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Quel est l’impact des chiens et des chats sur le climat et la biodiversité ?

Quel est l’impact des chiens et des chats sur le climat et la biodiversité ? - Featured image

Author(s): Grégoire Ryckmans

Sur un plateau télévisé, François Gemenne, membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du l’évolution du climat (GIEC), a estimé que l’impact des chiens et des chats sur le climat et la biodiversité était une “catastrophe”. Ses déclarations ont suscité de nombreuses réactions, notamment sur les réseaux sociaux. Ses propos ont été largement contestés dans des publications d’hommes et de femmes politiques ainsi que par des groupes de défense des animaux. Si M. Gemenne a ensuite nuancé ses propos en indiquant que cet impact était “relativement anecdotique par rapport à d’autres sujets comme celui des énergies fossiles”, les affirmations du chercheur belge se basent sur des études scientifiques récentes.

Mercredi 13 décembre, François Gemenne, politologue et membre du GIEC, était sur le plateau de la chaîne française d’information en continu LCI (La Chaine Info) du groupe TF1. Invité dans le cadre de l’émission “Le Temps de l’Info” pour réagir à l’accord appelant à sortir progressivement des énergies fossiles, intervenu à la fin de la COP28, le chercheur belge est intervenu suite à la diffusion d’un reportage sur les chats et leur impact sur la biodiversité. Il a déclaré : “Le chat est une catastrophe pour la biodiversité, le chien est une catastrophe pour le climat”.

Interrogé sur le fait que ce sujet resterait tabou dans la société, il a estimé que c’était le cas “parce qu’il y a plus de foyers en France qui possèdent un chien ou un chat, que de foyers qui ont un enfant”.

Dans la foulée, M. Gemenne développe : “Le chat est l’un des responsables de la perte de biodiversité en milieu urbain, notamment parce qu’il va chasser des petits oiseaux et des petits mammifères”.

Concernant les chiens, il explique : “Le chien, surtout les gros chiens, sont une catastrophe pour le climat parce qu’il faut les alimenter et qu’aujourd’hui une bonne partie de la déforestation sert effectivement aux cultures qui vont servir aux aliments pour animaux domestiques”.

François Gemenne affirme ensuite : “Pour ne pas se mettre tout le monde à dos, on n’en parle généralement pas et on se concentre sur d’autres sources d’émissions parce qu’il faut reconnaître aussi que les chats et les chiens remplissent une fonction sociale importante, ce sont des compagnons pour des personnes âgées. Et donc on est évidemment bien conscients de cela, mais il y a un vrai enjeu sur le fait de savoir comment est-ce qu’on peut limiter l’impact du chat pour la biodiversité, et comment est-ce qu’on peut limiter l’impact du chien sur le climat, notamment via sa nourriture”.

Une séquence dénoncée par des politiques et des défenseurs des animaux

Depuis sa diffusion sur LCI, la séquence cumule des millions de vues sur les réseaux sociaux. La vidéo de l’intervention de M. Gemenne a, par exemple, déjà été vue plus de 7,3 millions sur le compte de LCI du réseau social X.

Sur Instagram, l’extrait diffusé dans un “réel” par un groupe d’amateurs de chats est accompagné de la description : “Propos scandaleux […] Je vous laisse commenter“. La vidéo a recueilli plus de 188.000 vues.

La vidéo a également été reprise par de nombreux comptes actifs sur l’ex Twitter, notamment par des figures de l’extrême droite française. Florian Philipot (Les Patriotes, ex RN) a par exemple commenté la vidéo avec ces mots : “La propagande climatiste anti-animaux de compagnie, au nom du ‘climat’, se déploie !“. L’ancien candidat à l’élection présidentielle française Nicolas Dupont-Aignan a, lui, écrit : “Jusqu’où iront-ils dans leur folie ? Maintenant, ils veulent nous interdire l’affection des animaux de compagnie au nom du climat ! Assez !“.

La section française de la SPA (Société Protectrice des Animaux) a également réagi sur le réseau social X pour dénoncer les propos de François Gemenne : “Personne n’avait encore osé culpabiliser les amis des animaux. C’est fait !“.

En Belgique, la députée fédérale Catherine Fonck (Les Engagés) a pointé dans un tweet la façon de communiquer sur le climat du chercheur : “Comment communiquer sur le #climat pour entraîner l’adhésion de la population ? Le contre-exemple en quelques secondes…“. Christine Defraigne (MR), Première échevine de la Ville de Liège, a, elle, tweeté : “à cause de cela, certains les abandonnent, surtout au moment de leurs vacances !“.

Des propos nuancés le lendemain sur le plateau de “Quotidien”

Le lendemain de son intervention sur LCI, François Gemenne est invité sur le plateau de l’émission Quotidien de la chaîne française TMC. Interrogé par Yann Barthès sur les réactions suscitées par ses déclarations, il a regretté “l’ampleur qu’a prise cette polémique“. Il a expliqué, par ailleurs, que “dès que l’on pointe l’empreinte carbone d’un élément du quotidien […] des gens vont se sentir personnellement attaqués“.

Pour lui, l’enjeu n’est pas “d’éradiquer les chiens” mais “de connaître quel est notre bilan carbone à tous et de voir ce qu’on peut faire pour essayer de l’améliorer“. M. Gemenne a également ajouté qu’il avait fait l’objet d’insultes et de menaces de mort.

Je tiens à rassurer, solennellement ce soir, tous les propriétaires de chiens et de chats […] Les chiens et les chats sont nos amis. Ce sont des animaux très mignons. Il n’est pas question de toucher à un poil ni des chats, ni des chiens, ni de tout autre type d’animal domestique […]. En revanche, on peut se demander comment est-ce qu’on peut améliorer l’alimentation des chiens, par exemple en leur donnant davantage des restes de repas plutôt que de la nourriture industrielle”, a ajouté le chercheur belge.

Enfin, il a également précisé que l’impact des chiens et des chats sur l’environnement était “relativement anecdotique par rapport à d’autres sujets comme celui des énergies fossiles. C’était juste un commentaire un peu badin en réaction à un sujet télé. L’ampleur que cela prend me paraît absolument délirante et on a l’impression effectivement d’une société qui devient une sorte d’idiocratie“.

Une intervention à recontextualiser, selon M. Gemenne

Contacté par la rédaction de Faky, François Gemenne a tenu à recontextualiser la séquence diffusée par LCI. “J’étais invité en plateau pour parler de la COP28 quand, en fin d’intervention, une séquence traitait de l’impact des chats sur la biodiversité et notamment sur les mesures prises en Australie pour lutter contre le phénomène des chats errants. Invité à réagir à la séquence, j’ai mis en évidence des éléments scientifiquement avérés sur le ton de l’hyperbole mais j’ai également rappelé l’importance du rôle social des animaux domestiques, notamment pour les personnes âgées”.

Mon intervention a été isolée par les équipes de LCI et elle a circulé sur les réseaux sociaux comme si c’était moi qui souhaitais évoquer cette question. Je ne tenais pas du tout à ouvrir ce débat que je sais clivant et je ne souhaite évidemment pas la destruction des animaux domestiques“, précise encore le membre du GIEC. La séquence qui a circulé sur “X” ne fait que 1’21”, mais une vidéo plus longue (3’33”) reprenant plus largement le contexte de l’intervention est disponible sur la plateforme YouTube.

Enfin, François Gemenne dénonce la “récupération politique” de ses propos sur les réseaux sociaux. Il rappelle également que même s’il n’y a pas “d’intention de culpabiliser les propriétaires d’animaux domestiques“, des éléments scientifiques permettent de soutenir ses propos.

Le chien : des études mettent en évidence l’impact de son alimentation sur le climat

Concernant l’impact des chiens domestiques sur l’environnement, des études scientifiques sont menées depuis plusieurs années. La liste suivante n’est pas exhaustive.

Comme le rapportent nos confrères de “Vrai ou Faux” de France Info, une première publication sur le sujet est parue en 2009 aux États-Unis sous le titre provocateur : “Est-il temps de manger le chien ?“. Dans ce “guide pour une vie durable“, les professeurs de l’Université de Victoria en Nouvelle-Zélande, Brenda et Robert Vale, estimaient que la consommation annuelle de viande d’un chien de taille moyenne polluait deux fois plus qu’un SUV qui parcourait 10.000 km tous les ans. Une conclusion qui avait déjà fait vivement polémique à l’époque.

Dix ans plus tard, une autre étude portant sur l’impact environnemental de l’alimentation des chiens et des chats arrivait à des conclusions quasi identiques. Cette étude américaine réalisée par un chercheur de UCLA (Université de Californie) et publiée en 2017, estime que les plus de 160 millions de chiens et de chats américains sont responsables de 25% à 30% de l’impact environnemental de la consommation de viande aux États-Unis. L’étude met, elle aussi, en évidence le fait que l’impact carbone dépend notamment du lieu de vie et de la taille de l’animal domestique.

Image d’illustration.
Image d’illustration. © Getty Images

Un impact plus important avec des chiens de compagnie de plus en plus nombreux

D’autres chercheurs se sont aussi intéressés à l’empreinte climatique des chiens en 2019. Si les chercheurs mettaient en évidence la faculté des chiens à augmenter les capacités d’empathie et de contact sociaux, elle pointait également les enjeux liés à l’empreinte carbone de ces animaux de compagnie, amenés à être de plus en plus nombreux dans le futur.

En 2020, une étude réalisée par des chercheurs de l’Institut de Technologie Environnementale de l’université de Berlin indique également que les chiens de compagnie peuvent avoir un impact environnemental significatif. Ils estiment cet impact à “environ 7% de l’impact annuel sur le changement climatique d’un citoyen moyen de l’UE“. La part la plus importante de cet impact environnemental est générée par la nourriture destinée à ces chiens de compagnie. L’étude note également que “l’optimisation de l’alimentation des animaux de compagnie et l’augmentation du taux de collecte des excréments peuvent réduire cet impact“.

Enfin, en 2022, une étude menée au Brésil a, elle aussi, analysé l’impact environnemental de la nourriture pour chiens et se concluait en indiquant : “Il est nécessaire de prendre en compte l’impact environnemental des aliments pour animaux de compagnie, car la population d’animaux de compagnie a tendance à augmenter de façon significative“.

Des conclusions parfois remises en cause

Les conclusions de certaines de ces études sont néanmoins parfois controversées.

En 2021, Kelly Swanson, un professeur de nutrition animale de l’université de l’Illinois, estimait auprès de l’AFP (dépêche d’agence mise en ligne par Le Temps) que certaines de ces études reposaient sur de “nombreuses hypothèses inexactes“, notamment parce que “la majorité de la nourriture pour animaux vient de sous-produits de l’industrie alimentaire humaine“. “Aujourd’hui, l’impact CO2 de l’alimentation conventionnelle industrielle pour animaux de compagnie est négligeable“, ajoutait Sébastien Lefebvre, de l’école vétérinaire VetAgro-Sup à Lyon.

En effet, peu de vaches ou de poules sont élevées dans le seul but de nourrir les chiens et les chats. Leurs croquettes et pâtées à base de viande sont généralement fabriquées à partir de pièces que les humains consomment peu, comme les abats. Cependant, pour l’auteur de l’étude de 2017, Grégory Okin de UCLA, cet argument ne tient pas car ces pièces de viandes délaissées pourraient être mangées par les humains plutôt que leurs animaux domestiques, s’ils gaspillaient moins.

Le chat : des études démontrent son impact sur la biodiversité

En 2013, les conclusions d’une étude américaine publiée dans le journal Nature Communications estimaient que les chats tuaient chaque année aux États-Unis entre un et quatre milliards d’oiseaux et entre six et 22 milliards de petits mammifères. Elle indiquait également que ce sont les chats sans propriétaires, errants ou harets (qui sont retournés à l’état sauvage) qui étaient les principaux responsables, et non les chats domestiques. Ces chats errants sont pourtant souvent des animaux qui ont été abandonnés par les humains ou des descendants d’animaux abandonnés. L’étude concluait que ces petits félins étaient l’une des plus grandes, si ce n’est la plus grande cause de mortalité anthropique pour les petits animaux aux États-Unis.

Des chercheurs de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique et du Muséum national d’histoire naturelle français ont, eux, publié en 2019 un article portant sur l’impact des chats domestiques sur les populations d’oiseaux. Ils ont constaté qu’entre 2000 et 2015, la mortalité due à la prédation par les chats chez les oiseaux de jardin a augmenté d’au moins 50%. Un phénomène en croissance à mesure qu’il y avait de plus en plus de chats dans nos pays. Selon les experts, entre 12% et 26% des morts d’oiseaux étaient provoquées par les chats. “La mortalité liée aux chats est l’une des plus grandes causes de mort observées, elle est de la même ampleur que les morts d’oiseaux dues à des collisions avec des fenêtres”, expliquaient les spécialistes. Ils appelaient par ailleurs à prendre en compte l’impact potentiel des chats sur la biodiversité urbaine dans la gestion des parcs et des jardins.

Des conclusions que l’on retrouve également dans une publication du Muséum national d’histoire naturelle français mais qui pointent aussi un impact plus important de ces petits félins dans les villes et sur les îles.

Image d’illustration.
Image d’illustration. © Getty Images

Plus de 2000 espèces menacées par ce “félin domestique”

Enfin, dans la séquence qui a précédé les déclarations de M. Gemenne, la journaliste de LCI Paola Puerari évoque “une nouvelle étude rapportée par Le Parisien” qui “confirme à quel point ce félin domestique (ndlr : le chat) menace jusqu’à 2000 espèces. Surtout les chats errants. Ils seraient responsables d’une trentaine d’espèces d’oiseux dans nos campagnes. Des reptiles, des petits mammifères mais aussi des insectes“.

Cet article du Parisien auquel la journaliste fait référence est titré : “Jusqu’à 1000 proies par an : le terrible impact des chats sur la biodiversité“. Il reprend les principales conclusions d’une étude publiée sur le site scientifique Nature Communications. Cette publication scientifique a notamment pris en compte plus de 500 études publiées jusqu’alors sur le régime alimentaire du chat domestique, qu’il soit apprivoisé ou errant et mis en évidence leur impact sur les autres espèces qui les entoure.

Le responsable de l’étude, Christopher Lepczyk, explique néanmoins à “Scientic American” que “les chats sont un problème que nous pouvons résoudre“, surtout si l’on empêche les animaux d’errer librement dans les écosystèmes indigènes. “En fin de compte, les gens doivent être des propriétaires d’animaux de compagnie responsables.” Dans ce contexte, les différentes campagnes de stérilisation des chats menées en Belgique peuvent contribuer à limiter son impact néfaste sur la biodiversité.

Les animaux : une thématique porteuse sur internet et les réseaux sociaux mais sensible

Les images d’animaux, et en particulier de chats et de chiens, font énormément de clics sur Internet et les réseaux sociaux. En raison de l’affection que de nombreux humains leur porte, ils génèrent des milliards de vues au travers de différentes publications plus ou moins insolites.

Néanmoins, en raison de la charge émotionnelle qu’ils génèrent, ils sont aussi l’objet de publications douteuses ou trompeuses dont certaines ont déjà été analysées par la rédaction de Faky (123).

Si François Gemenne a nuancé ses propos à LCI qui évoquaient une “catastrophe” en parlant de l’impact des chats sur la biodiversité et des chiens et sur le climat en déclarant ensuite que leur impact est “relativement anecdotique par rapport à d’autres sujets comme celui des énergies fossiles“, des études scientifiques interrogent néanmoins bien l’homme sur l’impact des animaux domestiques sur l’environnement.

Parmi les solutions évoquées pour limiter l’empreinte climatique de ces animaux domestiques, il y a notamment le fait de nourrir son chien en plus petite quantité, en lui donnant des restes de repas ou plus de croquettes à base de légumes ou d’insectes. Pour les chats, l’utilisation de litière biodégradable ou le fait de jouer davantage avec lui pour limiter sa prédation, sont des pistes évoquées par les spécialistes. Ils évoquent aussi plus globalement le choix d’animaux domestiques plus petits mais moins prédateurs, comme des hamsters, des lapins ou des oiseaux.