Une idée largement répandue, notamment sur les réseaux sociaux, suggère que les moustiques choisissent de préférence des personnes qui ont le sang sucré pour les piquer. Cependant, d’après plusieurs études scientifiques, ils seraient plutôt attirés par les odeurs corporelles (comme la sueur), le CO2 que nous expirons, la chaleur du corps ou les couleurs sombres. Il y a également d’autres paramètres multisensoriels complexes qui peuvent entrer en compte dans le choix des moustiques de piquer tel ou tel individu comme l’humidité ou les bactéries présentes sur notre peau. Cela dépend également largement du type de moustique rencontré.
Alors que certaines personnes peuvent passer tout l’été sans souffrir de piqûres de moustiques, d’autres sont systématiquement prises pour cibles, peu importent les méthodes utilisées pour tenter de les éloigner.
Parmi les explications régulièrement avancées pour tenter d’expliquer pourquoi les moustiques ciblent davantage certaines personnes que d’autres, le fait d’avoir le “sang sucré” revient fréquemment.
C’est également le cas sur les réseaux sociaux où des internautes associent les nombreuses piqûres de moustiques qu’ils subissent à la teneur en sucre de leur sang.
Le sang humain n’est pas “sucré”
Selon ces publications, les moustiques seraient donc particulièrement attirés par le “sang sucré”.
Cette qualification proviendrait de l’alimentation de chacun qui serait plus ou moins portée sur le sucre et qui aurait donc un impact sur le goût de son sang. Cela n’a cependant pas de fondement scientifique, parce que le sang humain n’est pas à proprement parler “sucré” :
- Premièrement, la concentration normale de glucose dans le sang à jeun n’est que de 3,9 à 5,8 mmol/l. Même chez les patients souffrant d’hyperglycémie, la concentration n’est que de 7,0 mmol/L environ. Une telle concentration de glucose dans le sang ne peut pas être reconnue par les papilles gustatives.
- Deuxièmement, les sels minéraux présents dans le plasma de notre sang lui donnent d’ailleurs plutôt un petit goût salé.
Le taux de sucre dans le sang n’a pas d’impact sur le choix des moustiques
Après l’accouplement, les femelles moustiques ont besoin de sang pour développer les protéines nécessaires à la ponte de leurs œufs. C’est pour cette raison qu’elles recherchent d’autres êtres vivants pour s’alimenter. Les moustiques mâles ne piquent pas alors que les femelles recherchent leurs proies, plantent leurs stylets dans les vaisseaux sanguins, puis aspirent le sang avec leur trompe en forme de seringue.
“Les femelles moustiques sont également à la recherche de cholestérol car les insectes sont incapables d’en fabriquer alors qu’il est nécessaire à leur développement. Ce cholestérol, les insectes vont pouvoir le trouver par exemple dans le sang humain”, explique Pierre Rasmont, directeur du laboratoire de zoologie de l’UMons.
Afin de couvrir leurs besoins énergétiques, les moustiques s’alimentent par ailleurs de nectars ou du jus sucrés des fleurs. C’est potentiellement pour cette raison que certaines personnes associent cette idée de “sang sucré” qui attirerait les moustiques, car les femelles ont effectivement besoin de sucres pour se développer.
Cependant, cette assertion faisant le lien entre le taux de sucre dans le sang humain et l’attrait pour la femelle moustique n’a pas non plus de fondement scientifique. En effet, les insectes n’ont pas la capacité d’analyser la concentration de sucre dans le sang avant de choisir de piquer telle personne plutôt que telle autre.
En revanche, d’après plusieurs publications, dont une étude scientifique menée en 2004, le groupe sanguin pourrait avoir un impact dans le choix des femelles Aedes albopictus (communément appelé “moustique tigre”) de se diriger vers un être humain plutôt qu’un autre : les personnes de type O seraient dès lors plus susceptibles d’attirer cette espèce de moustiques que celles de type A ou B. Selon les chercheurs japonais qui ont mené l’étude, certains humains sécrètent un signal chimique à travers leur peau qui informe le moustique sur le type de groupe sanguin : ceux-ci peuvent s’y référer donc pour choisir leurs proies.
Un intérêt particulier pour certaines odeurs
Mais au-delà de cette préférence possible pour les personnes de type O, comment expliquer l’attirance des moustiques femelles pour certains humains plutôt que d’autres ?
L’élément de réponse principal tient au fait que les moustiques préfèrent certaines “odeurs” de peau, que seuls eux perçoivent, à travers le CO² que les êtres humains produisent, en expirant.
En effet, comme l’indique le site d’information scientifique “Live Science”, les moustiques se servent principalement du paysage chimique invisible de l’air qui nous entoure pour localiser leurs proies. Les femelles tirent parti de ce paysage en utilisant des comportements et des organes sensoriels spécialisés pour trouver leurs victimes en suivant les traces chimiques subtiles que leur corps laisse derrière lui.
En particulier, les moustiques se fient au dioxyde de carbone pour trouver leurs hôtes. Lorsque nous expirons, le dioxyde de carbone de nos poumons ne se mélange pas immédiatement à l’air. Il reste temporairement dans des “nuées” que les moustiques peuvent suivre, potentiellement jusqu’à une distance de 50 mètres.
Acide lactique, température du corps, consommation de bière, couleurs sombres…
Le directeur du laboratoire de zoologie de l’UMons explique que les critères de sélection des moustiques peuvent varier d’une espèce à l’autre : “Il y a beaucoup d’espèces de moustiques et de genre différents, certains piquent la nuit, d’autres le jour, certains sont actifs dans la forêt, d’autres hors de la forêt. Même en Belgique, nous avons différentes espèces qui ont des comportements et des cibles différents. Par exemple, le moustique tigre pique le jour n’importe où sur le corps alors que l’Anophèle, pique davantage aux pieds et aux chevilles. D’autres visent davantage les articulations des mains.”
Pour faire leur choix, les moustiques prennent en compte plusieurs paramètres comme :
- La quantité de CO2 (dioxyde de carbone) émise par l’individu,
- La vapeur d’eau émise,
- La quantité d’acide lactique produite (produit notamment lors de l’effort physique),
- Ou encore la température du corps. Plus cette dernière sera élevée, plus elle attirera potentiellement les moustiques femelles.
Par ailleurs, les personnes ayant un taux métabolique plus élevé produisent plus de dioxyde de carbone, c’est notamment le cas des personnes de grande taille, en surpoids ou les femmes enceintes, comme le note NBC. Ce qui explique pourquoi ces personnes soient potentiellement plus sujettes aux piqûres que les autres.
Des scientifiques ont également étudié une possible corrélation entrer l’attractivité d’un sujet pour les moustiques avec les colonies de bactéries qui vivent sous la peau de chaque individu. Selon cette étude publiée en 2011, avoir de grandes quantités de seulement quelques types de bactéries rendait la peau plus attrayante pour les moustiques.
En revanche, il est surprenant de constater que la présence d’une grande quantité de bactéries, mais réparties entre une plus grande diversité d’espèces de bactéries différentes, semble rendre la peau moins attrayante. Cela pourrait également expliquer pourquoi les moustiques sont particulièrement enclins à piquer nos chevilles et nos pieds : les colonies de bactéries y sont naturellement plus robustes.
“Ces bactéries font partie du microbiome cutané qui est unique pour chaque être humain. Ce microbiome est notamment responsable des odeurs spécifiques à chaque individu. Ces marqueurs olfactifs ont une influence sur l’attirance que chacun peut provoquer chez les moustiques“, indique M. Rasmont.
Une étude menée au Bukina-Faso en 2010 indique également que la consommation de bière peut attirer davantage les moustiques. Mais bien que les chercheurs aient soupçonné que cela était dû au fait que la consommation d’alcool augmente la quantité d’éthanol excrétée dans la sueur ou à l’augmentation de la température corporelle, aucun de ces facteurs n’a été mis en corrélation avec une plus grande attirance des moustiques. Cela rend leur affinité pour les consommateurs de bière assez floue.
Enfin, les couleurs sombres comme le noir ou le bleu marine sont aussi des éléments visuels susceptibles d’attirer les moustiques.
Comment tenter d’échapper aux piqûres ?
Pour tenter d’éviter de se faire piquer, quelques éléments sont à prendre en considération :
- L’utilisation d’insecticides reste le moyen le plus efficace d’éviter les piqûres, en particulier contre le moustique tigre. Le DEET est particulièrement efficace sur toutes les espèces. Cependant, il faut veiller à respecter les conditions d’utilisation du produit. Les répulsifs naturels comme la citronnelle sont, quant à eux, relativement peu efficaces.
- La moustiquaire est une excellente barrière contre les moustiques. Cependant la moindre maille ouverte ou trou sera exploité car le moustique est persévérant. Il est dès lors conseillé de l’imprégner d’insecticide.
- Se couvrir d’habits longs et épais avec pantalon et chaussettes permet de protéger les zones couvertes.
- Les dispositifs électriques anti-insectes peuvent éloigner certains types de moustiques.
- La climatisation, perturbe potentiellement le plan de vol de certaines espèces de moustiques. Par ailleurs, refroidir un lieu peut être bénéfique pour éviter d’attirer certains moustiques.
- Éteindre la lumière le soir pour éviter d’attirer les moustiques n’est pas forcément utile. Selon ses caractéristiques, le moustique n’est pas forcément attiré par la lumière.
Comme le rappellent nos confrères de France Info, pour une protection optimale, l’idéal est de combiner les différentes techniques de prévention.