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Une étude montre un taux de mortalité lié au Covid beaucoup plus faible chez les Amish ? C’est infondé

Une étude montre un taux de mortalité lié au Covid beaucoup plus faible chez les Amish ? C'est infondé - Featured image

Author(s): Claire-Line NASS / Anna HOLLINGSWORTH / AFP Finlande

L’impact des mesures adoptées dans la plupart des pays au cours de la pandémie de Covid-19 est difficile à mesurer, mais de nombreuses études montrent que nombre d’entre elles, notamment le port du masque et la vaccination, ont été efficaces pour limiter les décès liés à la maladie. Néanmoins, des publications largement partagées depuis fin mai 2023 prétendent que le taux de mortalité lié au Covid-19 parmi la communauté religieuse Amish, qui n’a pas adopté les mesures suivies par la majorité de la population, est particulièrement bas. C’est trompeur : les données disponibles ne permettent pas de tirer ces conclusions et montrent que les Amish ont aussi été touchés par la pandémie, menant même à des pics de décès.

Une étude majeure sur l’impact de la pandémie sur les communautés amish a révélé que les taux de mortalité de Covid parmi les groupes de citoyens traditionalistes sont 90 fois inférieurs à ceux du reste de l’Amérique“, prétend un tweet partagé plus de 2.100 fois depuis le 3 juillet.

Capture d’écran d’un post Twitter, prise le 05/07/2023

Des assertions similaires prétendant que la communauté religieuse Amish, dont la majorité des membres ont rejeté les confinements, l’utilisation des masques ou des vaccins, aurait été épargnée par la pandémie ont été diffusées sur Twitter, Facebook, VKontakte, Telegram et des blogs (1, 2) en français depuis début juillet.

Les publications suggèrent que les Amish auraient atteint l’immunité collective (lien archivé) face au Covid-19 en attrapant la maladie sans être vaccinés, le tout sans excès de mortalité au sein de cette communauté.

Des affirmations similaires ont circulé en d’autres langues dont le finnois, et certaines publications renvoient vers un article du site “People’s Voice” (précédemment connu sous le nom de “News Punch“), et dont des contenus trompeurs ont déjà fait l’objet d’articles de vérification de l’AFP.

Mais ces allégations sont trompeuses selon les chercheurs interrogés par l’AFP : à l’inverse, les données disponibles tendent à montrer qu’à partir des débuts des campagnes de vaccination anti-Covid en 2021, la surmortalité a commencé à baisser dans la population générale américaine, tandis qu’elle est restée élevée chez les Amish.

Il est difficile de mesurer avec précision l’impact de toutes les mesures prises pour faire face au Covid-19, mais des recherches ont montré que les confinements avaient pu permettre de limiter le nombre d’infections et de décès liés à la maladie. Les autorités sanitaires de nombreux pays recommandent toujours la vaccination contre le Covid-19, particulièrement aux personnes vulnérables, et même après avoir contracté la maladie.

Capture d’écran d’un blog, prise le 05/07/2023

Les Amish

Les Amish (lien archivé) sont une communauté religieuse chrétienne, dont les racines remontent à la Réforme, survenue au XVIe siècle en Europe. Ils ont émigré pour s’installer en Amérique du Nord aux XVIIIe et XIXe siècles.

En 2022, les Amish étaient 373.850, avec les plus larges communautés installées dans les Etats américains de Pennsylvanie, d’Ohio et d’Indiana, selon des recensements (lien archivé) diffusés sur un site qui propose des ressources universitaires sur les Amish.

Les communautés amish suivent un certain nombre de règles, qui visent à les séparer du monde extérieur. Ces dernières peuvent varier selon les communautés, mais incluent généralement le rejet de toutes “commodités modernes“, dont font partie l’utilisation de télévisions, de radios, d’ordinateurs ou de voitures, la prise de certains médicaments ou encore l’éducation du niveau secondaire et l’accès à l’université.

En 2021, l’AFP avait déjà vérifié des rumeurs trompeuses en anglais prétendant que les Amish n’avaient pas été touchés par le Covid-19.

Des enfants d’une communauté amish quittent leur école près de la ville de Leola, en Pennsylvanie, le 1er novembre 2011. – Mladen Antonov / AFP

Pas une étude mais un article de 2021 et des chiffres mal cités

Certaines des publications sur les réseaux sociaux renvoient vers un article (lien archivé) du média en ligne “Penn live“, présenté à tort comme une “étude” et datant du 29 mars 2021.

Ce dernier reprend une dépêche de l’agence de presse américaine Associated Press (AP), qui indiquait que 90% des Amish de la région de Lancaster (qui abrite la plus large communauté amish) auraient alors contracté le Covid-19.

Il est mentionné que cela avait pu créer une “immunité de groupe” au sein de cette communauté, mais des scientifiques interrogés prévenaient néanmoins que cette immunité ne pourrait être que temporaire, et ne les empêcherait pas d’attraper à nouveau le Covid-19 ou de souffrir de formes graves de la maladie.

L’article citait aussi des responsables locaux qui indiquaient, sans être en mesure de donner des chiffres précis, qu’un “grand nombre de décès” avaient été prononcés à l’époque de cette contamination dans la communauté, vraisemblablement en lien avec le Covid-19, à l’inverse de ce qui est indiqué sur les réseaux sociaux.

Braxton Mitchell (lien archivé), un épidémiologiste du département de médecine de l’université du Maryland, qui étudie les populations amish et particulièrement celle de Lancaster, a estimé auprès de l’AFP qu’il n’y avait aucune preuve permettant d’établir que le taux de mortalité est plus bas parmi cette population.

A ma connaissance, aucune donnée ne montre l’existence d’un taux de mortalité lié au Covid-19 plus faible chez les Amish, qui serait dû à leur acquisition d’une immunité collective“, a-t-il déclaré.

Pas d’observation d’un taux de mortalité plus faible

Les publications trompeuses présentent le fait que les Amish n’aient suivi aucune des mesures visant à limiter la pandémie comme un “succès” puisqu’ils auraient fait face à une faible mortalité. Mais ces allégations vont à l’encontre des observations des chercheurs.

Il n’y a “aucune preuve allant dans le sens des affirmations” prétendant qu’il y a 90 fois moins de décès liés au Covid dans les communautés amish que dans le reste de la population américaine, a expliqué Steven Nolt, professeur d’histoire et d’études anabaptistes à Elizabethtown College, à l’AFP le 16 juin.

A l’inverse, le taux de surmortalité était plus élevé au sein de la population amish que dans la population américaine dans son ensemble“, a-t-il ajouté.

Il n’existe pas de chiffres officiels sur les infections ou les morts parmi la population amish, a ajouté le chercheur, étant donné que les dossiers médicaux n’indiquent pas les religions des patients.

Braxton Mitchell a ajouté que le nombre de tests réalisés au sein de ces communautés est très faible, et que toutes les infections n’ont ainsi pas été rapportées.

Dans une étude publiée en 2021 (version archivée), des chercheurs de l’université de Virginie-Occidentale ont retracé l’excès de mortalité dans les communautés amish et mennonite, selon des avis de décès parus dans des journaux en 2020, soit avant le début des campagnes de vaccination. Ils avaient observé des taux de mortalité similaires à ceux au niveau national, avec un pic de surmortalité atteint en novembre 2020.

Une autre étude publiée en juin 2023 (version archivée) par une partie des mêmes chercheurs a considéré la surmortalité dans ces communautés en 2020 et 2021. Ils ont conclu qu’à partir du début de la campagne de vaccination, la surmortalité a décliné au sein de la population générale américaine, dont deux tiers était vaccinée contre le Covid-19. Mais dans les communautés amish et mennonite, où très peu de personnes étaient vaccinées, la surmortalité est restée élevée.

Une calèche amish dans la région de Lancaster, en Pennsylvanie, près de la ville de Bird-in-Hand, le 7 novembre 2022. – Branden Eastwood / AFP

Par ailleurs, il est difficile d’évaluer dans quelle mesure les communautés amish ont suivi ou non les restrictions sanitaires anti-Coivd, selon Steven Nolt. Certaines communautés sont “très sectaires” tandis que d’autres sont plus “intégrées” au reste du monde, et les mesures mises en place ont aussi pu évoluer au fil du temps et de la présence ou non du Covid au sein des populations.

De nombreuses communautés amish ont appliqué les consignes demandant de rester chez soi, de fermer les écoles et les églises pendant quelques mois, mais ont ensuite arrêté de les appliquer, de la même façon que leurs voisins ruraux non-amish“, a-t-il abondé, citant en exemple le marché municipal d’une communauté amish qui obligeait à tous les vendeurs à porter des masques, sans quoi ils n’étaient pas autorisés à tenir leurs stands.

Néanmoins, “je pense que de façon générale mais avec certaines exceptions, on peut affirmer qu’à partir de la mi-juin 2020, la plupart des Amish n’ont pas ou très peu suivi les directives sanitaires, à moins d’y être forcés“, avance le chercheur.

Les Amish sont “de façon générale réticents à porter des masques et pratiquer la distanciation sociale“, ajoute Braxton Mitchell.

En réalité, nous nous demandions quel impact la pandémie aurait sur la communauté amish, et pendant l’été 2020, nous avons essayé de lister les décès. Nous avons vu une multiplication par 3 ou 4 du nombre de décès dans la communauté pendant l’été, en comparaison avec le nombre de décès chaque mois l’année précédente“, a-t-il développé.

En se fondant sur cela et sur nos autres observations, je ne vois aucun fondement aux allégations prétendant que les Amish ont été moins touchés par la mortalité liée au Covid-19 que les non-Amish“, a-t-il conclu.

La vaccination recommandée même après une infection 

Les publications sur les réseaux sociaux concluent explicitement ou sous-entendent que toutes les mesures mises en place pour lutter contre le Covid-19 ont été “inutiles“, tout comme la vaccination.

Pourtant, des recherches ont conclu en l’efficacité de certaines mesures pour limiter la diffusion du virus. Par exemple, cet article (lien archivé) publié dans le média The Conversation en 2022 explique que s’il existe des difficultés pour mesurer l’impact des confinements, “la majorité des études publiées ont trouvé des effets positifs aux mesures de confinements“.

L’article précise que des mesures différentes ont été prises dans les différents pays. “Limiter les rassemblements, fermer les commerces présentant des hauts risques d’exposition, et fermer les écoles et les universités a efficacement réduit la diffusion du virus et limité les décès. Ces lieux ont été associés à des taux de transmission plus élevés et des événements qualifiés de super-transmissions“, peut-on y lire.

Cependant, les consignes demandant de rester chez soi semblent avoir eu un effet plus modeste pour réduire la transmission du virus, peut-être du fait que les personnes limitaient déjà leurs activités avant que ces mesures soient imposées.

Une étude publiée en 2020 dans la revue Nature (lien archivé) a considéré les mesures majeures dans 11 pays européens au début de la pandémie et a considéré que “les mesures non-pharmaceutiques majeures – et les confinements en particulier – ont eu un large effet sur la réduction de la transmission“.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a indiqué en 2020 sur son site (lien archivé) que les mesures de distanciation physique et les restrictions de déplacements à grande échelle pouvaient “ralentir la transmission du Covid-19 en limitant les contacts entre les personnes“.

Néanmoins, “ces mesures peuvent avoir un impact négatif profond sur les personnes, les communautés et les sociétés en réduisant la vie économique et sociale à un arrêt presque complet“, indique ce document, ajoutant que les groupes de personnes “désavantagées” étaient particulièrement affectés.

Par ailleurs, les autorités sanitaires de nombreux pays recommandent toujours la vaccination, même après une infection au Covid.

Dans une foire aux questions (lien archivé) disponible sur le site du ministère de la santé français et mise à jour le 4 juillet 2023, il est ainsi indiqué que “conformément à l’avis (lien archivé) de la Haute Autorité de santé du 11 février 2021, une infection survenue dans un délai suffisant avant ou après une injection peut représenter une stimulation équivalente à une injection“.

Aux Etats-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention (lien archivé), qui constituent l’agence de santé américaine ainsi que la première fédération hospitalière et de recherche Mayo Clinic (lien archivé) recommandent la vaccination à ceux qui ont déjà été infectés par le Covid.

Se faire vacciner contre le Covid-19 après s’être rétabli d’une infection offre une protection supplémentaire contre le Covid-19. Vous pouvez envisager de réaliser votre vaccination à partir de 3 mois après le moment où vos symptômes ont commencé ou, si vous n’avez pas eu de symptômes, à partir du moment où vous avez reçu un test positif. Les personnes qui ont déjà contracté le Covid-19 et qui ne se font pas vacciner après leur guérison sont plus susceptibles de contracter à nouveau le Covid-19 que celles qui se font vacciner après leur guérison“, indique le site des CDC.

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Ce fact-check a été également publié par https://factuel.afp.com/doc.afp.com.33MH338.