De nombreux médias ont publié le 18 mars des articles autour de la vague de chaleur qui frappe actuellement le Brésil et d’un record : “jusqu’à 62,3 degrés ressentis à Rio”. Sur les réseaux sociaux, des internautes ont contesté ces chiffres affirmant que cette mesure ne correspondait pas à la réalité. Après vérification, il s’avère que cette mesure de 62,3°C provient d’une station météo dont la fiabilité est effectivement contestable et que l’expression “température ressentie” n’est pas adaptée aux fortes chaleurs. Il faudrait plutôt parler d’humidex. Cependant, d’autres mesures fiables réalisées à Rio et autour le même jour ont atteint jusqu’à 57,7°C.
Le lundi 18 mars, de nombreux médias ont mis en ligne des articles évoquant un record de chaleur à Rio : 62,3 degrés ressentis dans la ville balnéaire de Rio de Janeiro.
Sur son site Internet, la RTBF a également repris cette information dans un article titré : “Le Brésil suffoque : jusqu’à 62,3°C degrés ressenti à Rio, un record”. Comme pour les autres sites d’actualités qui ont publié des articles sur le sujet, les informations disponibles dans ces articles de presse se basent sur une dépêche de l’Agence France-Presse (AFP), titrée : “Le Brésil suffoque : jusqu’à 62,3°C ressenti à Rio, un record”.
Sur les réseaux sociaux, des internautes ont mis en doute ce record annoncé par l’AFP et repris par un grand nombre de médias, comme cet internaute sur Facebook qui pointe une “Fake news de gros calibre”.
La notion de “température ressentie”
Tout d’abord, il faut faire la distinction entre la température réelle et la température ressentie : il n’a pas littéralement fait 62,3 °C du côté de Rio, mais il s’agit bien d’une estimation de cette température ressentie par l’être humain, en y ajoutant des paramètres tels que la vitesse du vent et la température de l’air.
Mais cette distinction ne suffit pas car la notion de température ressentie (appelée aussi “windchill” ou “facteur éolien”) est plutôt utilisée par temps froid. C’est ainsi qu’en hiver, le froid “piquant” est bien souvent causé par la présence de vent. Dès lors, les calculateurs les plus récents en termes de température ressentie ne travaillent pas forcément avec des températures supérieures à 10 °C. La terminologie utilisée, notamment par la RTBF, pour traiter cette information n’est donc pas idéale.
Heat Index / Humidex
“Pour le Brésil (et les pays sujets à ce genre de climat), on utilise plutôt la notion de “heat index” ou d’”humidex”, qui prennent également en compte l’humidité”, précise Frédéric Glassey, météorologue chez Météo News.
Il ne faut dès lors pas utiliser le terme de “température ressentie” dans des pays avec un climat comme celui du Brésil puisqu’on compare alors des éléments avec des indicateurs qui ne sont pas comparables : “heat index” et “windchill” (pour température ressentie) ne sont pas basés sur les mêmes paramètres.
Une station probablement amateur mais nécessaire
Le chiffre de 62,3 °C est-il pour autant correct ? Probablement pas, selon Frédéric Decker, lui aussi météorologue chez Météo News. Il a pris le temps de comparer des stations de mesure locales : “Le fameux 17 mars, l’humidex a atteint 47 °C à Rio, loin des 62 °C annoncés. J’ai fait le tour des stations secondaires de la ville, on ne dépasse pas 49 °C.”
En réalité, la station météo qui a capté la température à l’origine du calcul de 62,3°C en tant qu’humidex est située à Guaratiba, dans l’ouest de Rio. Les quartiers y sont plutôt défavorisés et il est probable que cette station soit “amateur”. Sa fiabilité peut donc être remise en question. Pour autant, ces stations amateurs sont nécessaires et même précieuses pour le réseau. Elles ne sont d’ailleurs pas forcément de mauvaise qualité puisque certains travaillent en étroite collaboration avec les institutions météorologiques reconnues.
Les autorités de Rio ont en tout cas considéré que cette mesure était assez inquiétante et pertinente pour l’utiliser dans un message d’alerte à sa population dans un tweet. C’est d’ailleurs ce tweet (en Portugais) qui était à la base de la dépêche de l’AFP et donc ensuite des nombreux articles de presse qui l’ont reprise.
Cette mesure de 62,3 °C n’est pour autant pas complètement différente d’autres mesures plus fiables relevées le même jour à Rio ou aux abords proches. Frédéric Decker précise : “La météo nationale brésilienne évoque des ressentis entre 50 et 55 degrés dans d’autres villes alentour, un peu plus dans les terres, donc moins exposées à la brise marine. Les 62 °C sont évoqués prudemment, sans plus de détails (température sous abri et humidité inconnues).”
Ce dimanche, la température réelle (au mercure) était de 42 °C, indique l’AFP. Par ailleurs, une autre station de mesure située dans le quartier résidentiel du Jardin botanique dans le sud de Rio, “privilégié avec sa nombreuse végétation”, comme le formule l’AFP, a mesuré une température “ressentie” de 57,7 °C dimanche.
Il est parfois compliqué pour des gens habitants sous des latitudes européennes de bien saisir la nuance : l’humidex évoque bien un ressenti qu’il est impossible de comparer à une température caniculaire à Bruxelles, par exemple. Par comparaison, Bangkok vit quasi quotidiennement avec un humidex à 50°C alors qu’un 40°C à Bruxelles par 10% d’humidité relative, donne un ressenti bien inférieur. Par ailleurs, cette sensation diffère également de personne à personne.
À titre informatif, voici l’échelle d’inconfort de l’humidex telle que proposée par le site MétéoCiel.
L’information publiée par la RTBF et de nombreux autres médias sur base de la dépêche AFP n’aurait effectivement pas dû se baser sur la notion de température ressentie, qui s’utilise plutôt par temps froid. Cependant, il existe bien, par temps chaud et en raison de l’humidité, une chaleur ressentie appelée “humidex”.
Enfin, la station météo qui a mesuré les 62,3°C était une station amateur et manquait probablement de fiabilité. Néanmoins, la température réelle mesurée ce dimanche 17 mars était de 42°C et une autre station météo a mesuré une température “humidex” de 57,7 °C, relativement proche du record annoncé par l’Agence France Presse et les autorités de Rio de Janeiro.