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Élections fédérales allemandes : la désinformation et les tentatives d’ingérences pèseront-elles sur les résultats ?

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Author(s): Grégoire Ryckmans avec Rémy Brichart

Alors que les électeurs allemands se rendront aux urnes ce dimanche, le pays est confronté depuis plusieurs mois à des tentatives d’influence et d’ingérence extérieures. Ces initiatives en vue d’orienter le débat politique allemand se sont manifestées parfois très visiblement, sous la forme de soutiens ouverts à des idées ou à des partis politiques. Elles sont également apparues sous des formes plus discrètes, notamment à travers des campagnes de désinformation en ligne davantage déguisées. Dans l’espace numérique allemand, des publications trompeuses ont été publiées, parfois avec le recours de l’intelligence artificielle. Si l’impact concret de ces stratégies visant à peser sur les résultats électoraux en Allemagne est difficile à évaluer à ce stade, il est certain que les résultats des urnes seront observés de près à l’étranger. En raison notamment du positionnement central du pays et de son rôle prédominant dans la politique de l’Union européenne.

Ce  23 février, près de 60 millions d’électrices et d’électeurs sont appelés aux urnes pour élire les 630 députés fédéraux qui composeront le prochain Bundestag. Le chancelier sortant, le socialiste Olaf Scholz (SPD) s’est efforcé ces dernières semaines de réduire l’avance de Friedrich Merz, le candidat démocrate chrétien (CDU) en tête des intentions de vote. Pourtant, les socialistes allemands sont encore loin de la deuxième place, actuellement au coude à coude avec les Grünen (parti écologiste). Mais ils sont surtout devancés par l’AfD.

« L’Alternative pour l’Allemagne », placée à l’extrême droite de l’échiquier politique allemand, est donnée depuis plusieurs mois en deuxième position dans les sondages d’intention de vote.

Le parti, dirigé depuis 2022 par Alice Weidel, compte aujourd’hui 76 représentants au sein de l’assemblée parlementaire fédérale allemande. Il pourrait voir son contingent grossir considérablement le 23 février prochain. Crédité de 10,3% des votes en 2021, le parti flirte dorénavant de façon constante avec la barre des 20%. Une évolution qui pourrait impacter de façon significative la constitution du nouveau parlement, voire les négociations en vue de former une nouvelle majorité.

Les clefs de cette potentielle percée électorale de l’AfD sont d’abord à chercher dans les mécanismes de la politique interne allemande, notamment la chute de la coalition au pouvoir ou à travers le clivage persistant entre ex-Allemagne de l’Est et ex-Allemagne de l’Ouest. Mais l’avance du parti d’extrême droite sur ses concurrents en termes de stratégie digitale et l’intérêt de personnalités et groupes d’influences hors Allemagne ne pourraient y être totalement étrangères.

Après l’annulation du second tour des élections présidentielles en Roumanie suite à l’accession surprise du candidat d’extrême-droite Calin Georgescu, sous fond de cyber manipulations et d’allégations d’ingérence russe, les résultats de l’élection allemande seront-ils, eux aussi, impactés par les campagnes de désinformation et les tentatives d’ingérences ?

« Doppelganger » et « Pravda » : des tentatives russes « d’influencer le débat public »

Dès le mois de février 2022, des campagnes de désinformation russes en vue de « tenter d’influencer le débat public » ont été identifiées en Allemagne, en lien avec la guerre en Ukraine.

L’opération « Doppelganger » (terme allemand qui se traduit par sosie) a d’abord touché plusieurs pays européens. Elle s’est notamment manifestée sous la forme de faux articles en ligne de médias de presse renommés. Les logos et chartes graphiques de ces médias ont été imités afin de promouvoir des narratifs pro-Kremlin alors que la Russie avait envahi l’Ukraine et que cette dernière a reçu le soutien de l’Union européenne.

Si l’opération Doppelgänger porte un nom allemand c’est parce que l’ONG EU DisinfoLab a identifié qu’elle avait débuté en Allemagne, où de faux articles de Der Spiegel, du Bild, de Die Welt ou du Süddeutscher Zeitung ont été publiés sur internet et diffusé via les réseaux sociaux. Selon nos confrères du média allemand BR24, l’opération est toujours active sur le réseau social X, notamment dans le but de décrédibiliser les Grünen, la CDU mais aussi l’ancien chancelier Olaf Scholz (SPD) tout en soutenant les messages portés par l’AfD. Le tout sur fond de ressentiment face à l’ancien gouvernement fédéral et au soutien du pays à l’Ukraine.

Nos confrères de BR24 nous ont indiqué que le groupe de réflexion allemand Center für Analyse, Monitoring und Strategie (CeMAS) a identifié une augmentation des messages de la campagne Doppelgänger visant le principal candidat Friedrich Merz (CDU) entre le 27 décembre 2024 et le 2 février 2025.

En parallèle, des sites aux sources très variées ont également publié du contenu favorable à la Russie, et de la désinformation à travers la campagne « Pravda » (qui signifie « vérité en russe). L’opération a touché jusqu’à 19 pays membres de l’UE en avril 2024, à quelques semaines des élections européennes. Cette campagne s’inscrit également dans le cadre d’un réseau plus large de propagande pro-russe nommé « Portal Kombat », en référence à la stratégie d’information offensive mise en place à partir de février 2022 par les acteurs qui administrent ces portails numériques.

Selon le rapport de l’agence française Viginum publié en février 2024 : « L’objectif principal semble être de couvrir le conflit russo-ukrainien en présentant positivement ‘l’opération militaire spéciale’ et en dénigrant l’Ukraine et ses dirigeants » mais aussi de cibler « plusieurs pays occidentaux qui soutiennent l’Ukraine et sa population ».

Si cette opération de désinformation russe a pris de l’ampleur entre février 2023 et mai 2024, le réseau de fact checking EDMO (European Digital Media Observatory) qui a analysé la campagne de désinformation russe indique cependant que « malgré la large diffusion du réseau et le volume élevé des publications, l’impact des sites web de la Pravda a été très faible ». Il se pourrait que cette première opération ait été une sorte de test de résilience des autorités locales et européennes.

Car, en effet, l’histoire ne s’arrête pas là. Quelques mois plus tard, après la chute du gouvernement de coalition allemand (Parti social-démocrate, Les Verts et le Parti libéral-démocrate, ndlr) et l’annonce d’élections anticipées, d’autres campagnes de désinformation venues de l’étranger se sont à nouveau focalisées sur l’Allemagne.

« Storm-1516 », une opération de désinformation lancée après la chute du gouvernement

Le média allemand de vérification des faits CORRECTIV a révélé qu’une campagne de désinformation russe opérait dans l’espace digital allemand et avait créé une centaine de faux sites web afin d’influencer la campagne électorale depuis le mois de novembre 2024. Son nom de code : « Storm-1516 ».

Dans plusieurs cas, cette désinformation s’est manifestée sous la forme de deepfakes ou par le biais d’autres techniques ayant recours à l’intelligence artificielle. Parfois avec l’utilisation manifeste de ChatGPT et de traductions automatisées.

Dans un faux article et une fausse vidéo, le candidat des Verts, Robert Habeck, a été accusé d’avoir abusé d’une jeune femme il y a plusieurs années, par exemple. D’autres affirmations soutenues par la campagne de désinformation en ligne ont avancé sans aucun fondement notamment que :

  • La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock a fait appel aux services d’un gigolo lors de ses voyages en Afrique.
  • Marcus Faber, chef de la commission parlementaire allemande de la défense, était un agent russe.
  • L’armée allemande prévoyait de mobiliser 500.000 hommes pour une opération en Europe.
  • L’Allemagne avait signé un accord migratoire pour faire venir 1,9 million de Kényans en Allemagne.

Selon Leonie Pfaller, qui a travaillé sur l’enquête de NewsGuard et qui a été interrogée par BR24, cette campagne a le potentiel d’être plus largement diffusée, car de nombreux URL identifiés par son équipe ne sont pas encore actifs.

John Mark Dougan : un homme déjà actif lors des élections présidentielles aux USA

John Mark Dougan dans une vidéo diffusée sur le réseau social X, le 7 février 2025. © Capture d’écran X

Selon CORRECTIV, il apparaît que cette campagne est liée à la célèbre agence de recherche Internet russe IRA. Mais aussi à un ancien policier étasunien rémunéré par le renseignement militaire russe (GRU) : John Mark Dougan. Un homme bien connu des observateurs de la désinformation.

Cet ancien shérif adjoint de la ville de Palm Beach, en Floride, est réfugié en Russie depuis 2016. Il est qualifié par France 24 de « premier ‘troll’ américain à la solde de Vladimir Poutine ». C’est en 2022 avec la guerre en Ukraine qu’il se fait connaître en prenant la défense de la Russie qui a envahi le sol ukrainien et en avançant, sans preuve, que les États-Unis y avaient installé des « laboratoires de fabrication d’armes biologiques ».

Mais s’il a davantage fait parler de lui, c’est surtout parce que Dougan était déjà impliqué lors de la dernière campagne présidentielle aux États-Unis. La start-up active dans le domaine de la lutte contre la désinformation NewsGuard a identifié qu’il était derrière la création de faux sites et de fausses vidéos afin de décrédibiliser l’Ukraine et de promouvoir de la désinformation favorable à la Russie auprès d’un public étasunien, alors appelé à se prononcer entre la démocrate Kamala Harris et l’homme soutenu par le parti républicain, Donald Trump.

L’homme utilise l’IA pour sa stratégie et fabrique des fausses informations, comme celle impliquant Kamala Harris dans un délit de fuite après avoir renversé une jeune fille de 13 ans.

Après les États-Unis, Dougan a dans son viseur les élections allemandes de février 2025.

Le 23 janvier 2025, NewsGuard détaillait les objectifs et les cibles actuels de son réseau « Storm-1516 » : promouvoir « des points de vue populistes et eurosceptiques, en publiant des contenus favorables au parti « Alternative pour l’Allemagne » (AfD), connu pour ses positions nationalistes et anti-UE. Dans le même temps, le réseau cible régulièrement des partis traditionnels tels que le Parti vert allemand, dont les positions sur l’indépendance énergétique par rapport à la Russie et le soutien à l’Ukraine et à l’OTAN sont contraires aux intérêts de Moscou. »

Elon Musk : un soutien de poids pour Alice Weidel ?

Elon Musk, propriétaire de Tesla et de la plateforme X (anciennement Twitter), participe à un symposium sur la lutte contre l’antisémitisme intitulé « Never Again : Lip Service or Deep Conversation » à Cracovie, en Pologne, le 22 janvier 2024. © Beata Zawrzel/NurPhoto via Getty Images

 

John Mark Dougan n’est pas le seul acteur étranger à vouloir tenter d’influencer le résultat des urnes de ce dimanche.

De façon beaucoup plus visible depuis l’étranger, Elon Musk a apporté son soutien par visioconférence au parti d’extrême droite AfD lors d’un meeting électoral en Allemagne le 25 janvier dernier. Une intervention qui n’a pas surpris puisque, après s’être investi de près dans la campagne électorale de Donald Trump, le milliardaire avait soutenu publiquement et à plusieurs reprises le parti allemand dans des publications sur son réseau social X.

La ministre fédérale de l’Intérieur, Nancy Faeser, considère que l’ingérence d’Elon Musk dans la campagne électorale est une attaque contre la démocratie. Cependant, si les déclarations ouvertes de soutien de l’AfD par le milliardaire ont suscité de vives réactions, également de la part du chancelier Scholz qui lui reproche de soutenir l’extrême droite, elles n’ont rien d’illégal.

Il s’agit d’une forme de tentative d’ingérence d’un acteur puissant mais à part envisager un boycott ou une interdiction de sa plateforme X sur le territoire allemand, la liberté d’expression et le jeu de la démocratie permettent ce genre de prises de position.

Pourtant, un tribunal allemand a infligé une défaite juridique à X, la société d’Elon Musk, le 7 février dernier en décidant que la plateforme devait immédiatement fournir aux chercheurs un accès aux données sur les contenus à caractère politique avant les élections du 23 février.

Deux associations allemandes avaient déposé plainte en justice, accusant le réseau social d’avoir bloqué les efforts visant à analyser les éventuelles interférences électorales en ne leur accordant pas l’accès à des données sur l’engagement des contenus – y compris les likes, les partages et les mesures de visibilité – que d’autres plateformes ont mises à la disposition des chercheurs, notamment dans le cadre du DSA, le « Digital services Act » mis en place par l’Union européenne pour lutter contre la désinformation en ligne.

Le tribunal régional de Berlin s’est rangé du côté des plaignants et a émis une injonction urgente qui oblige X à fournir un accès en temps réel aux données demandées via son interface en ligne jusqu’au 25 février. Le jugement a également condamné X à payer les frais de justice et impose une amende de procédure de 6000 euros. Une décision contestée par X, qui n’a réagi que onze jours plus tard en indiquant qu’il s’agissait d’une décision qui « porte gravement atteinte à (son) droit fondamental » et « menace les droits à la vie privée et la liberté d’expression de (ses) utilisateurs ».

Enfin, un rapport du « Centre for AI and Digital Humanism » indique que les publications de l’AfD bénéficient d’une visibilité disproportionnée sur le réseau social d’Elon Musk, en comparaison avec celle des autres partis, et ce notamment à l’aide de bots qui amplifient les messages. Cette mécanique daterait de la discussion entre Musk et Heidel sur la plateforme du milliardaire.

Risque d’interférence pris au sérieux par les autorités

Les services de renseignement allemands sont loin de découvrir ces menaces d’ingérence qui pèsent sur le scrutin à venir. Là où elles peuvent tenter d’agir c’est sur la lutte contre les FIMI (pour « Foreign Information Manipulation and Interference », ndlr), des tentatives d’interférences par des moyens illégaux.

En octobre dernier, l’agence allemande de renseignement (BfV) alertait contre une augmentation des activités d’espionnage et de sabotage parrainées par la Russie. Le 29 novembre 2024 elle a mis en place un groupe de travail pour empêcher toute tentative d’un État étranger d’influencer les prochaines élections fédérales.

Des chercheurs se sont aussi inquiétés de l’impact potentiel d’opérations de hacking et des campagnes de désinformation visant à « influencer l’opinion publique » ou à « semer la division ». La présidente de l’agence allemande de cybersécurité (BSI) Claudia Plattner, rappelait à la presse le 6 décembre 2024 qu' »il y a des forces à l’intérieur et à l’extérieur de l’Allemagne qui ont intérêt à attaquer le processus électoral et à perturber l’ordre démocratique ».

Un parti en avance dans sa capacité à influencer le débat en ligne

Pourtant, le plus grand danger au niveau de la désinformation pourrait bien venir de l’intérieur.

Les risques identifiés en interne par les autorités concernent notamment les stratégies mises en place par les partis identifiés comme « antidémocratiques » et leurs capacités à amplifier leurs narratifs sur les réseaux sociaux ou à diffuser du contenu trompeur en ayant recours à l’intelligence artificielle.

En effet, des techniques de plus en plus sophistiquées et en même temps davantage accessibles permettent la création et la diffusion de « réalités alternatives ». L’IA s’imposant au fil de son développement comme un nouveau défi posé dans la lutte contre la désinformation.

En janvier dernier, alors que la Californie était en proie à de violents incendies, des vidéos diffusées sur TikTok affirmaient que le manoir à 90 millions d’euros du chancelier allemand Olaf Scholz à Hollywood avait brûlé, tout comme celle de la présidente du parti écologiste allemand Franziska Brantner.

Dans ce domaine, Katja Munoz, chercheuse au Centre de géopolitique, de géoéconomie et de technologie du groupe de réflexion allemand des relations étrangères basé à Berlin, déclarait le 6 décembre dernier à la Deutsche Welle qu’aucun parti n’avait construit une « infrastructure numérique » plus importante que l’AfD pour promouvoir ses narratifs en ligne.

Une vidéo et des influenceurs générés par IA, pour soutenir l’AfD

Manifestation tangible de cette stratégie, la section du land de Brandenburg de l’AfD a mis en ligne début février 2025 une vidéo de campagne électorale générée par l’IA qui met en scène des personnalités politiques d’autres partis.

Dans cette séquence diffusée notamment sur Instagram, des hommes noirs commettent des agressions et vendent de la drogue. Des éoliennes détruites gisent au sol. La vidéo met aussi en scène des sosies générés par l’IA de deux ministres fédéraux. Karl Lauterbach (SPD) est emmené menotté par des policiers alors que Robert Habeck (Grüne) apparaît comme un éboueur.

Capture d’écran d’une vidéo diffusée par « l’AfD Brandenburg » sur Instagram utilisant de l’intelligence artificielle. © Capture d’écran Instagram

L’IA permet « l’émotionalisation » du débat politique

Si la manipulation est clairement reconnaissable malgré l’absence d’étiquetage de l’utilisation l’IA, l’AfD mise délibérément sur « l’émotionalisation ».

Les experts interrogés par la rubrique de fact checking du média « Bayerische Rundfunk« , ont mis en garde contre les effets à long terme de tels contenus, car ils peuvent renforcer les convictions politiques existantes et contribuer à la polarisation sociale.

Autre exemple de l’utilisation de l’IA, la création de faux influenceurs favorables à l’AfD.

Si ce phénomène a déjà été observé, notamment en France avec l’apparition sur TikTok d’une nouvelle figure (entièrement créée) féminine dans la famille Le Pen, l’ampleur du procédé dans le cadre d’une campagne électorale suscite de nombreuses questions, notamment avec les capacités de l’IA de rendre les contenus de plus en plus réalistes.

L’AfD est-il pour autant le seul parti à avoir recours à l’IA pour produire des contenus en ligne ? « À notre connaissance, aucun autre parti politique allemand n’a utilisé l’IA de cette manière pour sa campagne. Toutefois, il y a eu des cas individuels – par exemple, en novembre dernier, le député social-démocrate Bengt Bergt a partagé un deepfake représentant Friedrich Merz. Cela a suscité un tollé parmi les hommes politiques, y compris les membres de son propre parti. Bergt s’est finalement excusé auprès de Merz et a supprimé la vidéo », indique Jana Heigl, journaliste spécialisée dans le fact checking pour #Faktenfuchs du Bayerischer Rundfunk.

Une élection observée bien au-delà des frontières allemandes

L’influence des campagnes de désinformation et des interventions extérieures sur le vote des Allemands demeure difficile à mesurer avec précision.

Jana Heigl souligne qu’aucune étude ne permet d’établir un lien direct entre ces stratégies et les intentions de vote. Pourtant, un élément frappe selon elle : « Il est notable que toutes les institutions et tous les experts consultés par mon équipe (ministère de l’Intérieur, ministère des Affaires étrangères, Bundesverfassungsschutz, NewsGuard et CeMAS) se sont principalement concentrés sur les campagnes pro-russes lorsqu’ils ont été interrogés sur la question de l’ingérence dans les élections allemandes », reléguant donc au second plan le rôle d’Elon Musk et son soutien affiché à l’AfD.

Mais au-delà des stratégies d’influence et des interférences numériques, le scrutin de ce 23 février s’annonce comme un tournant politique majeur pour l’Allemagne.

Le vote commun entre la CDU/CSU et l’AfD sur la politique migratoire a brisé un tabou en mettant fin au cordon sanitaire qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, isolait l’extrême droite du jeu parlementaire.

Une « erreur impardonnable » pour le chancelier Scholz, qui a vu dans cette alliance un glissement idéologique lourd de conséquences. Dans la rue, des citoyens se sont mobilisés : le 8 février, plus d’un quart de million de manifestants se sont rassemblés à Munich, dénonçant cette normalisation de l’AfD.

Pourtant, malgré cette levée de boucliers, les sondages prédisent une montée en puissance du parti d’extrême droite, qui pourrait franchir un cap historique. Qu’elle se traduise par une percée électorale ou une résistance dans les urnes, cette élection livrera un verdict scruté bien au-delà des frontières allemandes.

Pour l’Europe, pour les démocraties occidentales et pour les observateurs de la désinformation, ce 23 février pourrait être un marqueur, révélant à la fois les failles du système et sa capacité de résilience face aux ingérences.

Focus