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Pyramides d’Égypte : aucune preuve crédible de la découverte de mégastructures ou d’une ville sous le plateau de Gizeh

Pyramides d’Égypte : aucune preuve crédible de la découverte de mégastructures ou d’une ville sous le plateau de Gizeh - Featured image

Author(s): Par @gregoire-ryckmans-127

Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes affirment que des scientifiques ont découvert des mégastructures enfouies sous le plateau de Gizeh grâce à une technologie révolutionnaire. Cinq de ces mégastructures seraient reliées par des structures en spirales de 600 mètres de profondeur avec un système d’eau et un vaste complexe sous la pyramide de Khéphren. Ces découvertes sont présentées comme une avancée majeure en matière d’égyptologie. Cependant, aucun élément scientifique probant n’a été avancé à ce jour pour soutenir l’existence de ces superstructures ou d’une ville sous le plateau de Gizeh.

Sur le réseau social X, plusieurs utilisateurs relaient des affirmations selon lesquelles l’analyse des sous-sols du plateau de Gizeh qui abrite la pyramide de Khefhren met en évidence l’existence de super structures et l’existence d’une vaste ville.

« Une analyse SAR de la pyramide de Khéphren a révélé d’énormes structures souterraines », affirme un internaute sur X. Une publication qui a touché plus de 420.000 utilisateurs.

« Huit structures cylindriques colossales en forme de spirale descendent à plus de 600 mètres sous terre, atteignant des profondeurs que l’on croyait impossibles. Ces formations nouvellement découvertes suggèrent une histoire avancée et perdue cachée sous le plateau de Gizeh », indique une autre publication qui a recueilli plus de 56.000 vues.

Une théorie relayée également depuis le 19 mars 2025 par Silvano Trotta, un célèbre théoricien du complot francophone, avec le soutien d’une vidéo. Sa publication évoquant « d’énormes structures souterraines que les médias et les autorités feront tout pour les cacher aux peuples » a touché 190.000 utilisateurs, toujours sur X.

« ‘Une vaste ville souterraine’ découverte sous les pyramides de Gizeh en Égypte qui s’étire sur plusieurs dizaines de kilomètres en profondeur, affirment des scientifiques de renom dans une étude ‘révolutionnaire' », indique encore une autre publication vue plus de 11.000 fois au moment de la publication de cet article.

Les publications qui évoquent cette nouvelle théorie se sont multipliées et ont été publiées dans de nombreuses langues et sur plusieurs plateformes comme Tiktok, Instagram ou Facebook, notamment en anglais. Ensemble, elles ont généré des millions de vues.

Une théorie développée lors d’une conférence de presse le 15 mars 2025, en Italie

Toutes ces publications font référence à la communication faite par trois personnalités autour de leur recherche, appelée « projet Khéfhren »: Corrado Malanga, Armando Mei et Filippo Biondi.

Lors d’une conférence de presse organisée à Castel San Pietro Terme dans le nord de l’Italie, le 16 mars 2025, ils ont affirmé que grâce à une technique appelée SAR (Synthetic Aperture Radar, ou RSO, Radar à Synthèse d’Ouverture en français) ils ont pu analyser « depuis l’espace » les sous-sols du plateau de Gizeh.

Utilisé notamment par la Nasa, le radar à synthèse d’ouverture (SAR) est un type de radar imageur qui envoie une impulsion d’énergie et enregistre ensuite la quantité d’énergie réfléchie après son interaction avec la Terre pour en fournir une image en trois dimensions.

Cette technologie leur aurait permis de découvrir « sous le niveau du sol de la structure principale » de la pyramide de Khéfhren, « des structures cylindriques alignées verticalement qui s’étendent sur des centaines de mètres sous le plateau de Gizeh. En particulier, huit de ces structures, disposées en deux rangées parallèles du nord au sud, (qui) descendent à une profondeur de 648 mètres, se fondant (ensuite) en deux grandes structures cubiques mesurant environ 80 mètres de côté. »

Ils indiquent également dans leur communiqué de presse officiel que « les images tomographiques (NDLR : une méthodologie utilisée pour créer des images en coupe d’objets en collectant et en traitant des données sous plusieurs angles) révèlent clairement que des structures existent sous le plateau (ndlr, de Gizeh) sur environ deux kilomètres ». Ces structures « forment un vaste domaine de constructions non naturelles suivant des géométries complexes. », sous entendant l’existence d’une « ville ».

Lors de leur conférence, les trois hommes à l’initiative de ce projet ont présenté des supports visuels conçus à partir de modèles 3D. Il s’agit d’images de synthèse qui visent à illustrer les découvertes qu’ils auraient pu réaliser au niveau de la pyramide de Khéphren avec les différentes structures et cylindres exposés lors de la présentation.

Une ancienne illustration et de l’IA pour soutenir la « nouvelle théorie »

Sur les réseaux sociaux (ici, sur Facebook) d’autres images accompagnent certaines publications écrites afin d’en soutenir le propos.

C’est le cas notamment d’Alex Jones, qualifié de « complotiste le plus influent des États-Unis » par TV5 Monde en 2024. « Ci-dessous, découvrez une représentation artistique des relevés radar récemment rendus publics des plus grandes structures artificielles de la planète, sous le complexe pyramidal de Gizeh. Cette illustration incroyable est à l’échelle », indique-t-il sur X.

Effectivement, cette image est artistique et totalement imaginaire. Et elle n’a, de plus, aucun lien avec l’annonce récente de ces nouvelles découvertes.

En faisant une recherche d’image inversée avec l’outil Tineye, nous avons pu retrouver des traces de cette image sur des plateformes depuis mars 2023. Sur Tiktok, l’image circule par exemple dans une publication intitulée : « La vérité derrière les pyramides de Gizeh », qui a été publiée le 18 mars 2024.

Un autre visuel circule largement sur les réseaux sociaux. Cette image représentant une coupe transversale de la pyramide et des structures présumées.

Elle a été analysée par le média de vérification des faits Snopes qui a utilisé l’outil de détection d’images générées par IA, Hive Moderation. L’image a été identifiée comme étant générée par une intelligence artificielle avec un degré de certitude de 99,9%.

Une publication scientifique de 2022 qui ne révèle aucune découverte majeure sur les pyramides

Autre élément utilisé pour appuyer la thèse de ce « projet Khéfhren » et de ces mégastructures en dessous de la pyramide, unepublication scientifique publiée par deux des personnalités de ce projet : Corrado Malanga et Filippo Biondi.

Elle détaille comment une nouvelle méthode combinant radar à synthèse d’ouverture (SAR) et tomographie Doppler permettrait de cartographier l’intérieur de la pyramide de Khéops sans fouilles ni dommages et ouvre la voie à l’exploration non invasive d’autres monuments anciens (ex. : tombes de la Vallée des Rois). Mise en ligne en 2022, cette publication ne révèle cependant aucune découverte majeure, ni l’existence d’éventuelles superstructures à l’intérieur de la pyramide de Khéfhren.

La pyramide de Khefhren a été construite sur de la roche

Claude Obsomer est égyptologue et professeur à l’UCLouvain et à l’UNamur. Il estime que la théorie suggérant la présence d’énormes structures sous la pyramide de Khéphren ne tient pas la route d’un point de vue scientifique.

« Nous savons de façon certaine que la pyramide de Khéphren est construite autour d’un massif rocheux naturel auquel les Égyptiens n’ont pas touché, comme en témoigne la chambre sépulcrale qui est taillée dans le rocher en place, et non construite par l’acheminement de blocs. Des deux côtés de la pyramide la ‘carrière de Khéphren’ est encore visible, ce qui atteste de l’extraction des blocs de pierres », explique M. Obsomer.

« Étant donné que cette roche qui a en partie servi de structure à la pyramide est restée intacte, cela signifie qu’il est physiquement impossible que des éléments aussi volumineux aient pu être enfouis à cet endroit et à une telle profondeur ». Pour l’égyptologue, la théorie se base donc sur des « affirmations farfelues, destinées sans doute à faire la publicité de leur radar et de leur logiciel ».

« Je m’étonne par ailleurs de voir publiés des résultats, auxquels auraient abouti ces travaux sur le site alors qu’ils n’ont même pas encore commencé, faute d’autorisation », conclut-il.

Sur Facebook, l’archéologue égyptien Zahi Hawass a déclaré sur sa page officielle : « Les rumeurs qui circulent au sujet des pyramides d’Égypte, selon lesquelles des colonnes seraient présentes sous la pyramide du roi Khéphren, sont totalement infondées. Aucune preuve scientifique ne vient étayer cette affirmation, et aucune mission ne travaille actuellement sur la pyramide du roi Khéphren. »

Comme Claude Obsomer, il ajoute que « la base de la pyramide du roi Khéphren a été creusée dans la roche jusqu’à une hauteur d’environ 8 mètres, et qu’il n’y a pas de colonnes sous cette base, selon les études scientifiques et les recherches menées sur la pyramide ».

Les pyramides d’Égypte, source de nombreuses théories complotistes

Malgré la popularité prise par cette théorie sur les réseaux sociaux, aucun élément scientifique probant ne vient la corroborer.

Selon Snopes, il semble qu’il s’agisse du retour d’une théorie douteuse qui a ensuite été embellie par divers créateurs de contenu, comme Greg Reese, collaborateur du site conspirationniste Infowars, et qui a publié « The Reese Report ».

En résumé, dans cet article du « Reese Report », il soutient que les pyramides n’ont pas été construites comme des tombes, mais plutôt comme une sorte de centrale électrique antique. Une théorie qui se rapproche des déclarations du chanteur français Gims qui avait affirmé en avril 2023 que l’électricité existait à l’époque de l’Egypte antique. Une théorie sans aucun fondement historique.

La construction des pyramides et les mystères autour de l’Égypte ancienne font l’objet de nombreuses théories, parfois complotistes, comme le fait qu’elles aient pu être construites par des aliens.