Des publicités vantent sur les réseaux sociaux, et notamment sur Facebook, le pouvoir “extraordinaire” de bracelets magnétiques pour arrêter de fumer. Mais l’efficacité de ces bracelets n’a pas été prouvée et les experts en tabacologie n’ont pas constaté de résultats avec cette méthode. Plus généralement, la magnétothérapie, qui repose sur le pouvoir des aimants, n’a pas prouvé son efficacité.
“Libérez-vous du tabac avec ClearStone! Notre bracelet magnétique révolutionnaire vous aide à arrêter de fumer naturellement“, promet une publicité postée par l’entreprise “Medically Health” le 31 juillet sur Facebook. La publication a suscité plus de 900 réactions et plus de 130 commentaires, comme celui-ci: “J’en porte depuis quelques semaines et l’envie de fumer diminue au fil du temps. Je recommande vivement !“.
“Medically Health” assure dans une vidéo que son bracelet en obsidienne “stimule naturellement les neurotransmetteurs du cerveau afin d’arrêter de fumer sans ressentir le stress“. “C’est le moyen le plus simple et le plus efficace pour arrêter de fumer“, affirme encore la société de vente en ligne.
Sur son site (archive), “Medically health” met en avant une solution “100% naturelle” qui “utilise des aimants de haute intensité pour stimuler des zones spécifiques du cerveau et tromper les envies de nicotine“. Cette société vend aussi un masque anti-migraine à appliquer sur les yeux, ou encore une crème anti-déchirures, sans plus d’explications sur leurs principes actifs. Contactée par l’AFP Factuel le 18 août, “Medically health” a indiqué ne pas pouvoir répondre à une interview.
Par ailleurs, d’un point de vue commercial, ce site français ne répond pas aux obligations édictées pour les entreprises en ligne (archive) d’afficher leur numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS) et au registre national unique des entreprises (RNE) ou numéro individuel d’identification (le numéro de TVA intracommunautaire) le cas échéant.
Une autre publicité pour un bracelet magnétique circule beaucoup sur Facebook, celle de la société Glame, qui diffuse une vidéo partagée des centaines de fois et avec plus d’un millier de commentaires, d’une femme témoignant: “J’ai fumé pendant plus de 15 ans et j’ai tout essayé pour arrêter, sans réussite. Mais depuis que j’ai découvert les bracelets anti-tabac de Glame, ma vie a complètement changé ! En seulement 6 jours, j’ai réussi à arrêter de fumer complètement“.
Sur son site glamefrance.fr (archive), la société vend toutes sortes de produits miracles, comme un “dispositif d’aide au sommeil” qui “garantit un endormissement en 15 minutes” ou encore un “appareil rajeunissant” qui promet de “retrouver une peau ferme et tonique”.
Concernant son bracelet “anti-tabac“, Glame assure que “contrairement aux méthodes classiques qui ne font que repousser le problème le bracelet Glame contient des aimants surpuissants de 4 500 Gauss qui stimule des zones précises de votre cerveau par un champ magnétique, lui faisant croire qu’il a reçu sa dose habituelle de nicotine“.
Des publicités similaires circulent également en anglais pour des sociétés américaines qui vendent le même type de bracelets, comme celle-ci publiée sur Facebook le 4 juillet. D’autres bracelets, en vente sur Amazon et eBay, ont aussi été promus sur TikTok et Twitter.
Des propriétés de sevrage non prouvées
Pour le Pr Loïc Josseran (archive), chercheur en santé publique et président de l’alliance contre le tabac, interrogé le 18 août par l’AFP, cette méthode n’a “aucun fondement scientifique“. “N’importe qui a déjà passé un examen d’IRM (imagerie par résonance magnétique) par exemple voit bien que ça ne l’a pas empêché d’avoir envie de fumer!“, explique-t-il, ajoutant “qu’une onde magnétique n’a jamais agi sur les récepteurs de la nicotine“.
D’autre part, selon le professeur, quand bien même les aimants auraient un effet sur la dépendance à la nicotine, “ils ne traiteraient pas la dépendance psychologique, qui avec le tabac est énorme“. Tandis que la dépendance à la nicotine disparaît en 3 à 4 mois de sevrage, explique-t-il, la dépendance psychologique à la cigarette “met plusieurs mois, voire plusieurs années à disparaître“.
Autre spécialiste du tabac interrogée par l’AFP le 18 août, Marie Van der Schueren, tabacologue au CHU de Caen (archive), juge également que “c’est du marketing, à ma connaissance aucune étude scientifique n’a montré une efficacité de cette méthode“. Mais, estime-t-elle, “comme toutes les méthodes non efficaces, celle-ci va peut-être aider 5 à 10% des utilisateurs à arrêter, ceux qui ne sont pas dépendants et auraient pu arrêter seuls“.
C’est également l’avis du Pr Josseran, qui commente les avis enthousiastes de certains utilisateurs des bracelets magnétiques en ligne: “malheureusement on va trouver des témoignages de gens pour dire que ça fonctionne, et parmi eux certains très sincères, car l’effet placebo peut suffire pour quelqu’un qui était déjà très mature dans sa démarche d’arrêt du tabac“.
Une méthode non approuvée par la FDA américaine
Aux Etats-Unis, l’agence du médicament, la Food and drug administration (archive) n’a pas validé la méthode du bracelet magnétique parmi les méthodes fiables pour le sevrage tabagique.
“Je n’ai jamais entendu parler de ces bracelets et, à ma connaissance, aucune recherche ne valide cette méthode“, a indiqué à l’AFP le 24 juillet Nancy Rigotti (archive) à la tête du Centre de recherche et de traitement sur le tabac à l’hôpital du Massachusetts.
La FDA conseille des traitements de substitution à la nicotine comme des patchs, des chewing-gums et des sprays, et la stimulation magnétique transcrânienne répétée (SMTr).
La SMTr est pratiquée en centre hospitalier à l’aide d’aimants puissants placés dans un casque. Cette méthode a fait ses preuves dans la dépression notamment, mais pour l’arrêt du tabac elle est encore à l’étude en France selon l’Inserm, qui détaille dans cet article de 2020 (archive): “l’idée est de moduler l’excitabilité neuronale dans des régions précises du cortex cérébral dont le fonctionnement est altéré par l’addiction. De nombreux protocoles sont en cours d’évaluation ou sur le point d’être évalués“.
Mais la magnétothérapie promue par les vendeurs de bracelet magnétique n’est pas scientifiquement reconnue, comme le rappelle cet article de Science et vie qui explique que les seuls aimants qui aient obtenu une efficacité relative sont “ceux qui produisent un champ magnétique variable (ou “pulsé”, relié à une source électrique) (…) pour favoriser la guérison de fractures non consolidées. En 2013, la collaboration Cochrane concluait qu’ils permettaient également de réduire de 15 points (sur une échelle de 0 à 100) les douleurs liées à l’arthrose“.
En France, la magnétothérapie, au même titre que d’autres “médecines douces” ou alternatives, ne fait l’objet d’aucune reconnaissance scientifique ou institutionnelle.
La volonté ne suffit pas contre une dépendance “extrêmement forte”
Près d’un tiers des Français fument. Ces chiffres, les derniers en date, montrent que la consommation de tabac ne baisse plus après des années de net déclin, selon une étude (archive) publiée en mai sous l’égide de l’agence Santé publique France, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac.
L’étude montre aussi que la consommation de tabac reste nettement plus élevée chez les Français aux plus faibles revenus (un tiers d’entre eux fument au quotidien) malgré un petit rebond chez les plus aisés.
Selon le Dr Van der Schuerer, “c’est d’abord les personnes en précarité financière qui vont être les plus tentées par les méthodes ‘miracle’” comme le bracelet magnétique, du fait de l’augmentation constante du prix du tabac. L’argument économique est d’ailleurs mis en avant sur ces sites de vente en ligne comme “Medically Health” qui calcule: “Si vous fumez un paquet par jour à 10€, cela équivaut à 300€ par mois et 3 650€ par an. En seulement 5 ans, vous économiserez 18 250€ !”.
“Le problème c’est qu’on leur vend des méthodes qui ne seront pas efficaces et en plus ne leur donneront pas de confort, car la dépendance à la cigarette est extrêmement forte et nécessite souvent un accompagnement”, regrette la spécialiste.
“En se faisant accompagner, on évite au maximum la prise de poids, l’irrritabilité“, détaille-t-elle. “Les gens pensent que c’est un problème de volonté, ils ne voient pas que l’addiction au tabac est une maladie chronique, qu’ils ont en général développé dès l’adolescence“.
Les tabacologues recommandent de se tourner vers un professionnel de santé : médecin spécialiste, généraliste, pharmacien ou même infirmier, pour se faire prescrire un substitut nicotinique, remboursé à 65% par l’assurance-maladie.
“Même un suivi par téléphone, en appelant le 3639 ou sur le site tabac info service (archive) peut vraiment aider“, assure M. Josseran, qui recommande pour l’accompagnement psychologique de se tourner vers l’association française de thérapie comportementale et cognitive, qui recense sur son site les professionnels bien formés “pour là encore éviter les charlatans“.