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Attention à cette vidéo remettant en cause le lien entre émissions de Co2 et changement climatique

Attention à cette vidéo remettant en cause le lien entre émissions de Co2 et changement climatique - Featured image

Author(s): Anne ROLANDIN / AFP France

Le rôle du Co2 lié à l’activité humaine dans le réchauffement climatique fait l’objet d’un consensus scientifique depuis plusieurs années. Pourtant, une vidéo partagée sur Facebook remet en question le lien entre les émissions de gaz à effet de serre et le changement climatique en affirmant que “la température a huit siècles d’avance sur le Co2”. Cet argument est faux. La vidéo en question est un extrait d’un documentaire publié en 2007, “La Grande arnaque du réchauffement climatique”, qui défend un discours climatosceptique. Déjà à l’époque de la réalisation de ce documentaire, le Groupement international d’experts sur le climat considérait comme “très probable” le rôle des activités humaines et de la production de Co2 qui en résulte dans le réchauffement climatique. Il est aujourd’hui, selon eux, “sans équivoque”.

Une vidéo, publiée sur Twitter puis partagée 8.900 fois sur Facebook depuis la mi-juin, prétend que “le dioxyde de carbone n’est pas la cause” du changement climatique, remettant en cause le rôle de l’activité humaine dans le réchauffement climatique. 

Capture d’écran du 29 juin 2023. – Anne ROLANDIN

Les intervenants de la vidéo se basent sur les résultats d’une étude portant sur une carotte de glace de l’Antarctique, dans la station russe de Vostok.

Ils affirment, graphique à l’appui, que les températures augmentaient déjà 800 ans avant les concentration de Co2, preuve irréfutable, selon eux, que le Co2 ne pourrait donc pas en être responsable.

A plusieurs reprises déjà, l’AFP a vérifié de nombreuses allégations sur les origines du changement climatiques (1,2,3).

D’où vient cet extrait ?

Cette vidéo est un extrait d’un documentaire britannique diffusé en mars 2007 sur la chaîne publique Channel 4 sous le nom de “The Great Global Warming Swindle” (La grande arnaque du réchauffement climatique). Son réalisateur, Martin Durkin, y conteste les conclusions du Groupement international d’experts sur le climat (GIEC) (archive). Le réchauffement climatique causé par l’homme serait selon lui “un mensonge”, voire “la plus grande arnaque des temps modernes”.

Pourtant, à l’époque de la sortie du documentaire, le GIEC, qui réunit depuis sa création en 1988 des milliers de spécialistes des sciences de l’atmosphère, des océanographes, des glaciologues et des économistes publiait déjà son quatrième rapport (archive).

Dans ces travaux, le GIEC déclarait que les changements climatiques observés et leurs effets sur les systèmes physiques et biologiques étaient “très probablement” attribuables  aux activités humaines.

Dans cette vidéo, plusieurs intervenants s’expriment, comme c’est le cas du paléoclimatologue Ian Clark (archive), professeur au Département des sciences de la Terre de l’Université d’Ottawa. Ce dernier est également affilié au Heartland Institute, un think tank américain ouvertement climatosceptique et dont plusieurs allégations concernant les origines du changement climatique ont déjà été vérifiées par l’AFP (1 et 2).

Le 23 septembre 2019, il était également cosignataire d’une lettre adressée à Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU (archivée ici) dans laquelle plusieurs centaines de signataires déclaraient qu’il n’y avait “pas d’urgence climatique”. 

Tim Ball (archivé ici), qui intervient également dans l’extrait, et qui avait pour habitude d’être présenté comme “ancien professeur de climatologie à l’Université de Winnipeg” était professeur de géographie dans cette même faculté. Il est également l’auteur d’un ouvrage “Human caused Global Warming: the biggest Deception in History” (Réchauffement climatique causé par l’homme: la plus grande tromperie de l’histoire), paru en 2016. 

Dès sa sortie, le documentaire a été vivement critiqué dans la presse, comme en atteste cet article publié (archive ici) dans le journal Le Monde.

Cycles glaciaires et interglaciaires 

Au début de cette vidéo,  le scientifique Ian Clark évoque son travail d’analyse des températures d’une carotte de glace, c’est-à-dire un cylindre de glace foré dans un glacier, situé en Antarctique dans la station russe de Vostok, ou de nombreux enregistrements ont été réalisés depuis les années 70.

Sur le graphique diffusé cette même vidéo, on observe un décalage d’environ huit cent ans entre l’augmentation des températures et celle du dioxyde de carbone. Cependant, la période sur laquelle s’étend ce graphique ne concerne qu’une échelle de temps très réduite.

Un procédé fréquemment utilisé par les climatosceptiques appelé “cherry picking “qui consiste à ne sélectionner qu’une partie de données scientifiques favorables à certains allégations.

Capture d’écran du 23 juin 2023. – Anne ROLANDIN

Ces dernières s’étendent sur une période courte, d’environ 240 000 ans avant notre ère à 237 500 ans avant notre ère. Or, à grande échelle, ce phénomène ne se confirme pas, soulignent les spécialistes interrogés par l’AFP.

On peut par exemple le constater, en comparant avec les données récoltées à Vostok, qui s’étalent sur une période beaucoup plus longue.

Etude de la carotte glacière de Vostok – Elan Ness-Cohn / Northwestern University

De “petits décalages” peuvent intervenir sur un type d’intervalle aussi court que celui montré sur le graphique extrait de la vidéo, en raison du temps de réponse des océans dans le phénomène de “rétroaction climatique”, c’est-à-dire un processus climatique, souvent un réchauffement ou un refroidissement, qui peut avoir un impact sur le climat, a expliqué le 22 juin à l’AFP le professeur Xavier Fettweis, glaciologue et climatologue à l’Université de Liège.

Concrètement, avant la phase industrielle, au XIXe siècle, “les grandes variations climatiques que l’on observe étaient liées aux paramètres orbitaux de la Terre, qui changeaient sur de très grandes périodes : 20 000, 40 000 et 100 000 ans”,  a détaillé le scientifique.  Lorsque la Terre se rapproche du Soleil, “les océans se réchauffent et relâchent du Co2, qui réchauffe la température. On a une boucle sans fin” de périodes glaciaires et interglaciaires, a-t-il ajouté.

Le graphique ci-dessus à grande échelle, qui s’étend sur une période bien plus importante que celui présenté dans la vidéo que nous étudions (jusqu’à un million d’années avant notre ère) permet d’observer que “la température est fortement corrélée à la concentration de Co2”, souligne Xavier Fettweis.

On constate ainsi que les périodes passées ont toutes suivi un rythme cyclique avec une concentration de Co2 comprises “entre 180 et 280 parties par million (ppm)”.

Le “ppm” pour “partie par million” est une unité de mesure utilisée par les experts, notamment pour calculer le taux de pollution dans l’air et plus dans l’environnement.

Or depuis la révolution industrielle, la concentration de Co2 ne cesse d’augmenter, pour atteindre 395 ppm en 2013 puis ” 420 ppm  aujourd’hui, donc beaucoup plus haut que ce qui a été observé dans le passé”, a ajouté Xavier Fettweis.

“C’est le Co2 lié à l’activité humaine qui accélère l’effet de serre et qui, à cause de cette rétroaction avec l’océan, conduit à ce qu’il perde son pouvoir de captation de Co2, ce qui ne fait qu’amplifier le réchauffement climatique”, a-t-il poursuivi.

Dans un précédent article de vérification publié par l’AFP en août dernier, Ed Hawkins, professeur de climatologie à l’université de Reading, expliquait que des fluctuations de température comparables au réchauffement actuel observé ne se sont pas produites à cette échelle de temps au cours des 10.000 dernières années.

“Les températures mondiales ont oscillé dans une large fourchette par le passé, mais ces changements mettent des dizaines de milliers d’années à se produire”, poursuit-t-il. “Ce que nous voyons au cours des 2.000 dernières années est un déclin très léger, puis tout à coup vers la fin, on voit une augmentation rapide de la température, bien au-dessus de tout ce que nous avons vu au cours des 2.000 dernières années”, notait-il.

Jean Jouzel, paléoclimatologue membre du GIEC interrogé par l’AFP le 22 juin a abondé, “Le Co2 augmente au moins des milliers d’années avant la déglaciation de la calotte sur l’hémisphère nord. Il a donc il a totalement le temps de participer à la déglaciation. On ne peut absolument pas montrer à partir des données de Vostok que le Co2 ne contribue pas à la déglaciation, au contraire”. 

“Les résultats de Vostok illustrent le lien des activités humaines sur le climat récent : une fois qu’il a commencé à augmenter dans l’atmosphère, le Co2 amplifie le réchauffement climatique. L’initiateur du changement climatique à cette échelle de temps c’est la position de la Terre sur son orbite. Le forçage astronomique est le métronome. Le Co2 est son amplificateur”, a-t-il ajouté.

Dans un article de vérification de l’AFP publié en 2019, Shaun Lovejoy, professeur de Physique à l’université McGill, au Canada expliquait déjà que si la position de la Terre par rapport au Soleil avait contribué aux différentes périodes de glaciation et de déglaciation, l’influence de la position de la Terre par rapport à son orbite n’est plus que “partiellement correcte” au regard de l’importance du Co2 lié à l’activité humaine. “En quelque 100.000 (ans), cela pourrait entraîner un changement de température de 2 degrés Celsius. Actuellement, nous faisons face à un changement de 1,1 degrés Celsius en 100 ans, soit 500 fois plus rapide“, avait-il précisé.

L’AFP a déjà vérifié des publications minimisant ou remettant en cause le lien entre émissions de Co2 et réchauffement climatique ici ou ici.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.33KT66L.