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Bill Gates n’a pas coupé court à une interview, cette vidéo a été manipulée

Bill Gates n'a pas coupé court à une interview, cette vidéo a été manipulée - Featured image

Author(s): AFP Brésil / AFP Allemagne / AFP Belgique

Bill Gates, le cofondateur de Microsoft devenu philanthrope, n’a pas brusquement mis fin à un entretien avec une journaliste de la chaîne australienne ABC News après avoir été interrogé sur sa position en faveur des vaccins anti-Covid, contrairement à ce que semble montrer une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux en plusieurs langues depuis des mois. Plusieurs détails indiquent que les images ont été manipulées à l’aide de l’intelligence artificielle. L’échange relayé par les internautes entre la journaliste et Bill Gates, cible récurrente des milieux complotistes, ne figure pas dans l’interview originale.

“Cette journaliste démolit en pièce Bill Gates”,  commente l’auteur d’une publication Facebook du 25 juin 2023, en partageant une vidéo de très mauvaise qualité montrant le fondateur de Microsoft, Bill Gates, face à une journaliste.

Cette vidéo d’un peu plus d’une minute a également été relayée sur VK et Tik Tok.

Capture d’écran réalisée le 11/07/2023 sur Facebook
Capture d’écran réalisée le 11/07/2023 sur Tik Tok

Dans cette vidéo, Bill Gates affirme soi-disant avoir créé “le système d’exploitation informatique le plus populaire au monde”. Lorsque la journaliste évoque sa position de fervent défenseur des vaccins anti-Covid et lui demande ce qui fait de lui un “représentant valable de l’industrie pharmaceutique”,  le milliardaire semble répondre: “j’ai lu beaucoup de livres à ce sujet”. La journaliste affirme ensuite que les vaccins causent des “dommages massifs”, provoquant apparemment la colère de Bill Gates qui déclare l’échange terminé.

En réalité, cette vidéo a été manipulée à l’aide d’une intelligence artificielle, a expliqué un expert à l’AFP. L’entretien entre cette journaliste et Bill Gates existe, mais l’échange tendu relayé sur les réseaux sociaux n’apparaît pas dans la version originale.

La même vidéo a également circulé dans d’autres langues et déjà été vérifiée au printemps 2023 par l’AFP en allemand, en portugais et en anglais.

L’engagement de Bill Gates en faveur des vaccins et ses appels répétés depuis des années à mieux se préparer aux pandémies lui valent depuis longtemps l’inimitié des milieux antivax, relancée avec force à l’occasion de la pandémie de Covid-19. Le milliardaire est la cible récurrente d’accusations sans preuves, comme récapitulé en détail dans cet article de l’AFP publié en mai 2020.

L’AFP a vérifié de nombreuses affirmations incorrectes visant le milliardaire américain, l’accusant par exemple d’avoir prédit la pandémie de Covid-19 et “fomenté” l’épidémie de variole du singe, de vouloir implanter des puces à la population via les vaccins anti-Covid ou d’avoir promu un vaccin responsable de centaines de milliers de morts.

Les vaccins anti-Covid sont jugés efficaces contre les formes graves de la maladie et l’immense majorité de la communauté scientifique s’accorde sur le fait que la balance bénéfices-risques penche toujours en faveur de la vaccination.

Un montage réalisé à partir d’un entretien réel

Malgré la piètre qualité de la vidéo partagée sur les réseaux sociaux, on aperçoit en haut à droite de l’image un logo “7”. Une recherche avec les mots-clés “7” et “interview Bill Gates” renvoie vers un entretien diffusé le 31 janvier 2023 sur la chaîne Youtube d’Australian Broadcasting Corporation (ABC) et intitulé “Bill Gates s’est plaint auprès des entreprises de technologie des théories du complot ‘risibles’ autour du Covid-19”. 

Cette vidéo a également été publiée sur le site d’ABC News et sur la page Facebook de la chaîne les 30 et 31 janvier 2023.

Dans cette vidéo de près de 13 minutes, la journaliste Sarah Ferguson interroge le cofondateur de Microsoft sur plusieurs sujets d’actualité, comme le rôle de l’Australie dans la lutte contre le changement climatique, l’intelligence artificielle ou encore la pandémie de Covid-19 et les nombreuses théories du complot visant Bill Gates.

Nulle part, la journaliste n’évoque les supposés dangers des vaccins anti-Covid. L’extrait relayé dans les publications que nous vérifions n’apparaît à aucun moment dans cette vidéo. Une recherche sur Youtube et sur Google ne permet pas non plus de trouver d’autres interviews de Bill Gates par Sarah Ferguson.

Dans la vidéo relayée sur les réseaux sociaux et dans l’interview publiée par ABC News, l’arrière-plan est le même et Sarah Ferguson et Bill Gates portent les mêmes vêtements. Une comparaison d’images permet d’observer qu’à plusieurs reprises, la position de la journaliste et les plis de ses vêtements sont identiques. Le micro est également placé au même endroit sur sa veste et ses lunettes sont identiques.

Capture d’écran réalisée le 11/07/2023 sur Facebook
Capture d’écran réalisée le 11/07/2023 sur la chaîne Youtube d’ABC News

Contactée le 28 mars 2023, la porte-parole d’ABC News Sally Jackson a déclaré que la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux était “une fausse vidéo”. Elle a confirmé que “Bill Gates n’a pas interrompu l’entretien. La conclusion de l’interview est celle montrée dans la vidéo sur le site d’ABC. Il n’y a rien eu d’inhabituel”. 

Dans la vidéo partagée sur ABC News, Bill Gates et la présentatrice se séparent cordialement, contrairement à ce qu’on peut voir dans la vidéo relayée sur les réseaux.

Une interview manipulée par intelligence artificielle

La vidéo truquée a très probablement été créée à l’aide de l’intelligence artificielle, a expliqué à l’AFP le journaliste et expert des deepfakes Bruno Sartori, interrogé le 8 mars 2023: “C’est un faux contenu, mais totalement réaliste, comme la voix et le visage d’un individu”.

Pour Bruno Sartori, certains éléments de la vidéo, tels que “la faible qualité de la vidéo pour masquer les imperfections et les mouvements de lèvres qui ne sont pas synchronisés avec les paroles dans certains passages”,  permettent d’affirmer que la vidéo vérifiée par l’AFP est le résultat d’une manipulation faite à l’aide de l’intelligence artificielle.

Par ailleurs, une autre version de la vidéo, de meilleure qualité, avait été relayée sur TikTok dès le 8 mars avec une mention avertissant de “la dangerosité de l’IA” et les hashtags #artificialintelligence et #ai. La vidéo a depuis été supprimée.

Les deepfakes sont des manipulations numériques qui permettent grâce à l’intelligence artificielle de remplacer dans une vidéo un visage par un autre ou de falsifier les propos d’une personnalité avec un réalisme déconcertant. Ils sont parfois utilisés à des fins humoristiques, comme ceux de l’ancien président américain Barack Obama ou de l’acteur Tom Cruise, mais ils peuvent également être utilisés pour manipuler les internautes ou diffamer des personnes.

L’AFP détaille dans la vidéo ci-dessous les méthodes de réalisation des deepfakes:

L’intelligence artificielle (IA) a encore fait des progrès fulgurants ces derniers mois, donnant lieu au partage massif sur les réseaux sociaux d’images générées de manière artificielle. S’il n’existe pas, à ce jour, d’outil capable d’identifier avec certitude une image générée artificiellement, recontextualiser le cliché et repérer des incohérences visuelles peut permettre de déceler une création d’IA, a expliqué l’AFP dans un article dédié à ce sujet.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.33NG8JV.