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« L’escroquerie » du changement climatique, la fin de sept guerres ou l’imposition de la charia à Londres : le fact-checking du discours de Donald Trump à l’ONU

L'"escroquerie" du changement climatique, la fin de sept guerres ou l’imposition de la charia à Londres : le fact-checking du discours de Donald Trump à l’ONU - Featured image

Author(s): Par Romane Bonnemé

Des importations européennes de gaz et de pétrole russes à l’énergie éolienne chinoise, en passant par le réchauffement climatique, le discours de Donald Trump devant l’Assemblée générale des Nations Unies ce 23 septembre a été émaillé de fausses affirmations et de simplifications. Voici une analyse de cinq des plus marquantes.

Devant l’Assemblée générale des Nations Unies ce 23 septembre, le président américain Donald Trump a tenu un « discours musclé sur ce qu’il considère comme les échecs du mondialisme et sur sa vision de la puissance américaine à l’étranger », commente la chaîne trumpiste Fox News.

« Trump avait raison sur tout, a notamment affirmé le président républicain parlant de lui à la troisième personne, avant d’ajouter : « Je ne dis pas cela pour me vanter, mais c’est vrai. J’ai eu raison sur tout. »

Néanmoins, tout au long de l’heure qu’a duré son discours, plusieurs affirmations fausses ou simplistes ont été énoncées. Nous avons vérifié cinq d’entre elles.

Le changement climatique, « la plus grande escroquerie »

Dans son discours, Donald Trump a également désigné le changement climatique comme étant « la plus grande escroquerie jamais perpétrée au monde. » « Toutes ces prédictions faites par les Nations Unies et bien d’autres, souvent pour de mauvaises raisons, se sont révélées fausses », a-t-il ajouté.

Selon le président Trump, cette « escroquerie » s’explique par le fait, non étayé, que les climatologues utiliseraient désormais davantage l’expression « changement climatique » que « réchauffement climatique ».

Pour lui, dans les années 1920, « on disait alors que le refroidissement climatique allait détruire la planète », puis « on a dit que le réchauffement climatique allait détruire la planète », mais ensuite ajoute-t-il, « il a commencé à faire plus frais ». Et de conclure son argumentation en affirmant que « maintenant, on parle simplement de changement climatique, car ainsi, on ne peut pas se tromper. C’est le changement climatique, car que la température augmente ou diminue, quoi qu’il arrive, il y a un changement climatique. »

Son argument est faux. Les deux expressions sont toujours utilisées par les scientifiques, notamment par ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Dans leur dernier rapport, ils rappellent que « les activités humaines, principalement par leurs émissions de gaz à effet de serre, sont la cause incontestable du réchauffement climatique, la température moyenne à la surface de la Terre ayant dépassé de 1,1 °C les niveaux de 1850-1900 entre 2011 et 2020 ».

Les deux expressions « réchauffement climatique » et « changement climatique » reflètent des enjeux différents. Ainsi, selon l’agence spatiale des États-Unis, la Nasa, le « réchauffement climatique » fait référence au réchauffement à long terme de la planète, tandis que le « changement climatique » englobe le réchauffement climatique, mais fait référence à un éventail plus large de changements qui affectent notre planète, comme l’élévation du niveau des mers, le recul des glaciers de montagne, l’accélération de la fonte des glaces au Groenland, en Antarctique et dans l’Arctique, ou les changements dans les périodes de floraison des fleurs et des plantes.

En résumé, l’affirmation de Donald Trump est donc fausse et sous-entend par ailleurs l’idée d’un complot, en utilisant les mots « escroquerie », « pour de mauvaises raisons », dont il ne donne aucune preuve.

Le maire de Londres « veut imposer la charia »

Le président américain a également déclaré à la tribune des Nations-Unies que dans la capitale du Royaume-Uni, Londres, « il y a un maire épouvantable, épouvantable, et la ville a tellement changé. Maintenant, il veut imposer la charia. »

La thèse de Donald Trump selon laquelle le premier maire musulman de Londres, le travailliste Sadiq Khan, voudrait imposer la loi religieuse islamique régissant la vie publique et privée ne date pas d’hier.

Les fausses allégations concernant l’application de la charia à Londres circulent depuis des années sur les réseaux sociaux, comme le rappelle la BBC. Ainsi, lors de son premier mandat en 2020, plusieurs publications sur Facebook montraient une image de Sadiq Khan accompagnée d’une citation : « Nous testons actuellement la loi shakira [charia mal orthographiée, NDLR] dans trois arrondissements de Londres. Nous la déploierons ensuite dans les trente autres l’année prochaine. » Le maire avait démenti cette affirmation à l’époque.

Dès les années 2000, l’idée que des zones « contrôlées » par les musulmans seraient dangereuses pour les Britanniques « blancs » était déjà relayée par certains politiciens de droite, rapporte un article de The Guardian.

Selon Politifact, il existe environ 85 « Sharia councils » (conseils de la charia) à travers le Royaume-Uni en 2009, citant les données d’un groupe de réflexion. Les missions de ces conseils portent sur l’arbitrage des mariages religieux ou sur des questions financières. En 2019, les parlementaires britanniques ont rappelé que « les conseils de la charia n’ont aucun rôle juridique ou constitutionnel officiel au Royaume-Uni » et que « les seuls organismes habilités à rendre des décisions juridiquement contraignantes sont les tribunaux, et les citoyens peuvent toujours saisir les tribunaux en cas de litige. »

Dans la foulée de la déclaration de Donald Trump à l’ONU, Emily Thornberry, présidente de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes, s’est jointe aux députés travaillistes qui ont condamné Trump avec plus de vigueur à ce sujet. Elle a publié ceci sur les réseaux sociaux : « Je connais Sadiq Khan depuis plus de 30 ans. C’est un féministe, un socialiste et un allié de la communauté LGBTQ +. Je suis très fière qu’il soit le maire de Londres. Pour information, il est aussi intéressé que moi par l’introduction de la charia à Londres, c’est-à-dire 0%. Ceux qui suggèrent le contraire se trompent ou ont des intentions sinistres. »

En conclusion, les propos de Donald Trump sur l’imposition de la charia à Londres sont inexacts.

La Chine « possède peu de parcs éoliens »

Sur les énergies renouvelables, Donald Trump a déclaré que la Chine « possède très peu de parcs éoliens ». Avant de s’interroger : « alors pourquoi en construit-elle et les envoie-t-elle partout dans le monde, sans les utiliser à grand-peine ? Vous savez quoi, elle utilise du charbon, du gaz, presque tout, mais elle n’aime pas l’éolien, et pourtant, elle adore vendre des éoliennes. »

La Chine possède plus de parcs éoliens et de capacités éoliennes que tout autre pays, et prévoit d’en construire davantage, pointe ​​​le New York Times.

En se basant sur les données du Global Energy Monitor, une organisation à but non lucratif basée en Californie, la Chine exploite également près d’un tiers des parcs éoliens du monde, soit 5400 sur 17.000 en activité, et est à l’origine 44% de l’énergie éolienne produite dans le monde. Elle disposait de plus de 444.000 mégawatts d’énergie éolienne en exploitation en février 2025. C’est presque le triple des 151.000 mégawatts en exploitation aux États-Unis, qui se classent au deuxième rang.

D’après un rapport de Global Energy Monitor de 2024, « si la production d’énergie éolienne et solaire continue d’augmenter de 200 GW par an, comme prévu par les autorités pour 2024, la capacité de production d’énergie renouvelable devrait tripler d’ici fin 2030 (par rapport à la capacité de 934 GW en 2020) ».

Selon l’Administration chinoise de l’énergie, la capacité installée d’énergie éolienne a augmenté de 18% en 2024, avec l’installation de 80 GW d’énergie éolienne l’année dernière, toujours pour les autorités chinoises.

Au final, cette affirmation de Donald Trump selon laquelle la Chine posséderait très peu de parcs éoliens est fausse.

Trump a « mis fin à sept guerres »

Plus tôt dans son discours, le président Trump a annoncé que « [s] on administration a négocié une série d’accords commerciaux historiques, notamment avec le Royaume-Uni, l’Union européenne, le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam, l’Indonésie, les Philippines, la Malaisie et bien d’autres pays encore. » Avant d’ajouter qu’ « en l’espace de sept mois seulement, [il a] mis fin à sept guerres interminables. »

Depuis l’investiture de Donald Trump en janvier 2025, les États-Unis sont effectivement intervenus dans sept conflits (Israël/Iran, Inde/Pakistan, RDC/Rwanda, Cambodge/Thaïlande, Arménie/Azerbaïdjan, Égypte/Éthiopie et Serbie/Kosovo) avec des baisses de tensions à la clef. Mais sur le fond, hormis pour le cas de la guerre Arménie/Azerbaïdjan, les différends existent toujours et les guerres se poursuivent.

Ainsi, concernant le conflit Israël/Iran : le 24 juin, Donald Trump annonce sur son réseau social Truth Social que la république islamique d’Iran et l’État d’Israël ont tous deux approuvé un cessez-le-feu « complet et total » d’une durée de 12 heures. Mais qui selon lui, « va durer éternellement ». Une affirmation pour le moins « audacieuse » s’agissant du Moyen-Orient, « où le storytelling des présidents américains a rarement résisté à l’épreuve du temps », lit-on dans Libération. Selon The Guardian, plusieurs analystes ont publiquement mis en doute la résolution du désaccord sur les ambitions nucléaires de l’Iran et ont averti que le conflit pourrait reprendre.

Pour ce qui est de la guerre qui a opposé l’Inde au Pakistan au printemps dernier, si Islamabad ne cesse de louer l’action de Washington (jusqu’à proposer Trump au Nobel de la paix) dans la cessation des hostilités avec son voisin, le Premier ministre indien Narendra Modi insiste sur le fait qu’il n’y a eu aucune médiation de la part des États-Unis pour parvenir au cessez-le-feu, pointe Le Figaro.

Au sujet des tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, bien que Donald Trump se réjouisse d’avoir facilité la signature d’un traité de paix entre les deux pays le 27 juin dernier, les combats continuent de faire rage dans la province du Sud-Kivu. « La détérioration de la situation au Sud-Kivu reflète une dangereuse combinaison de défaillances de gouvernance, de méfiance entre les forces armées et les groupes armés qui leur sont alliés, et de tensions ethniques croissantes », a récemment déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch.

Entre l’Égypte et l’Éthiopie, les tensions actuelles portent sur l’inauguration par Addis Abeba de l’un des plus grands barrages du monde sur un affluent du Nil, critiqué par Le Caire qui craint que l’ouvrage ne réduise considérablement le débit d’eau dans le pays. Mais, comme le pointe CNN, « ce n’est pas une guerre, donc Trump ne peut pas prétendre l’avoir arrêté ». Le président américain Donald Trump a déclaré que les États-Unis avaient « stupidement financé » la construction du barrage, ajoutant qu’il réduisait « considérablement » le débit d’eau du Nil, reprenant ainsi les préoccupations de l’Égypte, un puissant allié des États-Unis. L’Éthiopie a rejeté cette affirmation comme étant « fausse », insistant sur le fait que le barrage était autofinancé, rapporte la BBC.

Enfin, sur le conflit entre la Serbie et le Kosovo cité par Donald Trump, « rien n’indique qu’une guerre potentielle se préparait », pointe Politifact.

Quant à la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, les dirigeants deux pays ont rejoint Trump à la Maison Blanche le 8 août 2025 pour signer une déclaration de paix commune après près de 40 ans de conflit. Cet accord, négocié par Trump, n’est pas un accord de paix définitif, mais représente un pas dans cette direction, selon des experts en politique étrangère.

En conclusion, la thèse de Trump selon laquelle il serait un « faiseur de paix » dans sept conflits ne reflète pas les complexes réalités géopolitiques. Comme l’écrit Le Figaro, cette liste de guerres qui auraient été résolues grâce à Donald Trump est « un bilan pléthorique et largement fantasmé ».

« Les Européens achètent du pétrole et du gaz à la Russie »

Concernant la guerre en Ukraine, Donald Trump a déclaré que l’Europe « devrait se joindre [aux États-Unis] pour adopter exactement les mêmes mesures [les droits de douane sur la Russie] si la guerre continuait. » Selon lui, elle « doit intensifier ses efforts. [Les Européens] ne peuvent pas continuer comme ils le font. Ils achètent du pétrole et du gaz à la Russie ! ».

Si avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’UE était fortement dépendante de Moscou pour ses approvisionnements en charbon, pétrole et gaz, les importations d’énergies fossiles russes ont chuté de manière significative depuis lors.

Selon la Commission européenne, les mesures prises jusqu’à présent ont permis de réduire les volumes de gaz russe importés de 150 milliards de m³ en 2021 à 52 milliards de m³ en 2024, la part des importations de gaz russe passant de 45% à 19%.

Pour diversifier son approvisionnement, l’UE a eu recours à du gaz naturel liquéfié (GNL) américain, acheminé par la mer. Entre 2021 et 2024, les importations de gaz en provenance des États-Unis ont connu une augmentation, passant de 18,9 milliards de mètres cubes à 45,1 milliards de mètres cubes entre les deux années, selon les chiffres du Conseil de l’UE.

Toujours selon la Commission européenne, l’UE a interdit les importations de pétrole brut et de produits pétroliers transportés par voie maritime en provenance de Russie. Désormais, c’est principalement via l’oléoduc Droujba que le pétrole russe est acheminé : son importation a diminué, passant de 27% début 2022 à 3% aujourd’hui.

Seuls deux pays européens importent encore du brut russe : la Slovaquie et la Hongrie. Ce 24 septembre, la Commission européenne a annoncé qu’elle allait proposer des droits de douane accrus sur le pétrole russe que ces deux pays de l’UE continuent d’importer.

Du côté de Budapest, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, est « un admirateur notoire de Trump », pointe The Guardian. Son ministre des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, a confirmé cette semaine que son pays continuerait d’accepter l’énergie russe. Pour autant, il a également annoncé la signature d’un contrat d’achat de gaz naturel à long terme avec le fournisseur occidental Shell, qui porte sur l’achat de deux milliards de mètres cubes de gaz naturel sur dix ans, à partir de 2026.

Finalement, si l’Union européenne continue d’importer du gaz et du pétrole russe, Donald Trump omet de dire que les 27 ont beaucoup réduit ces importations et s’apprêtent à le faire davantage dans les prochaines années. La déclaration de Donald Trump est donc simpliste .