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La vaccination des enfants contre le Covid ne leur fait pas perdre leur immunité naturelle, comme l’affirme Geert Vanden Bossche

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Author(s): Grégoire Ryckmans

Une interview de Geert Vanden Bossche circule abondamment sur le Net. Dans cet entretien, le scientifique belge affirme notamment qu’il est dangereux de vacciner en période de pandémie mais aussi que la vaccination contre le Covid-19 ferait perdre aux gens leur immunité naturelle. Il indique que selon lui il ne faudrait pas vacciner les plus jeunes pour cette même raison. Ces arguments ne sont soutenus par aucune publication scientifique solide.

Dans une vidéo de 36 minutes accordée au média BAM et diffusée sur YouTube mise en ligne fin décembre, un scientifique flamand donne sa vision de la pandémie en français. Cette vidéo complète ou des extraits de celle-ci circulent également sur les réseaux sociaux comme LinkedIn, Facebook ou Twitter. La vidéo YouTube compte déjà près de 280.000 vues.

Parmi les éléments exposés par le vaccinologue belge, certains sont totalement factuels et se basent sur des faits scientifiques avérés, d’autres sont le reflet d’avis et d’analyses personnelles. Mais ce qu’il avance concernant la vaccination lors d’une pandémie en cours (comme c’est le cas actuellement avec le Covid-19), ou sur le risque de perte de l’immunité naturelle suite à la vaccination, n’est pas soutenu par les différents experts que nous avons interrogés sur ces questions.

Qui est Geert Vanden Bossche ?

Geert Vanden Bossche n’en est pas à sa première sortie médiatique. Le scientifique belge s’exprime depuis le début de la crise du coronavirus sur différentes plateformes en néerlandais, en anglais mais aussi en français.

Ce vétérinaire de formation est parfois présenté sur YouTube comme une autorité mondiale en matière de vaccins, jouissant d’une grande réputation, mais son parcours scientifique n’est pas reconnu de la même manière par un grand nombre de ses pairs.

En tant que vétérinaire, il a une formation scientifique. Il a également travaillé sur des vaccins lors de son parcours dans le secteur privé mais aussi pour GAVI, “l’Alliance du Vaccin”une fondation financée principalement par la fondation Melinda et Bill Gates.

Cependant, il a publié très peu d’articles scientifiques au cours de sa carrière. En tout, huit publications scientifiques sont référencées à son nom sur “Pubmed” (principal moteur libre d’accès de recherche de données bibliographiques de l’ensemble des domaines de spécialisation de la biologie et de la médecine).

Geert Vanden Bossche n’a actuellement aucune recherche scientifique en cours, comme l’indiquent à la fois le portail de la FWO (Fonds Wetenschapelik Onderzoek, Conseil flamand de la recherche) et celui du FRIS (Flanders Research Information Space) qui répertorie les projets de recherche financés par la Flandre depuis 2008.

Pour Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l’ULB, “accepter que Geert Vanden Bossche se présente comme un expert scientifique relève de la fumisterie, du moins concernant le sujet traité. Seulement huit publications scientifiques répertoriées entre 1988 et 1995. Principalement des études sur l’effet de détergents sur des virus. Il n’a donc pas publié dans un journal scientifique depuis près de 30 ans. Par ailleurs, Vanden Bossche n’a jamais publié en épidémiologie, ni en immunologie, ni en vaccination dans un journal scientifique international, contrairement à ce qu’il sous-entend régulièrement.”

Celui qui est aussi Maître de recherche au F.R.S.-FNRS considère que le discours de Geert Vanden Bossche n’est pas celui d’un “expert scientifique” car lors des 36 minutes de l’entretien, il ne cite aucuns travaux scientifiques publiés et “ne parle que de ce qu’il a vu et dit”.

En outre, le magazine Knack a révélé en mars 2021 que Geert Vanden Bossche publiait des articles dans des magazines qui proposent des publications contre rémunération, que certaines de ces publications mentionnent un poste à l’université de Gand qui n’existe pas, et qu’il participait à des conférences organisées par des acteurs promouvant la désinformation.

Enfin, plus récemment, le nom de Geert Vanden Bossche a circulé dans l’hémicycle de la Chambre des représentants. En effet, le scientifique fait partie de la liste des experts qui seront entendus dans le cadre des débats sur la vaccination obligatoire contre le coronavirus. Le nom du vétérinaire flamand, qui plaide pour un moratoire général sur la vaccination contre le Covid-19, a été proposé par le parti d’extrême droite flamande, le Vlaams Belang.

Est-il dangereux de vacciner en période de pandémie ?

Lors de son entretien en français, Geert Vanden Bossche revient sur une théorie qu’il a développée et répétée depuis de nombreux mois. En quelques mots : “Vacciner la population contre le Covid-19 en pleine pandémie avec les vaccins actuels est dangereux car ceux-ci ne permettent de limiter la transmission du virus que partiellement et cela ferait donc émerger des variants plus infectieux.”

Tout d’abord, concernant le danger potentiel de mener des campagnes de vaccination alors que les épidémies combattues font rage, les contre-exemples abondent. Interrogée par la VRT en avril 2021 sur le sujet, la vaccinologue de la KU Leuven Corinne Vandermeulen estimait que c’était le contraire. Elle expliquait son point de vue en se basant sur des exemples : “Choléra, Ebola, polio. Une épidémie de diphtérie dans un camp de réfugiés au Bangladesh récemment. À chaque fois, les gens ont commencé à vacciner au milieu de l’épidémie pour la maîtriser. Et cela n’a jamais aggravé le problème. Au contraire, les épidémies ont été maîtrisées.”

Mais qu’en est-il concernant l’émergence de variants plus infectieux, comme c’est le cas avec le variant Omicron actuellement ?

Pour Éric Muraille, Geert Vanden Bossche “défend une vision excessivement simpliste de la relation hôte / pathogène et de la vaccination”. Une vision “qui ne tiendrait pas cinq minutes dans une faculté de Médecine ou de science”, selon l’immunologiste de l’ULB.

“La relation entre l’hôte et le pathogène est toujours dynamique. C’est-à-dire que le pathogène évolue et s’adapte toujours à l’hôte qui en fait autant. En biologie de l’évolution, on parle de dynamique de type “Reine Rouge” pour décrire ce phénomène. En pratique, l’infection et la vaccination mènent au développement d’une immunité chez l’hôte. Cette immunité va au cours du temps sélectionner positivement les variants du pathogène qui y échappent. Prétendre qu’on ne pourrait pas utiliser un vaccin en période de pandémie car il induirait la sélection de variant n’a aucun sens. Car ce processus a également lieu avec l’immunité induite naturellement suite à l’infection.”

Éric Muraille rappelle que l’avantage de la vaccination est d’induire une immunité à un coût moindre qu’une infection naturelle. “Il suffit de comparer les effets secondaires du vaccin aux effets du Covid-19 pour s’en convaincre”. En conclusion, l’immunologiste à l’ULB estime que “l’évolution vers des variants échappant au système immunitaire est inévitable quoi qu’on fasse”.

Une vaccination qui induirait une perte de l’immunité innée ou naturelle, notamment chez les enfants

L’autre théorie développée par Geert Vanden Bossche concerne la vaccination des enfants. Selon lui, la vaccination des plus jeunes n’a “aucune valeur ajoutée” mais elle induirait également chez eux une perte de l’immunité innée ou naturelle qui serait potentiellement grave. Les anticorps générés par la vaccination “entreraient en compétition avec les anticorps innés”, ce qui pourrait potentiellement faire perdre les défenses naturelles acquises par les enfants pour lutter contre d’autres virus, comme la grippe.

Geert Vanden Bossche évoque des arguments “très scientifiques” pour avancer sa théorie, mais n’en développe aucun. Comme l’indiquent nos confrères de la VRT, l’immunité naturelle ne peut pas être “supprimée”. Cette immunité est solide et est même stimulée par la vaccination. Une étude indique par ailleurs que la vaccination des adolescents avec le vaccin de Pfizer est efficace dans la prévention des hospitalisations en cas d’infection au SARS-CoV-2.

Pour ce qui est du phénomène scientifique détaillé par le vaccinologue flamand appelé “antibody dependent enhancement” (ADE en anglais), il s’agit de la facilitation de l’infection par des anticorps. C’est un phénomène qui peut se produire lors d’une infection virale, quand des anticorps non neutralisants de l’hôte facilitent l’entrée du virus dans certaines cellules hôtes, et parfois aussi sa réplication.

“Ce qu’il décrit a été questionné en début de pandémie. C’était effectivement un risque, tant avec l’immunité naturelle que vaccinale. Mais ce phénomène, qui est très rare, n’a jamais été documenté avec le SARS-CoV-2 alors que plusieurs milliards d’individus ont été vaccinés ou infectés”, explique Eric Muraille à ce sujet.

Qu’en est-il plus spécifiquement des enfants ?

Concernant le cas plus spécifique des enfants, rien n’indique non plus que la vaccination à un effet négatif sur leur immunité naturelle.

Pierre Smeesters, chef du service de pédiatrie de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF) explique la différence entre l’immunité naturelle des enfants et celle induite par la vaccination : “Les enfants sont sujets à de très nombreuses stimulations de leur système immunitaire. Les bébés portent à leur bouche tout ce qu’ils attrapent, les enfants ont de nombreux contacts interpersonnels, par le jeu notamment. Ce faisant, ils apprivoisent leur environnement ‘microbien’ et établissent une relation plus stable avec celui-ci. Face à ce phénomène de grande ampleur, la stimulation immunitaire par la vaccination apparaît comme quantitativement peu importante. Qualitativement par contre, la vaccination protège les enfants contre une très petite sélection de pathogènes sélectionnés pour leur potentiel d’induire une maladie”.

Le chef de service du département pédiatrique de l’HUDERF conclut : “Au stade actuel des connaissances, les données ne suggèrent aucunement que la vaccination empêche le développement de cette immunité naturelle. Au contraire, elle la complète utilement.”

Les non-vaccinés avantagés face à Omicron ?

Dans la dernière partie de l’entretien, Geert Vanden Bossche estime que dans le cadre de l’émergence du variant Omicron, les personnes non-vaccinées auront un avantage par rapport aux personnes vaccinées. Les vaccinés auraient au final un désavantage par rapport aux individus qui auraient préservé leur immunité naturelle.

Le professeur Muraille estime que cette position a pour but de flatter les personnes qui refusent de se faire vacciner contre le Covid-19 ou ceux d’entre eux qui sont totalement opposées à la vaccination en “apportant un vernis de rationalité et de science à leur position”. Selon lui, plusieurs études démontrent que trois doses du vaccin RNA de Pfizer/BioNTech induisent des anticorps neutralisant le variant Omicron

Des thèses infondées scientifiquement

Il n’y a aucune preuve scientifique pour corroborer les thèses développées par Geert Vanden Bossche concernant la vaccination en période d’épidémie, ni concernant le risque de suppression du système immunitaire naturel suite à la vaccination contre le Covid-19.

Des campagnes de vaccinations ont souvent été effectuées pendant des épidémies, et cela n’a jamais entraîné de recrudescence des décès. Les variants des virus apparaissent spontanément suite à l’accumulation de mutations, ce phénomène a été documenté pour le SARS-CoV-2 bien avant que la vaccination contre le Covid-19 ne commence. La vaccination, comme l’immunité acquise naturellement après l’infection, sont toutes deux de nature à faire en sorte qu’un virus doive muter pour continuer à se propager. Cet échappement immunitaire est donc inévitable.

Par ailleurs, la théorie de Geert Vanden Bossche concernant les risques que fait peser la vaccination sur le système immunitaire, et particulièrement celui des enfants ne repose sur aucune publication scientifique : le vaccin ne diminue pas les défenses immunitaires innées, mais au contraire, il renforce le système immunitaire des plus jeunes