Sur la Première ce lundi, Maxime Prévôt (Les Engagés) a déclaré qu’un Belge dépensait deux fois plus qu’un Belge dépensait deux fois plus qu’un Français pour se soigner. Bien que son affirmation ne soit pas factuellement incorrecte puisqu’elle repose sur des chiffres vérifiés de l’OCDE, elle se heurte aux limites inhérentes à la comparaison internationale, notamment en omettant des informations telles que le type et la source de financement des systèmes de santé entre ces deux pays.
“Nous voulons la revaloriser, y compris financièrement, en garantissant des moyens pour les soins de santé tout en veillant à les rendre financièrement accessibles pour la population”, avance Maxime Prévot qui ajoute : “Il faut se rendre compte qu’un Belge paye en moyenne deux fois plus qu’un Français pour se faire soigner”.
Est-ce correct de dire qu’un Belge dépense deux fois plus qu’un Français pour ses soins de santé ?
Des chiffres de l’OCDE
Contactée sur la source de cette affirmation, la porte-parole des Engagés, Audrey Jacquiez, répond que son président se base sur les chiffres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Et plus précisément, il s’est appuyé sur la part des paiements directs des ménages dans les dépenses courantes de santé.
Selon ces chiffres, “la part du coût des soins de santé à charge des patients en Belgique est de 19% en Belgique alors qu’elle est de 9% en France, c’est donc le double”, commente donc Audrey Jacquiez.
L’ordre de grandeur est correct : selon l’OCDE en 2021, 17,9% des dépenses de santé était à la charge des patients belges contre 8,9% des patients français. Le tableau ci-dessous présente l’ensemble de ces données.
Indicateur imprécis
Mais est-ce que la part des paiements directs des ménages dans les dépenses courantes de santé est l’indicateur le plus pertinent pour comparer le reste à charge pour un patient belge ou français ?
Ce n’est pas l’avis du Professeur Christian Léonard, le directeur général de Sciensano. Selon lui, cette affirmation se base sur “un dénominateur qui n’est pas ‘externe’ à la santé comme le PIB mais bien les dépenses de santé courantes qui sont supérieures en France par rapport à la Belgique (12.1% du PIB versus 10.9%). Donc, en termes absolus, 1% de ces dépenses représente un montant plus élevé en France qu’en Belgique.”
Autres dénominateurs également imparfaits
Il est possible de comparer les dépenses de santé en examinant d’autres indicateurs comme le montant absolu du reste à charge à payer directement par les patients en moyenne par habitant dans chaque pays.
La principale limite de cet indicateur, selon Gaëtan Lafortune, économiste au sein de l’OCDE, réside dans le fait que “ces chiffres ne sont pas ajustés par la parité des pouvoirs d’achat dans chaque pays”. Ainsi par exemple, ajoute-t-il, “les montants absolus des restes à charge étaient en moyenne de 405 euros par habitant en France et de 855 euros en Belgique toujours en 2021”.
Un autre indicateur qui peut être utilisé est celui de la part des dépenses personnelles dans la consommation finale des ménages, en d’autres termes les dépenses effectivement réalisées par les ménages résidents pour acquérir des biens et des services destinés à la satisfaction de leurs besoins. On peut ainsi voir que le reste à charge des dépenses de santé dans la consommation finale des ménages belges est de 4,1% contre 2,1% pour les ménages français. Soit le double ici qu’outre-Quiévrain.
Limites de la comparaison internationale
Mais au-delà du choix de l’indicateur en tant que tel, “cette comparaison ne dit rien du financement qui peut être une source d’iniquités importantes en fonction du type d’impôts ou de cotisations (on a en effet des systèmes régressifs, proportionnels et progressifs), il faudrait faire une telle analyse pour être pertinent”, explique le Professeur Christian Léonard, selon lequel il faut “interpréter les données internationales avec beaucoup de prudence surtout quand il s’agit de pourcentages”.
Ainsi, si l’on regarde la part des dépenses de santé provenant de sources publiques, soit la somme des transferts gouvernementaux et de toutes les cotisations sociales, dans les dépenses totales de santé les différences entre les pays sont importantes. “Là où les régimes de financement publics constituent le principal mécanisme de financement, comme en Norvège, en Suède et au Danemark, les transferts gouvernementaux financent 85% ou plus des dépenses de santé”, lit-on dans le rapport de l’OCDE.
En Belgique, 78% des dépenses de santé sont issues de financements publics (graphique 1). Et parmi elles, 45% sont financées par des transferts gouvernementaux tandis que 33% le sont par les cotisations de sécurité sociales (graphique 2).
Par ailleurs, poursuit le Professeur Christian Léonard, “une autre différence entre les deux pays est substantielle : en Belgique, (quasiment) toutes les dépenses de santé passent par l’assurance obligatoire, le Belge ne paie presque pas de ‘primes’ en dehors du financement qui est très solidaire. En France, tout ce qui relève de l’ambulatoire est remboursé par les Mutualités qui s’occupent de l’assurance complémentaire pour laquelle des primes parfois importantes doivent être payées.”
Le graphique ci-dessous montre ainsi les types de financements, publics et privés, qui diffèrent entre les pays de l’OCDE.
De plus, complète celui qui est aussi professeur à la Faculté de pharmacie et des sciences biomédicales de l’UCLouvain, “il faudrait aussi tenir compte des systèmes de sélectivité comme le “maximum à facturer” (MàF) [un système qui garantit à tout ménage de ne pas dépenser plus qu’un montant maximum par an pour ses soins de santé, ndlr] qui limite les tickets modérateurs et vérifier comment cette part du patient est répartie au sein de la population.”
Dernière variable non négligeable dans ces comparaisons : celle des catégories de population bénéficiaires de soins. C’est ce qu’explique Gaëtan Lafortune de l’OCDE qui prend l’exemple de la France où “la couverture des dépenses par l’assurance maladie est bien plus élevée pour les personnes qui sont reconnues comme ayant une affection de longue durée (ALD) que pour les autres.”
Ainsi, selon une étude du ministère français de la Santé de 2021, plus de 90% des dépenses sont couvertes par l’assurance maladie pour les personnes qui ont une ALD comparé à 67% pour toutes les autres personnes sans ALD, “mais le reste à charge pour les deux groupes est à peu près le même en bout de ligne parce que le niveau des dépenses de santé est bien plus élevé pour les personnes qui ont une ALD”, poursuit l’économiste.
Conclusion
Finalement, l’affirmation de Maxime Prévôt selon lequel un Belge dépenserait deux fois plus qu’un Français pour se soigner n’est factuellement pas fausse puisqu’elle se base sur des chiffres de l’OCDE.
Bien que ces données soient correctes, elles se heurtent aux limites de la comparaison internationale qui ne prend pas en compte plusieurs informations comme le type et la source de financement des systèmes de santé.
Nous estimons que l’affirmation contenue dans la vidéo est indéterminée.