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La voiture électrique est-elle plus nocive pour l’environnement que la voiture à moteur thermique ?

La voiture électrique est-elle plus nocive pour l’environnement que la voiture à moteur thermique ? - Featured image

Author(s): Grégoire Ryckmans

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes remettent en question l’impact des voitures électriques sur sur l’environnement. Selon eux, les voitures électriques ne sont pas une solution pour limiter la pollution car elles seraient en fait plus nocives pour l’environnement que les voitures thermiques. La production des véhicules électriques est, en effet, plus polluante que celle des moteurs à combustibles. Mais pour calculer l’impact global d’un véhicule sur l’environnement, il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble de son cycle de vie. La production des voitures électriques a un coût environnemental plus important. Cependant, sur une durée de vie normale, un véhicule électrique qui circule en Europe a un impact écologique inférieur à celui d’un véhicule doté d’un moteur à combustion, aux caractéristiques semblables (poids et dimensions).

De nombreux échanges sur les réseaux sociaux pointent les voitures électriques. Sur Twitter (12) notamment, des internautes estiment que la voiture à moteur électrique est une “escroquerie” écologique car elle serait en fin de compte plus polluante que la voiture à moteur thermique.

Dans cette publication, un Twitto estime que “d’après les spécialistes, la voiture électrique serait plus polluante que le moteur diesel”.

Capture d’écran Twitter

Ces affirmations sont également le reflet de débats qui ont lieu entre partisans et opposants aux voitures électriques.

Des débats ranimés dans le courant du mois de juin 2022 suite à l’annonce de la décision de l’Union européenne “de réduire à zéro les émissions de CO2 des voitures neuves en Europe à partir de 2035, soit de facto, l’interdiction de la vente de voitures à moteurs thermiques à cette échéance.

Au-delà du défi que cela représente au niveau de la progression de l’autonomie des véhicules électriques et des capacités de recharge avec la disponibilité de bornes électriques, l’impact écologique réel de la décision de l’UE est contestée par certains opposants qui y voient une décision “idéologique” mais “sans fondements“.

La voiture électrique est-elle plus nocive pour l’environnement que la voiture à moteur à essence ou diesel ? Qu’en est-il réellement ?

Un calcul global à faire en prenant en compte l’ensemble du “cycle de vie” d’un véhicule

Afin d’évaluer l’impact écologique global d’un véhicule électrique avec celui d’un véhicule thermique, il faut avant tout pouvoir comparer deux véhicules aux caractéristiques similaires (poids et dimensions).

Francesco Contino, ingénieur en électromécanique et professeur à l’UCLouvain, explique que pour réaliser ce calcul il faut également prendre en compte l’ensemble du cycle de vie d’un véhicule, à savoir : sa production, son utilisation et enfin son recyclage ou démantèlement.

Consommation de CO2 plus élevée que pour produire le moteur électrique et délocalisation de la pollution

La production d’un véhicule électrique semblable à un véhicule thermique met en œuvre des moyens en partie similaires. Cependant, la voiture électrique nécessite la fabrication d’une batterie afin d’y stocker l’énergie qui sera nécessaire à son utilisation.

Cette batterie a besoin d’une grande quantité d’énergie pour être produite. Elle est par ailleurs souvent produite en Chine qui utilise principalement du charbon pour produire son électricité. Au final, ce processus de fabrication de la batterie est actuellement très énergivore et peu écologique“, indique M. Contino.

Le poids des batteries est un élément qui explique son côté énergivore, notamment en termes d’émission de CO2. “Pour faire une batterie, on déplace non seulement l’énergie qu’on stocke, mais aussi de l’usine pour la stocker. C’est une usine à conversion électrochimique. Et donc, quand vous déplacez votre usine avec vous, ça pèse relativement lourd. Quand on stocke une unité d’énergie dans une batterie, on transporte tout un tas d’autres choses avec cette énergie. Cela pèse très lourd par rapport à un réservoir de carburant. On fait facilement fois dix, voire fois vingt en termes de poids“, détaille le professeur de l’UCLouvain.

M. Contino précise également que les matériaux utilisés pour fabriquer les batteries ont un coût qui n’est pas que financier : “On doit aller extraire ces matériaux dans des mines, on doit les raffiner, on doit les mettre en forme, on doit les packager… Et donc tout ça coûte énormément d’énergie et de par le fait même le fait qu’on utilise de l’énergie qui vient du fossile, cela émet également beaucoup de CO2. On estime que, dans une voiture électrique la moitié des émissions de CO2 lors de sa fabrication sont liées à la batterie“.

Il y a également de nombreuses questions éthiques et environnementales qui entourent l’exploitation des matériaux nécessaires à la production de ces batteries lithium ion comme le cobalt ou le nickel.

Globalement, la production d’un véhicule électrique est plus consommatrice en CO2 qu’un véhicule à combustion. Selon différents chiffres et études, l’écart serait de 30% à 70% en faveur de la voiture à moteur thermique. Une fourchette assez large car ces chiffres dépendent de nombreux paramètres, notamment du pays dans lequel le véhicule est produit.

L’agence de presse Reuters a également calculé la quantité moyenne de CO2 nécessaire avant qu’une voiture n’arrive chez le client : elle est de 8,1 millions de grammes pour une voiture électrique et de 5,5 millions de grammes pour une voiture à moteur thermique. Soit une différence de 47% en défaveur de la voiture électrique pour sa production.

Faible impact de la voiture électrique sur l’environnement, à l’usage

Une fois arrivée chez le client, le véhicule électrique se trouve avec un “déficit écologique” par rapport à son homologue à moteur thermique. Qu’en est-il de son impact sur l’environnement lors de son utilisation ? Est-il alors “100% vert” ?

Si une voiture électrique n’émet pas de CO2 lors de sa conduite, elle doit cependant être rechargée avec de l’électricité. Et cette électricité n’a pas pour autant forcément un bilan carbone neutre.

En fonction du pays et de l’endroit où la voiture est rechargée, l’électricité peut être produite de différente manière. Elle peut être issue des énergies renouvelables, ce qui en limite fortement l’impact en matière de production de CO2. Mais elle peut aussi être produite à partir de centrales à charbon, ce qui a des conséquences importantes sur les émissions.

Transport & Environment (la Fédération européenne pour le transport et l’environnement qui regroupe une cinquantaine d’ONG actives dans le domaine du transport et de l’environnement) a évalué les émissions de plusieurs véhicules électriques en fonction de plusieurs scénarios.

Dans le pire des cas, une voiture électrique équipée d’une batterie produite en Chine et conduite en Pologne émet 37% de CO2 de moins qu’un véhicule qui roule à l’essence. Et dans le meilleur des cas, une voiture électrique équipée d’une batterie produite en Suède et conduite dans ce pays peut émettre 83% de moins que l’essence“, indique l’organisation.

Globalement, une voiture électrique qui roule en Europe va donc pouvoir progressivement rattraper l’écart, au niveau des émissions de CO2, qui s’est creusé lors de sa production au cours de son utilisation. Là encore, les estimations de la durée nécessaire à la réduction de cet écart dépendent largement des conditions d’utilisation.

Le constructeur suédois de voitures électriques Polestar a publié en septembre 2020 les résultats d’analyse de l’empreinte carbone de ses véhicules et a estimé que le point d’inflexion pour compenser le surplus en CO2 généré lors de la production de ses voitures était, dans le meilleur des scénarios, franchi après 40.000 km d’utilisation.

Une pollution via les particules fines liées aux freins et aux pneus

Par ailleurs, la pollution automobile c’est également les particules qui sont émises dans l’air lors de la combustion, comme les oxydes d’azote, etc. De ce côté, la voiture électrique semble plus respectueuse de l’environnement que son homologue thermique.

Francesco Contino nuance cependant cette assertion : “Les polluants et en particulier les particules viennent aussi des freins et des pneus qui émettent des microparticules lorsqu’ils sont utilisés”. Cette pollution dépend fortement du poids des véhicules.

Pour le professeur spécialisé dans les questions d’énergie “le problème, c’est que la tendance actuelle est aux véhicules SUV. Et un gros SUV électrique, finalement, ça pèse très lourd. Et on a des problèmes alors puisque finalement on émet quand même pas mal de particules lors du freinage. Même si les freins sont moins sollicités qu’avec les voitures à combustion car les véhicules électriques utilisent des systèmes de régénération pour récupérer l’énergie à la décélération avec les moteurs électriques. Cependant, ces émissions qui sont issues de l’usure des pneus et de la route peuvent être conséquentes. Et donc là, dire que ça ne pollue pas du tout, c’est une erreur.”

Par contre, “c’est clair qu’en comparaison directe pour la même masse, une voiture électrique va polluer beaucoup, beaucoup moins qu’une voiture thermique”, conclut le professeur de l’UCLouvain.

Pollution sonore : en faveur de la voiture électrique

Parmi les éléments de pollution, il y a également les nuisances sonores. Dans ce cas, l’avantage environnemental est manifeste et en faveur du véhicule électrique également.

La voiture électrique ne produit pas de son lors de son utilisation. Cela permet notamment de réduire la pollution sonore dans les grandes villes mais cela à des répercussions en matière de sécurité routière. D’ailleurs, depuis juillet 2019, les véhicules électriques doivent émettre du son, du moins lorsqu’ils roulent à moins de 20 km/h.

Un démantèlement qui implique le recyclage de la batterie

Après leur utilisation sur la route, les véhicules en fin de vie doivent être démantelés. Ici, le processus est semblable pour les véhicules à moteurs électriques et ceux à moteurs thermiques : une grande quantité d’éléments sont récupérables et recyclables, sous forme de pièces détachées d’occasion ou de matières premières. Ce recyclage se fait par des professionnels.

Cependant, il y a une différence majeure. La batterie des voitures électrique est supposée pouvoir tenir toute la durée de vie du véhicule. Cependant, elles contiennent des matériaux précieux et leur recyclage est important pour réduire la pression sur la demande de ces matériaux et ainsi limiter les impacts associés à leur extraction.

Si les performances de ces batteries sont encore suffisantes, elles peuvent parfois encore servir de solution de stockage pour des énergies renouvelables. C’est notamment déjà le cas à la Johan Cruyff ArenA (le stade de l’Ajax d’Amsterdam), où plusieurs dizaines de batteries issues de véhicules électriques ont été reconverties en système de stockage d’électricité de secours alimenté par des panneaux solaires.

Une fois leurs performances devenues insuffisantes, les batteries Li-ion sont potentiellement recyclables jusqu’à 90%. Pour autant, recyclable ne veut pas dire recyclé, et actuellement moins de 5% des batteries Li-ion en fin de vie le sont, selon un cabinet de conseil français dédié au à l’énergie et au climat, Carbone 4.

Les véhicules électriques émergeant seulement depuis quelques années, ces filières industrielles de recyclage ne sont pas encore matures. Celles-ci devraient cependant se développer à mesure que ces véhicules électriques arriveront en fin de vie et que la tension sur les matières premières s’accentuera. D’ailleurs, même si le recyclage des batteries était optimal, la récupération des matériaux ne suffirait pas à combler la demande croissante des matières premières, comme le lithium, devenues indispensables à la transition vers le “100% électrique”.

Recyclage des batteries, production d’électricité “verte” et développement des bornes de recharge

La voiture électrique n’est pas “100% verte”, comme l’affirment certains de ses partisans. Son impact sur l’environnement est indéniable mais dépend d’énormément de facteurs et peut varier fortement d’un cas à l’autre. Dans ce cas, les voitures, hybrides sont-elles la solution ?

Pour le véhicule hybride, l’intérêt environnemental dépend également de son usage. M. Contino estime d’ailleurs : “une voiture hybride peut-être pertinente pour quelqu’un qui fait de longs trajets et qui aura plutôt tendance à utiliser un moteur thermique pour ces longues routes et quand il arrive dans une ville, le véhicule passe en mode hybride. C’est tout à fait pertinent tant que cela reste une voiture qui est qui est relativement décente en masse”.

Une étude publiée dans la revue scientifique Nature indiquait cependant en 2020 que les voitures électriques étaient déjà utiles, dans les conditions de cette année pour lutter contre les gaz à effets de serre dans 53 régions du monde sur 59. De manière générale, il y a un consensus scientifique pour établir que la voiture électrique a globalement un impact moins négatif sur l’environnement en comparaison avec son homologue thermique.

Des recherches sont par ailleurs en cours pour limiter cet impact, notamment celui important des émissions de CO2 lors de la fabrication des batteries. La question du mix énergétique, c’est-à-dire la façon dont chaque État s’approvisionne en électricité, est également l’un des éléments clé pour limiter l’empreinte écologique. Plus ces sources seront neutres en carbone, plus l’intérêt de rouler à l’électricité sera élevé. “Les véhicules électriques vont s’améliorer, estime un spécialiste des véhicules électriques Yannick Perez à nos confrères de France InfoLeurs batteries pourront, par exemple, favoriser les énergies renouvelables en stockant de l’énergie produite de manière intermittente pour d’autres usages.” Le développement des filières de recyclage, notamment des éléments qui composent la batterie, est un autre point clé.

Enfin, au-delà de ces défis, de nombreuses questions liées au développement des voitures électriques peuvent également avoir une influence sur l’impact environnemental de ces véhicules :

– Réglementation des conditions d’extractions des matières premières au niveau écologique.

– Autonomie, taille, puissance, recyclage et technologies utilisées pour les batteries.

– Le développement du rétrofit, l’équipement d’un moteur électrique sur une voiture thermique.

– Développement d’alternatives comme les carburants de synthèse, “e-fuels”, comme l’e-methane, e-kérosène, e-méthanol produits à partir d’électricité renouvelable.

– Les choix individuels et de société, comme la taille et la puissance des véhicules ou l’usage de voitures partagées ou d’autres moyens alternatifs à la voiture individuelle.

À l’heure actuelle, les voitures à moteur électrique ne sont pas neutres écologiquement mais sur une durée de vie normale en Europe, à véhicules comparables, celles-ci sont moins nocives pour l’environnement. De nombreux défis restent à relever pour l’industrie et les États afin d’accroître la différence avec les moteurs thermiques et limiter encore davantage l’impact des voitures électriques sur la planète, dans les années à venir.