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Ce texte viral dénonçant les droits de douane imposés par Trump ne provient pas de la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum

Ce texte viral dénonçant les droits de douane imposés par Trump ne provient pas de la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum - Featured image

Author(s): Grégoire Ryckmans

Sur Internet, un texte adressé aux habitants des États-Unis et à leur président Donald Trump pour dénoncer les droits e douane qu’il veut imposer aux autres pays circule de façon virale dans plusieurs langues. Ce texte, attribué à Claudia Sheinbaum, n’a pourtant pas été rédigé par la présidente mexicaine. Il s’agit d’un pamphlet de source anonyme qui circule sous plusieurs versions depuis 2018.

Un texte signé par la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, circule sur Internet à travers des publications sur les réseaux sociaux, des chaînes de mails, sur des messageries et des sites en ligne.

La publication s’adresse aux citoyens états-uniens et commence par ces mots : « Alors, vous avez décidé de construire un mur… ». La suite se présente sous la forme d’un pamphlet pour dénoncer le mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique mais avant toutcibler la politique de fermeture de l’économie nord-américaine à travers les droits de douane imposés par Donald Trump.

Sous forme de la menace d’un boycott des produits issus de l’industrie états-unienne par le reste du monde, le contenu pointe des sociétés phares de son économie : « Il y a 7 milliards de consommateurs prêts à remplacer leur iPhone par un Samsung ou un Huawei en moins de 42 heures. Ils peuvent également remplacer Levi’s par Zara ou Massimo Duti. En moins de six mois, nous pouvons facilement arrêter d’acheter des véhicules Ford ou Chevrolet et les remplacer par une Toyota, KIA, Mazda, Honda, Hyundai, Volvo, Subaru, Renault ou BMW, qui sont techniquement bien supérieurs aux voitures que vous produisez ».

Capture d’écran d’un texte diffusé sur Internet.
Capture d’écran d’un texte diffusé sur Internet. © RTBF

La publication pointe par ailleurs la possibilité de se passer de produits culturels ou de divertissement issus de Disney ou Hollywood en les remplaçant par des « productions latino-américaines ou européennes qui ont une qualité, un message, des techniques cinématographiques et un contenu supérieurs ».

Il se finit par les conséquences de cet éventuel boycott des produits états-uniens, indiquant que « si ces 7 milliards de consommateurs n’achètent pas leurs produits, il y aura du chômage et leur économie (à l’intérieur du mur raciste) s’effondrera au point qu’ils nous supplieront de démolir le mur fatidique. Nous ne voulions pas, mais… vous vouliez un mur, vous allez avoir un mur ».

Des publications virales dans plusieurs langues et plusieurs versions

Un internaute a contacté la rédaction de Faky parce qu’il s’interroge sur l’origine de ce texte, attribué dans une publication Facebook à « la Présidente du Mexique ». Des recherches sur Internet on conduit notre lecteur à deux sites d’informations en ligne reprenant le discours attribué à Claudia Sheinbaum : « Tunisienumerique.com » et « Fondas Kréyol.org ».

Le premier lien est trouvable via une recherche par mot-clé sur Google, cependant il ne renvoie actuellement plus vers l’article : « La présidente mexicaine a osé face à Trump… » mais vers la page d’accueil du site tunisienumerique.com. Il a été supprimé. Sur le deuxième site, nous retrouvons un article publié le 4 février 2025 et titré « Bravo Claudia ! ». Il reprend les mêmes éléments que la publication Facebook après un petit texte d’introduction pour mettre en avant le « discours génial » de « Claudia Sheinbaum ».

© Capture d’écran d’une publication en ligne.

En poursuivant les recherches sur ce texte en français, en espagnol et en anglais, nous avons retrouvé de nombreux liens reprenant le même texte.

Sur Facebook, une publication en espagnol mise en ligne le 3 février 2025 a été partagée plus de 4400 fois. Elle reprend le même contenu : « Entonces, ustedes votaron por construir un muro… » et le relie également à Claudia Sheinbaum, en citant son nom et avec une photo de la présidente mexicaine en complément du texte.

Nous avons retrouvé de nombreuses occurrences de contenus similaires, avec quelques adaptations, sur FacebookInstagram ou dans des articles en ligne (12) en français. Mais aussi en anglais sur LinkedIn. La rédaction de Faky a également reçu ce message, transféré sur Whatsapp.

Un texte déjà présent sur la toile en 2018, sans lien avec Claudia Sheibaum

Une publication Facebook en espagnol mise en ligne le 27 janvier a généré plus de 25.000 partages. Différence notable dans cette version antérieure : aucun lien n’est fait cette fois avec Claudia Sheinbaum et le texte est cette fois signé « Le reste du monde ». Même chose pour une publication Facebook en portugais qui comptabilise 11.000 partages.

Plusieurs autres versions (comme ici) récentes et virales du pamphlet sont également signées dans plusieurs langues sur les réseaux sociaux : « Le reste du monde ».

En remontant dans le temps à l’aide d’une recherche avancée sur Facebook, nous avons retrouvé des versions quasi identiques du texte, publié en 2018 en espagnol avec notamment la même phrase d’accroche « Así que votaron para construir un muro… » (« Alors, vous avez décidé de construire un, mur… », en français).

Ces différentes publications sont cependant signées en anglais « The rest of the world ». Elles proposent également aux utilisateurs de le « partager à 12 personnes », dans un esprit des chaînes de mails afin de viraliser des contenus.

Un contexte différent mais des similitudes politiques

Au moment de la publication de ces premières versions du texte en 2018, c’était le premier mandat de Donald Trump à la Maison Blanche. Il avait alors promis de construire un « mur pour protéger les États-Unis de l’immigration clandestine » à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Il était aussi déjà question d’augmentation des droits de douane vis-à-vis de produits venant du Mexique ou d’Europe, par exemple. Le texte initial fait donc référence à cette période.

De son côté, Claudia Sheinbaum était la cheffe du gouvernement de la ville de MexicoElle est devenue présidente du Mexique en juin 2024. L’ancienne scientifique a réagi publiquement à plusieurs reprises aux annonces et mesures annoncées par le président des États-Unis depuis le début de son nouveau mandat, le 20 janvier 2025, qui impactent directement son pays.

C’était notamment le cas au sujet de la proposition de Donald Trump de « changer le nom du golfe du Mexique en golfe d’Amérique »Elle avait répliqué sur un ton humoristique et proposé de renommer les États-Unis, l' »Amérique mexicaine »en référence à une carte date de 1607.

Sur un ton plus grave, elle a aussi annoncé le 2 février des nouveaux droits de douane pour les produits venant des États-Unis, en réponse à l’augmentation des droits de douane de 25% sur les produits mexicains. Ceux-ci ont finalement été mis en suspens pour un mois après une discussion entre Trump et Shainbaum.

Cela n’empêche pas le fait que les relations restent tendues entre les États-Unis et le Mexique, principalement concernant la gestion de l’immigration et du trafic de drogue.

Nous n’avons cependant retrouvé aucune publication ou déclaration officielle de la présidente mexicaine la liant de près ou de loin au pamphlet viral sur Internet.

Un contenu porteur dont la source est inconnue

La source exacte du texte qui circule massivement en ligne dans plusieurs langues est très difficile à identifier, en raison du temps écoulé depuis les premières apparitions et la facilité de récupérer et publier du texte pour chaque internaute. Il est cependant établi que la base du contenu de ce texte date au moins de 2018, dans un contexte où les thématiques du « mur » et « des droits de douane » étaient déjà portés par Donald Trump, lors de son premier mandat à la Maison Blanche.

Ces publications, qui visent à dénoncer les mesures de protectionnisme économique soutenues par Donald Trump, ont été remises au goût du jour et ont parfois été attribuées de façon erronée à l’actuelle présidente mexicaine, afin d’en accentuer la portée.