Depuis le 1er novembre 2021, tous les employés de la ville de New York doivent avoir reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid-19 pour pouvoir rester en fonction. Pourtant, depuis le 25 octobre 2022, des publications très partagées sur les réseaux sociaux affirment que la Cour suprême de l’État de New York a ordonné la réintégration de tous les personnels non vaccinés, avec paiement rétroactif de leurs salaires. C’est faux. Un juge de la Cour suprême de New York a bien rendu une décision ordonnant la réintégration d’employés non vaccinés, mais celle-ci n’est pas générale, elle ne concerne qu’un groupe de 16 employés de la propreté. Concrètement, cela n’a pas d’impact sur tous les autres employés municipaux soumis à l’obligation vaccinale et New York ayant fait appel de cette décision, la réintégration est pour le moment suspendue comme le confirment à l’AFP la Cour suprême de l’Etat et l’avocat des 16 agents municipaux.
“La Cour suprême de New York ordonne la réintégration de tous les personnels suspendus pour cause de non vaccination covid ! Avec paiement rétroactif de ce qui est dû“, affirment des dizaines d’internautes – dont plusieurs personnalités politiques comme Florian Philippot (président des Patriotes), Nicolas Dupont-Aignan (député de l’Essonne et président de Debout la France) ou encore Virginie Joron (députée européenne Rassemblement National) – dans des publications partagées plus de 10.000 fois sur Twitter et Facebook (1, 2, 3).
La plupart des internautes partagent également une capture d’écran d’une décision de justice, signée par Ralph Porzio.
Mais attention, les interprétations déduites de cette décision sont erronées.
Seuls 16 employés concernés
Ralph Porzio, juge de la Cour suprême de l’État de New York s’est effectivement prononcé, mardi 25 octobre 2022, pour la réintégration d’un groupe d’employés licenciés pour avoir refusé de se conformer à l’obligation faite aux fonctionnaires de la ville de New York de se faire vacciner contre le Covid-19. Il a également décidé qu’ils devaient recevoir un salaire rétroactif.
Selon lui, cette obligation contrevient à la constitution de l’Etat.
Cependant, cette décision ne concerne pas tous les employés municipaux ou tous les soignants, mais seulement 16 agents d’entretien municipaux.
On retrouve d’ailleurs les noms des principaux concernés, les requérants (“petitioners” en anglais), sur la première page de la décision du juge.
Contacté par l’AFP le 2 novembre 2022, l’avocat des 16 employés, Chad J. LaVeglia, précise ainsi que la décision ne concerne que ces 16 employés. “La décision du tribunal a ordonné à la ville de réintégrer les 16 agents d’entretien municipaux avec des arriérés de salaire. L’ordonnance ne prévoit pas la réintégration d’autres personnes.”
Dans une note publiée sur son blog le 29 octobre 2022, l’avocat faisait déjà cette distinction ajoutant que l’un des objectifs principaux de cette décision est “d’ouvrir la porte à tout le monde”.
La Cour suprême de New York a également confirmé à l’AFP le 2 novembre 2022 que les allégations contenues dans les publications circulant sur internet “sont trompeuses et incorrectes“, renvoyant vers un article du site d’infos locales Gothamist, qui indique avoir reçu l’assurance d’un porte-parole des services juridiques de la ville que “l’obligation [vaccinale, ndlr] est toujours en place pour tous les travailleurs qui ne font pas l’objet de la procédure“.
Dans son ordonnance, le juge Ralph Porzio écrit que l’exigence de la ville de vacciner les fonctionnaires était “arbitraire”. Il remet notamment en question le traitement différencié entre les employés municipaux et les salariés du privé concernant l’obligation vaccinale : “Il n’y a aucune raison rationnelle justifiant que les obligations de vaccination distinguent les employés municipaux et les autres employés du secteur privé.”
Le magistrat ajoute également que le vaccin “n’empêchant pas un individu de contracter ou de transmettre le Covid-19 […], les requérants ne devraient être sanctionnés pour avoir choisi de ne pas se protéger eux-mêmes“. Il précise cependant un peu plus loin que ce n’est pas “un commentaire sur l’efficacité de la vaccination, mais sur la façon dont nous traitons nos premiers intervenants“.
New York a fait appel de la décision
Mais comme le confirme à l’AFP l’avocat Chad J. LaVeglia, “la ville a fait appel de la décision“.
En effet, le service juridique de la ville de New York a déclaré qu’il avait déposé des documents visant à annuler la décision du juge Porzio, bloquant automatiquement son ordre de réintégrer les employés licenciés, expliquent plusieurs médias américains.
“Un porte-parole du département juridique de la ville de New York a déclaré (…) que la ville ‘n’est pas du tout d’accord avec cette décision car l’obligation vaccinale est fermement ancrée dans la loi et est essentielle à la santé publique des New-Yorkais’ “, peut-on lire par exemple dans le Washington Post.
“Nous avons déjà fait appel. Entre-temps, l’obligation vaccinale reste en place car cette décision ne concerne que les requérants individuels dans cette affaire. Nous continuons à examiner la décision du tribunal, qui est en contradiction avec de nombreux autres jugements qui confirment déjà l’obligation“, ajoute la ville de New York citée par le CNN.
1.750 employés municipaux licenciés
Le vaccin contre le Covid-19 a été rendu obligatoire pour tous les fonctionnaires de la ville de New York (enseignants, soignants, policiers, pompiers…) le 1er novembre 2021, et à tous les salariés des entreprises et commerces privés de la ville le 27 décembre 2021, dans les derniers mois de l’administration de l’ancien maire Bill de Blasio.
Le nouveau maire, Eric Adams, a autorisé certaines exceptions pour les athlètes et les artistes au printemps, avant d’annoncer le mois dernier que la ville de New York abandonnait l’obligation vaccinale des salariés du privé à compter du 1er novembre 2022. “Les employeurs restent libres de continuer à exiger de leurs travailleurs qu’ils se fassent vacciner pour pouvoir travailler”, a-t-il cependant déclaré.
Selon le New York Post, citant la mairie de New York, plus de 1.750 employés municipaux (sur les 300.000) auraient été licenciés pour avoir refusé de se faire vacciner contre le Covid-19.
En France, les soignants non vaccinés toujours suspendus
Dans les publications que nous vérifions, plusieurs internautes exhortent la France à prendre des mesures similaires, et à réintégrer les soignants non vaccinés. “Ça bouge partout, la justice doit être faite en France“, écrit ainsi Florian Philippot.
En France, l’obligation vaccinale contre le Covid-19 s’applique pour les soignants et non soignants qui exercent à l’hôpital ou dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) depuis la mi-septembre 2021. Les non vaccinés se voient donc empêchés d’exercer leur activité, sans rémunération, une situation dénoncée par une partie des oppositions, de la France Insoumise (LFI) au Rassemblement national (RN) en passant les Républicains (LR).
Cet été, le gouvernement a une nouvelle fois dit non à la réintégration des soignants non vaccinés, suivant les avis de l’Académie nationale de médecine, du Conseil scientifique et de la Haute Autorité de santé. “Au total, près de 0,3% des professionnels hospitaliers, soignants et non-soignants, auraient ainsi été suspendus depuis l’automne 2021 selon la Fédération Hospitalière de France qui précise que leur réintégration ne compenserait pas la grave pénurie de personnel dont souffre l’hôpital“, déclare l’Académie nationale de médecine.
En Europe, la Finlande impose toujours également, à ce jour, la vaccination contre le Covid-19, la présentation d’un test négatif ou d’un certificat de rétablissement, pour tous les professionnels de la santé et de l’aide sociale qui sont en contact étroit avec des clients ou des patients à risque de contracter une maladie grave à cause du Covid-19 .
En Grèce, Thanos Plevris, ministre de la Santé, a ouvert la voie début octobre à la réintégration des personnels de santé non vaccinés avant la fin de l’année, précisant tout de même que cela “ne concerne pas prioritairement les médecins et infirmiers, mais le personnel administratif“.
En Italie, les médecins et infirmiers suspendus pour avoir refusé de se faire vacciner contre le Covid-19 ont quant à eux pu reprendre le travail le 1er novembre.