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Nous avons vérifié 10 affirmations des 5 présidents et co-présidente de parti du débat de la RTBF

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Author(s): Par Guillaume Woelfle, Grégoire Ryckmans, Jean-François Noulet, Clémence Dath et Xavier Lambert

La RTBF organisait ce mercredi soir un débat rassemblant quatre présidents et une co-présidente de parti francophone. Ils et elle ont avancé des chiffres, et parfois accusé l’autre de « mensonges ». Qu’en est-il ? Nous avons vérifié leurs affirmations.

Sur une quarantaine d’affirmations factuelles vérifiables contenant par exemple un chiffre précis ou une date, nous en avons sélectionné une quinzaine sur base de différents critères : des affirmations sur lesquelles les personnalités ont elles-mêmes le plus insisté ou celles qui ont fait le plus débat (avec parfois utilisation d’un joker) et avec une préférence pour des arguments qui n’ont pas encore été vérifiés par le passé.

Dans la mesure du possible, nous essayons d’appliquer une répartition équitable entre majorité (5 affirmations) et opposition (7 affirmations), qu’il y a parfois plusieurs intervenants sur une même affirmation. La conclusion (vrai, faux ou à nuancer) n’est pas un critère de sélection puisque cette conclusion n’apparaît qu’après vérification d’une affirmation que nous avons au préalable choisie de sélectionner.

« Les mesures pensions vont coûter entre 150€ et 200€ par pensionné » (Raoul Hedebouw – PTB)

Dès le début du débat, Raoul Hedebouw a reproché au gouvernement ses mesures en matière de pensions : « Les mesures pensions vont coûter, suivant la commission de vieillissement de la population entre 150€ et 200€ par pensionné. » Quelques minutes plus tard, il relance cet argument en précisant ses chiffres : « J’ai ici un rapport du comité de vieillissement de la population, qui nous indique que les pensionnés vont perdre entre 9% et 12% de leur pension suite à vos réformes, entre 150€ et 200€. »

Ce deuxième argument est contesté par Georges-Louis Bouchez dans la foulée : « Ce que monsieur Hedebouw dit est faux. […] (Le rapport concerne) des gens qui n’ont pas suffisamment cotisé, qui n’ont pas suffisamment travaillé, quand ils seront à la pension, pas les pensionnés actuels. »

Vérification

Dans son rapport annuel publié en juillet dernier et révisé en septembre, le Comité d’Étude sur le Vieillissement a effectivement évalué l’impact budgétaire et social de la réforme des pensions préparée par le gouvernement Arizona. Il a pris en compte 14 mesures contenues dans cette réforme comme la suppression du bonus actuel et son remplacement par le bonus/malus, la limitation des périodes assimilées, l’accès à la retraite à 60 ans après 42 ans de carrière, la suppression de la péréquation ou le relèvement de l’âge de la retraite pour les « catégories privilégiées » et la suppression des tantièmes préférentiels. Le comité agrège ensuite toutes ces réformes pour différents profils et conclut que :

« En termes du benefit ratio (rapport entre la pension moyenne et le revenu professionnel moyen), l’impact cumulé des mesures est le plus élevé chez les pensionnés du régime de la fonction publique. Il s’intensifie progressivement pour atteindre -11,9% en 2070. Les pensionnés du régime salarié constituent le deuxième groupe le plus affecté, avec un effet global – ajusté à l’aide de l’évaluation indicative mentionnée plus haut – estimé à -9,2% en 2070. Enfin, les pensionnés du régime des indépendants apparaissent les moins impactés, l’effet sur le benefit ratio global, relativement stable sur l’ensemble de la période, étant de -3,1% en 2070. »

Le comité publie ensuite un tableau reprenant toutes les impacts cumulés en fonction des profils. Le chiffre de -8,1% pour le benefit ratio des salariés affiché dans le tableau est une sous-estimation et corrigé à -9,2% comme indiqué dans le texte ci-dessus.

© Capture d’écran RTBF / Capture d’écran d’un tableau reprennent l’impact de l’ensemble des mesures de pension sur le taux de remplacement et le benefit ratio établie par le Comité d’Étude sur le Vieillissement.

Le comité indique aussi qu’en termes budgétaires, la réforme mène à un relèvement du taux d’emploi de 0,2% et engendre une croissance du PIB de 0,3%.

La conversion de ces taux, de -9,2% à -11,9%, dans un impact de 150 à 200€ est un calcul du PTB basé sur une pension moyenne de 1500€. La baisse d’environ 10% sur une telle pension est bien de 150€. Selon le Service Fédéral des Pensions, « en janvier 2024, les pensionnés ont reçu un revenu de pension légale de 1998 euros en moyenne. » Une baisse de 10% sur un tel montant approcherait donc d’une perte de 200€, comme évoqué par Raoul Hedebouw.

Conclusion

Les chiffres de Raoul Hedebouw sont corrects et bien sourcés, mais il ne cite que les baisses les plus fortes (celles qui concernent les fonctionnaires et salariés), et pas celle pour les indépendants qui est plus modérée à -3,1%. La conversion en euro est également correcte. En revanche, comme lui rétorque Georges-Louis Bouchez, ces projections sont faites à l’horizon 2070 et concernent donc bien les futurs pensionnés et non les pensionnés d’aujourd’hui.

L’affirmation de Raoul Hedebouw est donc à nuancer.

« Trois Belges sur quatre disent que leur pouvoir d’achat s’est détérioré depuis l’Arizona » (Paul Magnette – PS)

Lors de ce débat, des questions ont porté sur le pouvoir d’achat des Belges. Lors de son intervention à ce sujet, le président du PS a déclaré : « Trois Belges sur quatre disent ‘depuis que le gouvernement fédéral s’est installé avec le MR et Les Engagés, mon pouvoir d’achat s’est détérioré’. Les gens le voient concrètement, dans leur vie quotidienne. ».

Vérification

Selon le Grand Baromètre  » Le Soir-RTL-Ipsos-Het Laatste NieuwsVTM » publié le 26 septembre dernier, le chiffre précis est en fait de 73%. Il s’agit donc bien de trois Belges sur quatre en arrondissant.

Dans ce sondage réalisé sur base d’échantillons représentatifs des Belges de 18 ans, les résultats indiquent effectivement bien que « 73% des Belges estiment que leur pouvoir d’achat s’est détérioré depuis la mise en place du gouvernement de Bart De Wever le 3 février 2025 ».

Conclusion

Cette affirmation est donc vraie.

Néanmoins, s’il est exact que près de trois Belges sur quatre estiment que leur pouvoir d’achat a baissé depuis la mise en place de la nouvelle coalition fédérale selon un sondage représentatif, la réalité économique est-elle pour autant le reflet de ce sentiment ?

En Belgique, pour évaluer l’évolution du pouvoir d’achat, on se base sur l’IPC. Il s’agit de l’indice des prix à la consommation. Cet indice des prix à la consommation – ou indice général – mesure l’évolution des prix des biens et services consommés par les ménages. Les indices reflètent donc l’évolution du coût de la vie pour les ménages.

En fait, l’indice des prix à la consommation, qui est donc représentatif du coût de la vie (en moyenne), est resté assez stable depuis février 2025. Si la dernière indexation des salaires a eu lieu en janvier 2025 (avant la mise en place du gouvernement) et qu’il n’y a eu aucune indexation automatique des salaires depuis la mise en place de l’Arizona, les prix sont, en moyenne, globalement restés plutôt stables, ils ont même très légèrement reculé.

Selon Statbel, l’IPC était à 135.39 en janvier 2025. En septembre 2025, il était à 134.95, soit très légèrement en dessous. Cependant, cet indice est bien une moyenne et un indicateur économique global. Cela n’indique donc pas pour autant que certains Belges ne puissent pas effectivement avoir perdu du pouvoir d’achat entre février et septembre 2025. Ce n’est juste pas le reflet de la situation économique globale belge.

Le Prix Nobel d’économie l’a reçu parce qu’il explique que davantage d’impôts faisait fuir la richesse (Georges-Louis Bouchez – MR)

Dans un débat sur le pouvoir d’achat et la fiscalité, Georges-Louis Bouchez est revenu sur un argument souvent avancé par les partis de gauche. « On nous dit « taxez les riches ! ». Mais aujourd’hui, le prix Nobel d’économie lui-même, a reçu le prix Nobel parce qu’il explique que taxer plus que ce qui existe déjà dans des pays comme la Belgique, comme la France, c’est faire fuir de la richesse, c’est faire fuir des capitaux, et c’est détruire l’économie. »

Vérification

Le prix Nobel d’économie 2025 a été attribué le 13 octobre dernier à Joel Mokyr, 79 ans, « pour avoir identifié les conditions préalables à une croissance durable grâce au progrès technologique » et l’autre conjointement à Philippe Aghion, 69 ans, et Peter Howitt, 79 ans, « pour leur théorie de la croissance durable à travers la destruction créatrice », selon le comité Nobel cité par l’Agence France Presse.

Selon le communiqué de presse du Comité Nobel, « Joel Mokyr s’est appuyé sur des sources historiques pour mettre en lumière les causes qui ont permis à la croissance durable de devenir la nouvelle norme. Il a démontré que pour que les innovations se succèdent dans un processus auto-générateur, il ne suffit pas de savoir que quelque chose fonctionne, il faut également disposer d’explications scientifiques qui permettent de comprendre pourquoi. Ces dernières faisaient souvent défaut avant la révolution industrielle, ce qui rendait difficile de s’appuyer sur les nouvelles découvertes et inventions. Il a également souligné l’importance pour la société d’être ouverte aux nouvelles idées et de permettre le changement. »

Quant à Philippe Aghion et Peter Howitt, ils « ont également étudié les mécanismes à l’origine d’une croissance durable. Dans un article publié en 1992, ils ont élaboré un modèle mathématique illustrant ce que l’on appelle la destruction créatrice : lorsqu’un nouveau produit plus performant fait son apparition sur le marché, les entreprises qui commercialisent les anciens produits sont perdantes. L’innovation représente quelque chose de nouveau et est donc créatrice. Cependant, elle est également destructrice, car l’entreprise dont la technologie devient obsolète est évincée de la concurrence. »

« Les travaux des lauréats montrent que la croissance économique ne peut être considérée comme acquise. Nous devons préserver les mécanismes qui sous-tendent la destruction créatrice afin de ne pas retomber dans la stagnation », a résumé John Hassler, président du comité du prix en sciences économiques.

Contacté après le débat, le porte-parole de Georges-Louis Bouchez nous précise que la source utilisée par le président du MR est un portrait réalisé par Le Figaro de l’un des trois lauréats, Philippe Aghion. Il y est relaté une opposition intervenue lors d’une conférence organisée en septembre entre lui et Gabriel Zucman, un économiste classé à gauche, favorable à une taxation du capital, notamment à travers la taxe Zucman qui agite le débat politique français depuis plusieurs semaines.

« Je suis un social-démocrate convaincu : il faut produire pour pouvoir redistribuer. Et la France est déjà l’un des pays les plus redistributifs au monde, ce qui est une bonne chose, expliquait Aghion lors de cette conférence citée par Le Figaro. Mon désaccord avec la proposition (de Gabriel Zucman) concerne le fait d’inclure l’outil de travail dans l’assiette de l’impôt, développait celui qui n’était pas encore Prix Nobel. Est-il juste de taxer un patrimoine professionnel dont la valorisation est volatile, non réalisée ? Si l’objectif est de lutter contre l’optimisation fiscale via les holdings familiales, pourquoi viser des start-up à forte valorisation, mais pas encore rentables ? » Plus tard, lors de la conférence, Philippe Aghion s’est directement adressé à son interlocuteur selon un échange à nouveau cité par Le Figaro : « Gabriel, si tu fais cela, tu transformes la France en prison fiscale. Ce serait une balle dans le pied au moment où nous devons nous réveiller. »

Conclusion

L’un des trois Prix Nobel d’économie s’est effectivement déclaré contre la taxe Zucman sur le capital lors d’un débat organisé il y a un mois, déclarant que les modalités prévues par l’économiste transformeraient la France « en prison fiscale » et qualifiant l’idée de « balle dans le pied au moment où nous devons nous réveiller ».

Selon le compte rendu qu’en fait Le Figaro, Philippe Aghion, qui se qualifie comme « social-démocrate convaincu » s’oppose avant tout aux modalités de la taxe Zucman et rien n’indique qu’il est contre (ni pour) une forme de taxation du capital en général. S’il se dit contre la taxe Zucman, il n’indique donc pas qu’une éventuelle autre forme du capital ferait « fuir de la richesse, fuir des capitaux, et détruire l’économie ».

Par ailleurs, ce n’est pas pour cette analyse-là que Philippe Aghion s’est vu décerner le Prix Nobel d’économie, mais pour ses travaux sur « la destruction créatrice » qui modélisent le fait que lorsqu’ »un nouveau produit plus performant fait son apparition sur le marché, les entreprises qui commercialisent les anciens produits sont perdantes. L’innovation représente quelque chose de nouveau et est donc créatrice. »

L’affirmation de Georges-Louis Bouchez est donc fausse puisque Philippe Aghion n’a pas gagné le Prix Nobel pour son avis sur la taxation du capital. Un avis qui n’est d’ailleurs pas aussi clair qu’énoncé par Georges-Louis Bouchez, selon les sources disponibles.

Une famille de classe moyenne paiera 2500 euros en plus sur le parcours scolaire (Paul Magnette – PS)

Dans un débat sur l’enseignement et les mesures d’économies à hauteur de 255 millions d’euros annoncées par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Paul Magnette a voulu illustrer selon lui les coûts qui augmenteront pour une famille de la classe moyenne : « Une autre chaîne a fait hier (mardi) le calcul. Elle a pris une famille de classe moyenne. Elle a pris une famille, qui n’est pas une famille populaire, où les parents travaillent, qui n’a pas d’aide sociale, qui n’a pas de bourse, qui n’a rien. Et bien ceux-là, sur une scolarité moyenne, entre la crèche qui augmente, l’enfant qui va à l’école, les frais scolaires qui augmentent, si l’enfant fait un peu de stages sportifs, va à la musique, des études supérieures, ce sera plus de 2500 euros d’augmentation sur un parcours scolaire. »

Yvan Verougstraete (Les Engagés) et Georges-Louis Bouchez (MR) font « non » de la tête, à la fin de son intervention.

Vérification

Paul Magnette cite une simulation réalisée par nos confrères de RTL Info. Ils prennent l’hypothèse d’un enfant inscrit dans une crèche de l’ONE dont les subventions ne seront pas indexées en 2026 et qui reporterait ce coût sur la famille : 220 euros. Ils y ajoutent la fin de la gratuité des fournitures scolaires en primaire, soit 104 euros en moyenne en première, deuxième et troisième années, soit un total de 312 euros. Cet enfant est inscrit dans une académie de musique, et là encore, la fin de la gratuité scolaire est répercutée sur parents : 94 euros par an, soit 188 euros au total. Ils y ajoutent trois stages sportifs organisés par l’Adeps dont la hausse du prix d’inscription augmente de 63 euros la facture. Enfin, cet enfant s’inscrit à l’université et subit la hausse du minerval de 357 euros par année, soit 1785 euros pour cinq ans. Le total calculé par RTL est don de 2568 euros sur l’ensemble de la scolarité, de la crèche à la fin des études supérieures.

Toutes ces hausses font bien partie des changements annoncés par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce vendredi 10 septembre. Néanmoins, la simulation de RTL Info est en partie maximaliste. Elle part du principe que les crèches ou que les académies de musique répercuteront forcément la baisse de subvention ou la fin de la gratuité sur les familles, que l’enfant ne bénéficiera plus de la moindre gratuité de fourniture scolaire, alors que le budget est maintenu mais désormais laissé à discrétion des écoles. Le plus gros poste, la hausse de minerval lors de chaque année d’université, est également l’hypothèse maximaliste puisque selon les données d’Elisabeth Degryse, environ 40% à 50% des étudiants ne subiront pas cette hausse.

Conclusion

Le chiffre cité par Paul Magnette est correct, et le calcul réalisé par RTL Info se base effectivement de vraies mesures décidées par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Même si le concept de « classe moyenne » est nébuleux, ce scénario peut exister pour des familles qui ont des revenus suffisants pour ne pas avoir droit aux aides. En revanche, on ne peut pas considérer que cette augmentation s’appliquera à toutes les familles, ni qu’il est représentatif de la famille moyenne. Les hypothèses de calcul sont en effet maximalistes et partent du principe que toutes les mesures seront répercutées sur cette famille, ce qui n’est pas certain.

L’affirmation de Paul Magnette est donc plutôt vraie.

La hausse du minerval dans le supérieur touchera 60% des étudiants (Raoul Hedebouw – PTB)

L’indexation du minerval, le coût de l’inscription dans l’enseignement supérieur, décidé par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, est critiqué par l’opposition. « De 835 euros à 1200 euros de frais d’inscription. Ce sont les couches populaires qui vont être victimes de ça. 60% des étudiants vont être victimes de ça », a affirmé Raoul Hedebouw, président du PTB, lors du débat.

Un argument réfuté par Yvan Verougstraete, le président des Engagés dont est issue Elisabeth Degryse, ministre-présidente et ministre de l’Enseignement supérieur. « Ce n’est pas le minerval de tout le monde qui va monter de 400 euros », affirme-t-il. « Tous les boursiers continueront à payer zéro euro. Les 10% qui ont le moins de moyens paieront un tarif intermédiaire à 385 euros. Les 10% suivants resteront au même prix qu’aujourd’hui. Ce n’est que ceux qui ont le plus de moyens, qui ont la chance de faire des études universitaires, qui paieront 2,5 fois moins cher que nos amis français, 2,5 fois moins cher que les Hollandais. 10 fois moins cher que les Anglais », a-t-il poursuivi.

Le président des Engagés est coupé dans sa réponse par un joker de Paul Magnette. « Vous dites l’inverse de ce qu’a dit votre ministre-présidente, Mme Degryse. Elle a dit, pour le minerval étudiant, la moitié des étudiants vont payer les 1200 euros. » Et Paul Magnette se référant à ce qu’Yvan Verougstraete poursuit : « 60% des étudiants vont payer 400 euros en plus l’année prochaine. Et donc effectivement, ceux qui ont les revenus les plus modestes ne seront pas touchés, mais la classe moyenne » le sera, accuse le président du PS, Paul Magnette.

Après avoir indiqué qu’il aurait préféré garder le minerval à 835 euros, « le minerval le moins cher d’Europe », Yvan Verougstraete précise la proportion d’étudiants qui seront touchés. « En effet, les 20% de boursiers resteront à payer zéro, les 10% suivants paieront 385 euros et les suivants paieront 835 euros comme aujourd’hui », sans préciser la taille de ce troisième groupe. Et il conclut : « C’est vrai qu’il reste entre 55 et 60% des gens qui vont avoir une augmentation ».

Vérification

Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a prévu d’instaurer un minerval progressif à partir de la rentrée 2026. Il est vrai que le statut des boursiers reste inchangé. Ils continueront à ne pas payer de minerval. À ce sujet, selon des données publiées sur le portail officiel de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, on comptait 23% d’étudiants boursiers en 2022-2023.

Un statut « d’étudiant modeste » est ensuite prévu. Ces étudiants paieront 375 euros de minerval. Actuellement, 1% des étudiants ont ce statut d’étudiant modeste. Le gouvernement a prévu d’élargir les critères pour que davantage d’étudiants puissent en bénéficier. Les modalités ne sont pas encore connues.

Un statut intermédiaire sera créé pour lequel le minerval à payer sera de 835 euros. Il concernera une partie de la population étudiante. Ce statut sera octroyé en fonction des revenus, sur base de l’avertissement extrait de rôle. Là aussi, les modalités ne sont pas encore fixées.

Enfin, le « nouveau minerval plein », le tarif maximal, sans octroi de réductions, sera fixé à 1194 euros. Cela correspond, explique le gouvernement à un rattrapage de la non-indexation du minerval depuis 2011. Ce rattrapage a d’ailleurs été souligné par le président du MR, Georges-Louis Bouchez, lors du débat.

Conclusion

Etant donné que le statut d’étudiant modeste à 385 euros et que le statut intermédiaire à 835 euros doivent encore être modifiés ou créés, il est impossible à ce stade de savoir combien de gens seront finalement concernés par l’augmentation du minerval à 1194€.

Il est donc impossible de savoir qui, lors du débat, a raison sur ce point.

J’aurais pu recevoir une trousse pour mon fils (Georges-Louis Bouchez – MR)

Autre point sur lequel les présidents de partis se sont affrontés, c’est celui de la gratuité des fournitures scolaires en primaire. Actuellement, les fournitures scolaires sont gratuites jusqu’en 3e primaire. Un fonctionnement que le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a choisi de réformer.

« À quel moment, c’est devenu normal d’enlever la gratuité scolaire ? », s’est demandée Marie Lecocq, la co-présidente d’Ecolo. « À quel moment c’est devenu normal de dire aux parents : ‘ce n’est pas grave si vos enfants n’ont pas de bonnes fournitures’ ? À quel moment c’est devenu normal d’estimer que bien manger à la cantine le midi, ce n’était pas une priorité ? », a-t-elle ajouté.

« L’école reste bien évidemment gratuite », lui a répondu le président du MR, Georges-Louis Bouchez. « Mais avant qu’est-ce qu’on faisait ? Moi, par exemple, j’aurais pu recevoir un plumier gratuit pour mon fils. Je sais payer un plumier. Donc, on va réserver l’argent pour les enfants qui sont réellement en difficulté », a-t-il ajouté.

Vérification

La ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Elisabeth Degryse (Engagés) a déjà eu l’occasion de s’en expliquer sur les ondes de la RTBF. Il est prévu d’élargir, mais de cibler cette gratuité.

Actuellement, les fournitures scolaires sont gratuites pour tous les élèves jusqu’en 3e primaire. Avant que l’actuel gouvernement de la FWB ne change la donne, il avait été prévu d’étendre la gratuité de ces fournitures progressivement, année après année, pour arriver, in fine à la sixième primaire. Le gouvernement a souhaité revoir ce système, partant du constat que certains enfants ont moins besoin de gratuité que d’autres. Il y avait aussi « parfois de la surconsommation », a fait remarquer Elisabeth Degryse.

Désormais, l’enveloppe budgétaire consacrée à la gratuité des fournitures scolaires va être réduite, mais elle sera aussi organisée autrement. « L’organisation de la gratuité va devenir une condition de l’octroi des subventions », accordées aux écoles, a expliqué la ministre-présidente. La gratuité des fournitures ira jusqu’en 6e primaire, mais uniquement « pour les enfants qui en ont le plus besoin » et ce sera aux écoles d’organiser cela. « Pour les fournitures, la mise à disposition jusqu’en fin de sixième primaire pour les enfants ayant le plus besoin devient une condition de subventionnement et d’accès aux dotations des écoles », a précisé le gouvernement de la FWB dans sa communication.

Conclusion

L’affirmation de Georges-Louis Bouchez est donc vraie.

La fin du statut des profs va coûter 500 millions d’euros (Paul Magnette – PS)

Toujours sur la question de l’enseignement, le président du PS a avancé un chiffre concernant la mesure qui vise à mettre fin au système de nomination des enseignants pour le remplacer par des contrats à durée indéterminée (CDI). « En réalité, vous avez décidé de supprimer le statut des profs. Ça vous coûte 500 millions », a-t-il indiqué lors du débat.

Vérification

Présente dans l’accord de Gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles, cette mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2025 et concerne l’ensemble des fonctionnaires contractuels de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui ne deviennent dès lors plus statutaires.

Cependant, pour les enseignants ce n’est qu’à partir de la rentrée scolaire 2027 qu’ils seront engagés sous contrat à durée indéterminée (CDI) et qu’ils ne seront donc plus officiellement « nommés« .

Le but affiché par la majorité MR-Les Engagés est de lutter contre la pénurie en garantissant plus de stabilité, pour éviter notamment qu’ils ne quittent la profession prématurément. La mesure est cependant contestée, par les organisations syndicales comme la CSC-Enseignement.

Concernant le coût estimé de cette mesure, le chiffre de « 500 millions d’euros » est issu d’un calcul réalisé par les experts du parti socialiste. En octobre 2024, Le Soir indiquait que ces derniers avaient estimé que « si elle était appliquée aujourd’hui (ndlr : en octobre 2024) sur l’ensemble des personnels enseignants, cette réforme coûterait 499 millions d’euros ».

Dans ce calcul théorique, le PS estimait que le surplus à payer au niveau des salaires pour la FWB serait de 408 millions d’euros, auquel les experts ajoutaient 189 millions d’euros supplémentaires pour mettre en place un second pilier de pension. De cette somme (597 millions d’euros), ils ont déduit 98 millions d’euros récupérés sur les congés maladie qui seraient assurés par le fédéral plutôt que la FWB dans ce nouveau scénario. Comme indiqué par nos confrères, il s’agissait d’un « calcul théorique » et ne prend pas compte un certain nombre de données comme l’impact d’autres réformes en cours sur ces hypothèses.

Sollicitée à l’époque pour commenter le chiffre de 500 millions d’euros, la ministre Glatigny avait jugé le calcul prématuré, notamment parce que « le package salarial du CDI […] devra (encore) être négocié avec les syndicats et fédérations de PO », et avait également contesté la méthode choisie par les experts du PS pour faire le calcul.

Elle indiquait enfin qu’ »une réforme systémique d’une telle ampleur, ainsi que son coût éventuel, est à mesurer sur le très long terme, à savoir les 40 prochaines années ».

Conclusion

Basé sur un calcul théorique des experts du Parti Socialiste (PS), le montant réel du coût de cette réforme du passage de la nomination des profs vers des CDI qui ne sera effective qu’en 2027, est encore difficile à prédire avec exactitude. Il est donc impossible de déterminer si l’affirmation est vraie ou fausse.

La fin du tronc commun va coûter 44 millions d’euros (Marie Lecocq – Ecolo)

Au cours du débat, Marie Lecocq (Ecolo) s’en est prise à la réforme du tronc commun en raison du coût qu’elle engendrera. « Vous avez décidé d’arrêter le tronc commun en 3e (secondaire). (…) Ça coûte 44 millions », a-t-elle souligné en s’adressant à Georges-Louis Bouchez.

Vérification

Ce chiffre a été remis dans l’actualité à la faveur du rapport du Comité d’experts auquel le gouvernement de la FWB avait demandé d’examiner la situation budgétaire de la Fédération et de faire des recommandations.

Les experts avaient préconisé de maintenir les réformes prévues (avant l’actuelle majorité MR-Engagés) dans le cadre du Pacte pour un Enseignement d’Excellence. Renforcer et allonger le tronc commun jusqu’en 3e secondaire devait, ont souligné les experts, permettre de générer 44 millions d’euros d’économie. Cela s’explique notamment par le fait que ne plus avoir de choix d’options, surtout les options qualifiantes (professionnelles) en 3e secondaire aurait permis d’économiser sur le nombre d’enseignants nécessaires. En choisissant de réintroduire certains choix d’options en 3e secondaire, notamment des options qualifiantes, le gouvernement actuel ne devrait plus parvenir à ces 44 millions d’euros d’économie.

Cependant, ce chiffre ne date pas de 2025 mais d’un rapport plus ancien de 2017 : l’avis n°3 du groupe central dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence datant du 7 mars 2017. Il y est écrit en page 341 : « Synthèse de l’impact budgétaire en rythme de croisière –> Définir et renforcer le nouveau tronc commun : -44 million ».

Ce montant était une économie attendue. Annuler cette disposition ne le transforme pas en « coût » en tant que tel, la Fédération se prive d’une économie.

D’un côté, ce montant n’a été pas indexé entre 2017 et 2025, et est donc probablement sous-estimé aujourd’hui. D’un autre, ce que Marie Lecocq catégorie comme « la fin du tronc commun », est en fait un mélange plus subtil qu’une suppression pure et simple. En troisième secondaire, les élèves auront à choisir, à raison de 8 périodes par semaine entre des activités « de transition », c’est-à-dire des matières telles que les mathématiques, les sciences, les langues, les sciences économiques, ou des activités « qualifiantes », c’est-à-dire des matières qui relèvent actuellement de l’enseignement technique ou professionnel. Ils pourront aussi choisir un mix composé de quatre périodes d’activités qualifiantes et de quatre heures d’activités de transition.

Cela signifie que le gouvernement ne passe complètement à côté de l’économie avancée.

Conclusion

Le chiffre cité par Marie Lecocq correspond bien à une estimation de 2017 de l’économie permise par la fin du tronc commun. Ce montant de 44 millions doit certainement être indexé en euros courants de 2025, ce qui augmenterait le montant. Cependant, la version de la 3e secondaire préparée par Valérie Glatigny n’est pas une suppression pure et simple du tronc commun, et permet de conserver une partie de l’économie estimée.

L’affirmation de Marie Lecocq est donc plutôt vraie.

Avant le Pacte d’Excellence, les profs prestaient entre 20 et 22 heures, à l’appréciation des directions (Georges-Louis Bouchez – MR)

Toujours dans le chapitre consacré aux réformes et économies en matière d’enseignement, Paul Magnette fustige la décision d’augmenter de 20 à 22h le nombre d’heures par semaine passées face à la classe, des enseignants du secondaire supérieur (4e, 5e et 6e années).

« Vous ne vous rendez pas compte de ce que c’est », dit-il en regardant ses collègues présidents de la majorité. C’est facile de dire ‘les enseignants, ils ne travaillent que X heures, ils ont plein de congés’. Mais vous avez la présence devant la classe qui est déjà difficile, les temps de préparation, les temps de correction, les garderies de midi, les réunions de parents, les réunions avec la direction, vous avez un temps fou. Et au total, la charge de travail totale de l’enseignant, elle dépasse largement 40 heures. »

Le président du PS est coupé par un joker de Georges-Louis Bouchez qui contre-attaque. « Je commence à être fatigué avec ce genre de mensonges. Avant le Pacte (pour un enseignement) d’excellence, et avant votre ministre Caroline Désir (ministre de l’Enseignement de 2019 à 2024) », lance Georges-Louis Bouchez en pointant le doigt vers Paul Magnette, « c’était déjà pour les enseignants du secondaire supérieur entre 20 heures et 22 heures. C’était laissé à l’appréciation des directions. Et nous revenons en arrière sur une mesure du Pacte, pour replacer tous les enseignants de secondaire, que ce soit inférieur ou supérieur sur un pied d’égalité. Je rappelle qu’une enseignante en maternelle a 26 heures. Et donc oui, c’est de la justice sociale que tout le monde contribue de la même manière », conclut-il.

Vérification

Le Pacte pour un enseignement d’excellence a abouti à une importante reclarification du travail des enseignants dans un décret datant de 2019. Il existait avant cela un système de « plages horaires » qui faisait que les professeurs du secondaire supérieur pouvaient avoir de 20 à 22 heures de cours en classe. Mais il existait déjà une inégalité avec les enseignants du secondaire inférieur qui avaient eux de 22 à 24 heures de travail en classe. Ce n’est donc pas le Pacte pour un enseignement d’excellence qui a introduit cette égalité.

Par ailleurs, ce n’est pas l’ancienne ministre de l’Enseignement, Caroline Désir (PS), qui a réalisé cette modification, mais celle qui lui a précédé, Marie-Martine Schyns (cdH), comme le montrent les signatures en bas du décret, voté le 14 mais 2019, deux mois avant les élections de mai 2019.

Cette réforme de 2019 définissait les cinq composantes de la charge d’un enseignant que sont le travail en classe, le service à l’école et aux élèves, le travail collaboratif, le travail autonome et la formation continuée. Elle a fixé la norme sur la limite la plus basse : 20 heures pour le secondaire supérieur, 22 heures pour le secondaire inférieur. Mais elle instituait deux périodes supplémentaires par semaine consacrées par chaque enseignant au travail collaboratif. Les enseignants peuvent toutefois prester, sur base volontaire, 4 heures supplémentaires, payées, par semaine.

Conclusion

L’affirmation de Georges-Louis Bouchez est donc plutôt fausse.

Il est vrai que certains enseignants du secondaire supérieur prestaient déjà 22 heures avant la réforme liée au pacte d’excellence de 2019. Celle-ci n’était toutefois pas liée à Caroline Désir, et la réforme portée aujourd’hui par Valérie Glatigny ne constitue pas réellement un retour à avant 2019 puisqu’il existait à l’époque une différence entre secondaire inférieur et supérieur, et qu’une bonne partie des enseignants du secondaire supérieur prestaient 20 heures en classe par semaine avant 2019. Elle n’était pas non plus laissée à l’appréciation des directions.

Certains profs vont devoir passer plus de temps en classe… Combien d’heures travaillent-ils déjà réellement ?Certains profs vont devoir passer plus de temps en classe… Combien d’heures travaillent-ils déjà réellement ?

9% des demandeurs d’emploi qui le sont depuis plus de 20 ans ont retrouvé un emploi depuis janvier (Georges-Louis Bouchez – MR)

Au cours d’une digression sur le chômage, Georges-Louis Bouchez justifie la limitation du chômage dans le temps et souhaite démontrer par un exemple qu’elle fonctionne. « Il y a 9% des demandeurs d’emploi qui le sont depuis plus de 20 ans qui ont déjà trouvé un emploi depuis le mois de janvier, donc parfois ça aide un peu de créer un cadre », dit-il.

Vérification

Ces chiffres proviennent du Forem, le service public wallon de l’emploi et de la formation professionnelle pour la Wallonie. Ils ont été dévoilés en septembre dernier au cours d’une conférence de presse, relayée dans Le Vif, souhaitant montrer un message positif aux employeurs pour leur dire que même avec ce public réputé plus difficilement employable, il est possible de remettre à l’emploi.

Dans le détail, le porte-parole du Forem, Thierry Ney nous précise : « Si on prend l’ensemble des demandeurs d’emploi de Wallonie qui vont être exclus dans la première vague de la limitation du chômage dans le temps, on compte environ 1/3 de demandeurs d’emploi de plus de 20 ans, et 2/3 de jeunes bénéficiant d’allocation d’insertion. Au sein du premier groupe, donc celui des demandeurs d’emploi de plus de 20 ans, 9% ont retrouvé un contrat d’au moins 1 jour au cours des 6 mois qui précédaient la conférence de presse. Pour le deuxième groupe, c’est le cas de 37% d’entre eux. »

Interrogé sur la comparaison entre ce taux de 9% constaté entre mars et août, à la faveur des annonces de limitation de chômage dans le temps (depuis la mise en place du gouvernement Arizona début février) et celui de la même période les années précédentes, le Forem n’a pas pu nous répondre. « Mais clairement, ces annonces en février lors de la constitution du gouvernement puis en juillet au moment de l’envoi des lettres ont créé une petite dynamique », affirme Thierry Ney.

Conclusion

Ce taux de remise à l’emploi de 9% des demandeurs d’emploi de plus de 20 ans a été constaté sur les six mois précédents la conférence de presse de septembre, donc entre mars et août. Néanmoins, le taux et les données sont justes.

L’affirmation de Georges-Louis Bouchez est donc globalement vraie.