont-elles trop élevées ?

Fin 2023, les pensions atteignaient en moyenne 2.398,30€, toutes formes confondues (de vieillesse, anticipée, de survie, d’invalidité…). Celles des retraités ayant travaillé uniquement au Luxembourg représentant 3.570€, contre 1.614,50€ pour ceux ayant eu une carrière à l’étranger (les pays étrangers ayant donc, eux aussi, une retraite à leur donner pour compléter).

RTL Montant des retraites au Luxembourg en 2022 selon l’IGSS.

Selon le site Toute l’Europe, les retraités luxembourgeois avaient, en 2020, un revenu 10% plus élevé que les travailleurs. Un cas unique en Europe.

Avec toutefois de fortes disparités : la retraite minimum ne protège pas contre le risque de pauvreté (voir point suivant) tandis que la retraite maximum, plafonnée à 10.600€ environ, est cinq fois plus élevée mais n’est perçue que par un nombre de personnes très limité.

3/ La retraite minimale du Luxembourg est-elle insuffisante ?

RTL © THOMAS TRUTSCHEL / Photothek Media Lab / dpa Picture-Alliance via AFP

La pension minimum mensuelle pour 40 années s’élève au 1er janvier 2025 à 2.293,55€ brut. Selon la Chambre des salariés, c’est moins que le seuil de risque de pauvreté. « En 2022 déjà, toute personne disposant d’un revenu net inférieur à 2.452€/mois était considérée en risque de pauvreté » rappelait-elle récemment. « Cela signifie que de nombreux pensionnés, malgré une carrière complète, vivent avec un revenu brut inférieur au revenu net nécessaire pour vivre décemment sans précarité. »

Toujours selon la Chambre des salariés, « 18% des résidents touchent une pension de moins de 2 000€/mois brut ». La pension minimum est d’ailleurs essentiellement perçue par les femmes, accentuant un « écart salarial à la retraite », qui prolonge l’écart déjà existant durant la vie active.

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4/ Les prévisions de l’IGSS sont-elles trop « pessimistes » ?

C’est sur la base du bilan de l’IGSS que le gouvernement agit : si rien n’est fait, les retraites versées aux anciens travailleurs coûteront plus cher que les cotisations prélevées.

Le bilan 2016 prédisait ce dépassement… pour l’année 2023. Pour une mise à jour des calculs en 2018 a repoussé ce point de bascule… à 2024. Le bilan de 2022 a finalement estimé que les cotisations ne suffiraient plus à partir de 2027. Et enfin, une dernière estimation rendue publique début 2025 a finalement annoncé une année déficitaire dès 2026.

Ces modifications régulières des prévisions tiennent notamment à la croissance luxembourgeoise, à la démographie du pays et au rendement du fonds de compensation (grâce aux marchés financiers). Ces facteurs ont permis au système de rester équilibré jusqu’ici mais ont aussi rendu toutes les estimations à court terme incertaines. Les décideurs politiques, les syndicats et les patrons s’accordent toutefois pour dire qu’il serait irresponsable de miser sur un « eldorado économique » durant les prochaines années.

À moyen/long terme, l’IGSS estime que la réserve des pensions sera entièrement consommée au cours des deux prochaines décennies.

5/ Faut-il supprimer le plafond de cotisations ?

RTL Luc Frieden, Martine Deprez et Serge Wilmes lors du débat de consultation sur la réforme des retraites le 19 mars 2025. / © Chambre des députés / Flickr

En 2025, le Luxembourg permet aux travailleurs de cotiser pour leur retraite jusqu’à un certain montant : cinq fois le salaire minimum, soit un peu plus de 13.000€ par mois. Au-delà, le salaire ne contribue plus à la retraite.

Une piste évoquée serait donc de déplafonner ce montant, afin de dégager plus de recettes pour financer les retraites. Mais selon la Fondation Idea, les gros salaires qui cotiseraient plus auraient droit à des retraites plus importantes, rendant la mesure négative pour l’équilibre du système. Pour en faire un calcul « positif » pour les finances luxembourgeoises, Idea propose de cotiser seulement 3×3% (au lieu de 3×8%) au-delà du plafond.

Les syndicats ont eux évoqué la possibilité de déplafonner le montant maximal de cotisations, sans rien offrir en échange aux gros salaires. Créant ainsi une manne financière pour l’État mais une inégalité entre les salariés les mieux payés et le reste de la population. La décision, hautement politique, revient donc au gouvernement.

6/ Faut-il piocher dans la réserve des pensions ?

Puisque le Luxembourg risque un déficit sur son système de pensions dès 2026, pourquoi ne pas utiliser l’immense réserve constituée au fil des ans ? Elle est garnie de près de 27 milliards d’euros à ce jour, soit plus de quatre années de dépenses (si les cotisations s’arrêtaient du jour au lendemain).

Selon l’IGSS, c’est pourtant le modèle actuel qui conduirait à son épuisement total d’ici les années 2040. Lors d’une table ronde organisée par la Fondation Idea le 3 avril, l’UEL a fait valoir que les retraités du Luxembourg ne pouvaient pas dilapider ce trésor : « Il faut sanctuariser la réserve. De grâce, ne la pillons pas » assénait Marc Wagener, le directeur de l’UEL, à ses débatteurs.

Une position que la Fondation Idea, qui a réfuté être dans une logique « pro-patron », a rejoint : « Les pensionnés ne peuvent pas partir avec alors qu’ils ont déjà des revenus 10% supérieurs aux actifs » expliquait le directeur d’Idea, Vincent Hein.

Le débat a également rappelé qu’avec l’économie capitaliste du Luxembourg, la réserve était aussi… une source de revenus. Puisqu’elle est placée sur les marchés, son rendement alimente le les rentrées d’argent du système. Utiliser la réserve nuirait donc à cet apport d’argent.

La députée Djuna Bernard (déi Gréng), dans l’opposition, a également fait valoir que la réserve n’avait pas vocation à être « dépensée en intégralité ». Reste donc la mise en garde de Muriel Bouchet, ancien directeur de la Fondation Idea et économiste, qui assure que plus le Luxembourg tarde à équilibrer son système, plus les efforts à fournir seront importants.

 

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Ce fact-check a été également publié par https://infos.rtl.lu/actu/luxembourg/a/2241634.html.