La variole du singe servirait à cacher une flambée d’effets indésirables dus aux vaccins anti-Covid, prétendent de nombreuses publications sur les réseaux sociaux. Elles affirment notamment que les éruptions cutanées généralement associées à la variole du singe seraient en réalité dues au zona et à l’herpès. Cette théorie est pourtant infondée : les cas de variole du singe ne peuvent pas être confondus avec d’autres maladies car ils nécessitent, pour être confirmés, un test biologique permettant d’identifier précisément ce virus ou sa famille de virus, qui est différente de celle du zona et de l’herpès, a expliqué la Direction générale de la santé à l’AFP. La hausse récente de cas de variole du singe dans des zones non endémiques ne peut pas non plus être attribuée à la vaccination anti-Covid, car celle-ci est incapable de “déclencher” la maladie, pointent des spécialistes.
“La variole du singe n’est qu’une excuse ! C’est le désastre des vaccins Covid, il a été causé à 100 % par les vaccins Covid. Les éruptions cutanées sont les conséquences des vaccins Covid !”, avance un internaute dans un tweet publié le 25 mai et partagé plus de 1.200 fois depuis (1, 2).
“Le zona causé par le vaccin Covid-19 ressemble étrangement à la variole du singe”, titre de son côté un article de blog du site Geopolintel.
“La variole du singe sert à dissimuler les dommages causés au système immunitaire par la vaccination contre le COVID, qui entraîne un zona, une maladie auto-immune et une infection par l’herpès”, prétend encore un article de blog publié le 1 juin sur le site Résistance.
Depuis la détection de cas de la variole du singe en Europe début mai, des messages similaires affluent, pointant le fait que le zona figure parmi les “signaux potentiels ou événements déjà sous surveillance”de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour les vaccins anti-Covid de Pfizer, Moderna et Janssen.
Pour eux, les cas de variole du singe détectés en Europe pourraient donc être confondus avec des cas de zona provoqués par la vaccination anti-Covid.
Cette théorie a été reprise en espagnol, en anglais et en portugais.
Qu’est-ce-que la variole du singe?
La variole du singe (“monkeypox” en anglais) ou “orthopoxvirose simienne” est une maladie considérée comme rare, connue chez l’être humain depuis 1970.
Le virus a été découvert pour la première fois en 1958 au sein d’un groupe de macaques qui étaient étudiés à des fins de recherche, d’où son nom, explique l’Inserm. Plus de 60 ans avant le développement des premiers vaccins contre le Covid-19.
“Contrairement au SARS-CoV-2 au moment de son apparition, il s’agit donc d’un virus que l’on connaît déjà bien depuis plusieurs décennies”,précise l’Institut national de recherche médicale.
L’incubation peut en général aller de 5 à 21 jours et les symptômes ressemblent, en moins grave, à ceux que l’on observait dans le passé chez les sujets atteints de variole (“smallpox” en anglais) : fièvre, maux de tête, douleurs musculaires, dorsales, au cours des cinq premiers jours. Puis apparaissent des éruptions cutanées.
La variole du singe guérit en général spontanément et les symptômes durent de deux à trois semaines. Les cas graves se produisent plus fréquemment chez les enfants et sont liés à l’ampleur de l’exposition au virus, à l’état de santé du patient et à la gravité des complications.
L’infection des cas initiaux résulte d’un contact direct avec du sang, des liquides biologiques ou des lésions cutanées ou muqueuses d’animaux infectés. En l’état actuel des connaissances, la transmission secondaire, c’est-à-dire interhumaine, peut résulter de contacts étroits avec des sécrétions infectées des voies respiratoires, des lésions cutanées d’un sujet infecté ou d’objets récemment contaminés par des liquides biologiques ou des matières provenant des lésions d’un patient.
Depuis 1970, des cas humains de variole du singe ont été signalés dans une dizaine de pays africains, puis au printemps 2003, confirmés aux États-Unis.
En mai 2022, plusieurs cas ont cette fois été décelés dans des pays où la variole du singe n’avait pas été détectée précédemment. “L’Europe reste l’épicentre de cette vague en pleine expansion, 25 pays ayant signalé plus de 1.500 cas, soit 85% du total mondial“, a dit lors d’une conférence de presse donnée le 15 juin Hans Kluge, le directeur de l’OMS Europe.
Une confirmation en laboratoire
Comme le suggèrent les publications sur les réseaux sociaux, les symptômes associés à la variole du singe, notamment la fièvre mais aussi les éruptions cutanées, peuvent ressembler à ceux d’autres maladies infectieuses comme la varicelle, la rougeole ou la variole classique (officiellement éradiquée en 1980).
Lire aussi : Pourquoi la France possède-t-elle un stock de vaccins contre la variole, maladie éradiquée il y a 40 ans ?
Pour cette raison, “la mission nationale de Coordination Opérationnelle Risque Épidémique et Biologique a mis en ligne sur son site internet une fiche d’aide au diagnostic dermatologique et au traitement symptomatique [qui] propose une aide aux médecins pour différencier la variole du singe d’autres maladies aux symptômes similaires comme la varicelle, la syphilis et une infection par le virus herpès notamment”,a expliqué la Direction générale de la santé à l’AFP le 15 juin.
Toutefois, les cas aujourd’hui confirmés en France sont nécessairement des personnes atteintes de variole du singe puisqu’il est “également demandé de confirmer biologiquement tous les cas suspects de Monkeypox, par la réalisation d’un test PCR permettant de détecter, selon la [technique] PCR utilisée, un orthopoxvirus ou directement le Monkeypox virus”,a pointé la DGS.
Si certains symptômes peuvent être similaires, la variole du singe et le zona ou l’herpès ne sont, en effet, pas causés par le même virus, a expliqué dans un précédent article de l’AFP publié le 26 mai Isaac Bogoch , professeur à la Temerty School of Medicine de l’Université de Toronto.
Le zona et la variole du singe, deux maladies caractérisées par des lésions cutanées, sont “différentes, ont une transmission différente et sont produites par des virus différents”, a abondé le 2 juin Vivian Luchsinger , virologue de l’Université du Chili.
Autrement dit, le diagnostic permis par un test PCR sur les lésions (liquide, vésicules…) ne laisse pas de place à l’erreur puisque la variole du singe est causée par un orthopoxvirus de la famille des poxviridae (la même que celle de la variole).
Le zona, lui, est causé par le virus varicelle-zona et l’herpès par le virus de l’herpès, tous deux issus de la famille des herpèsvirus.
Comme ces virus appartiennent à des familles différentes, ils sont impossibles à confondre d’un point de vue morphologique, a détaillé le 9 juin Giliane Trindade, chercheuse au Département de microbiologie de l’Institut de l’Université fédérale du Minas Gerais, au Brésil :““Il n’y a aucune chance qu’en laboratoire, ils soient confondus (…) Si vous deviez les visualiser au microscope à haute résolution, ils ont des particules virales, ils ont des formes absolument différentes. Il est impossible de les confondre. Et, d’un point de vue génétique, ils sont aussi très différents. C’est comme comparer un chat avec un chien.”
“Une fois le diagnostic posé, la variole du singe est une maladie à déclaration obligatoire, ce qui permet de suivre l’évolution du nombre de cas”,précise le site de l’Assurance maladie.
Aucun lien avec la vaccination anti-Covid
S’il est clair que les cas confirmés de variole du singe sont bien dus à cette maladie, certains internautes avancent cependant que ce serait la vaccination anti-Covid qui en serait la cause.
Mais cette thèse va à l’encontre du consensus scientifique actuel. “Il n’y a aucune raison de dire que l’épidémie de variole du singe serait liée aux vaccins“, a expliqué à l’AFP David Heymann , professeur d’épidémiologie des maladies infectieuses à la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM) .
Dans la base de données PubMed de la Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis, on ne trouve pas de publication allant en ce sens étude.
L’infectiologue Román Zucchi, de l’hôpital Sanatorio Sagrado Corazón de la ville de Buenos Aires, a expliqué le 8 juin à l’AFP qu’il n’y a “aucun argument biologique en faveur”de la thèse selon laquelle la variole du singe serait une conséquence de la vaccination anti-Covid. “Ce n’est ni probable, ni possible”, a-t- il souligné.
Le spécialiste a expliqué que les vaccins utilisés contre le Covid-19 n’ont pas la capacité de “générer”des virus, et encore moins un type de virus qui ne partage pas la même nature que le SARS-CoV-2. Le virus du Covid-19 appartient en effet à la famille des coronaviridae (les “coronavirus”) alors que la variole du singe est causée par un orthopoxvirus de la famille des poxviridae .
A ce jour, l’origine de la multiplication actuelle de cas de la maladie et ses caractéristiques particulières sont encore à l’étude .
Cette théorie avait commencé à circuler lorsque des internautes ont mis en avant l’utilisation d’un adénovirus de chimpanzé dans le processus de création du vaccin AstraZeneca.
“De nombreuses rumeurs et fausses informations se propagent déjà sur internet, notamment concernant un possible lien entre la maladie et les vaccins anti-Covid qui utilisent un adénovirus de chimpanzé comme vecteur viral. Ce lien n’est absolument pas fondé, tout d’abord parce que ce virus n’est pas spécifique aux singes (…) Ensuite, parce qu’il fait partie de la famille des poxvirus et non des adénovirus”, détaille l’Inserm sur son site dans une fiche du 23 mai 2022.
L’AFP avait déjà vérifié cette affirmation dans un précédent article.