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De la poudre de grillons dans la nourriture à l’insu du consommateur ? Impossible si c’est préemballé, improbable pour le vrac

De la poudre de grillons dans la nourriture à l’insu du consommateur ? Impossible si c’est préemballé, improbable pour le vrac - Featured image

Author(s): Marie-Laure Mathot

C’est une information qui circule sur les réseaux sociaux cette semaine ainsi que sur certains sites, mais également via le formulaire Questions-réponses de la RTBF : il serait possible d’avoir de la farine d’insectes dans notre baguette à notre insu. Une information inexacte mais dont les nuances sont à préciser.

Exemple avec cette publication Facebook. “L’UE a autorisé l’ajout d’insectes aux produits de boulangerie, pâtes et autres plats préparés pour le public au cours de la nouvelle année 2023. Bien que les données publiées sur les allergies et les éventuelles réactions anaphylactiques soient trop rares, la Commission européenne considère qu’il n’est pas nécessaire d’imposer des exigences d’étiquetage particulières pour les éventuelles réactions allergiques.

© Capture d’écran

Ce genre de publications se comptent par dizaine depuis quelques jours. Chez nous, en Belgique, l’Afsca, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire, nous a confié avoir reçu des appels concernant ce sujet.

Si le ton utilisé dans certains articles et les sources laissent planer des doutes sur la fiabilité de cette information, pourrait-elle néanmoins être vraie ? Oui, la poudre d’insectes peut se retrouver dans nos aliments. Il est par contre faux de dire qu’aucune exigence d’étiquetage particulière n’est demandée. Mais qui dit étiquetage, dit produits emballés. Or, tous les produits ne sont pas toujours préemballés à l’heure du vrac ou dans les restaurants. L’information doit alors être disponible à la demande.

Ces denrées non emballées pourraient-elles contenir de la poudre d’insectes ? Dans la pratique, elle est tellement chère que cela n’aurait aucun intérêt pour le producteur de l’intégrer dans un aliment sans la mettre en avant. Reprenons point par point.

Quelle autorisation l’Union européenne a-t-elle donnée ?

En réalité, la poudre de grillon domestique est déjà autorisée à la vente depuis l’année dernière dans l’Union européenne. Il s’agissait du troisième insecte autorisé à la consommation. La différence depuis ce 24 janvier ? C’est la poudre de grillon dégraissée que l’on peut retrouver dans notre alimentation. Une version ‘light’ donc de notre poudre de grillon. Exhaustivement, elle est autorisée dans :

  • Les biscuits secs et gressins,
  • Les barres de céréales,
  • Les prémélanges secs pour produits cuits au four,
  • Les biscuits, les produits secs à base de pâtes farcies ou non,
  • Les sauces,
  • Les produits transformés à base de pommes de terre,
  • Les plats à base de légumineuses et de légumes,
  • Les pizzas,
  • Les produits à base de pâte,
  • Le lactosérum en poudre,
  • Les substituts de viande,
  • Les soupes et concentrés ou poudres de soupe,
  • Les en-cas à base de farine de maïs,
  • Les boissons similaires à la bière,
  • Les confiseries au chocolat,
  • Les fruits à coque et oléagineux.

Pour les cinq prochaines années, c’est l’entreprise vietnamienne Cricket One qui a reçu l’autorisation après les examens de l’EFSA, l’autorité européenne de sécurité des aliments pour produire cette poudre d’insectes dégraissée.

D’autres insectes ont également été autorisés dans l’Union européenne dans la fabrication de ces mêmes produits suite à la demande d’entreprises précises et après vérification de l’EFSA. Il s’agit des insectes suivants :

En Belgique, c’est un peu différent. D’autres entreprises peuvent continuer à produire des insectes. Deux conditions pour cela : si elles ont commencé à produire avant 2019 et tant que l’Union européenne n’a pas statué sur leur cas.

La Commission européenne veut-elle nous faire manger des insectes ?

Il est vrai de dire que l’Union européenne compte sur cette production de protéines dans le cadre de sa stratégie “De la ferme à la table” car c’est une production qui pollue moins que la production de viande, qui demande moins d’eau et émet moins de gaz à effet de serre dans le cas d’une production locale. Il s’agit également d’ingrédients riches en protéines, en fibre, en vitamines et en minéraux et en graisses quand il n’est pas dégraissé. Mais ce n’est pas pour autant que nos autorités européennes veulent nous en faire manger à tout prix et surtout, à notre insu. C’est plutôt vu comme une solution parmi d’autres dans le cadre de la transition écologique.

Ce discours selon lequel nous allons manger des insectes à notre insu, est en fait celui d’un mouvement conspirationniste appelé “The Great Reset” dont l’une des théories est que l’élite mondiale voudrait nous forcer à manger des insectes mais aussi des mauvaises herbes et des eaux usées… bref, d’appauvrir le peuple pendant que les riches de ce monde continuent à manger de délicieux petits plats.

Les vidéos alarmistes sur les composants soi-disant nocifs de la nourriture et de l’eau potable ont toujours eu du succès sur Internet, mais l’intérêt récent des conspirationnistes pour la consommation d’insectes est frappant”, écrivait le magazine flamand Knack déjà en août 2022. “L’aspect le plus important est que les insectes et les vers sont répugnants pour de nombreuses personnes en Occident. En associant toutes sortes d’initiatives et d’individus à une pratique qui suscite le dégoût du public visé, le principal espoir est de récolter de nouvelles âmes pour la théorie du complot au sens large.”

Le magazine flamand citait l’entreprise belge Kriket, cible de messages menaçants.

Nous avons eu les mêmes échos de la part de Gabrielle Wittock, fondatrice de l’entreprise Yuma à Bruxelles qui produit des biscuits à base d’insectes. “Depuis cette nouvelle législation la semaine dernière, nous n’arrêtons pas de recevoir des mails de ‘haters’ (mails haineux, ndlr). Ils nous insultent. Vous n’avez pas idée de la violence de leurs propos”, explique la cheffe d’entreprise.

Pourriez-vous en manger sans le savoir ?

Cela étant dit, revenons à nos grillons. Est-il possible d’en avoir dans nos aliments à notre insu ?

Si le produit est emballé, clairement, la réponse est non. Le règlement d’exécution prévoit que ce nouvel ingrédient doit figurer sur l’emballage de cette manière : “poudre d’Acheta domesticus (grillons domestiques) partiellement dégraissés”. Impossible donc de faire passer cette poudre sous la formulation “contient des protéines animales” ou “contient farines protéiques”.

Les Services publics fédéraux (SPF) Santé publique et Economie veillent au grain. Ce sont les administrations belges qui garantissent la bonne application de la loi. Elles contrôlent donc l’utilisation de ces ingrédients et nous confirment en interview qu’il est obligatoire que cette mention soit bien affichée.

Par contre, et c’est là que la nuance est à apporter, si le produit n’est pas préemballé, il est difficile de l’indiquer. Par exemple, si vous achetez des biscuits en vrac, une tarte dans une pâtisserie, une pizza au restaurant ou un pain dans une boulangerie… dans ces cas-là, pas d’emballage à l’avance. Et la liste des ingrédients n’est pas toujours disponible sans la demander. Et donc pas d’indication ? Ce n’est pas si simple.

D’abord, il est toujours possible de demander la liste des ingrédients. C’est même obligatoire de pouvoir la fournir. Ensuite, se pose la question des allergènes qui doivent être également clairement visibles si c’est emballé, et disponibles pour le vrac ou au restaurant. L’EFSA a établi un lien entre les allergies aux crustacés, mollusques et acariens et une potentielle allergie aux insectes. Il doit donc être indiqué.

L’étiquetage des denrées alimentaires contenant des formes congelées, séchées et en poudre d’Acheta domesticus (grillon domestique) doit indiquer que cet ingrédient peut provoquer des réactions allergiques chez les personnes présentant une allergie connue aux crustacés, aux mollusques et à leurs produits, ainsi qu’aux acariens. Cette déclaration doit figurer à proximité immédiate de la liste des ingrédients lorsque l’étiquetage en reprend une“, nous répond le SPF Santé publique.

Dans les faits, vous entrez dans votre magasin en vrac. La liste des ingrédients n’est pas toujours affichée mais vous pouvez la demander. Si vous ne le faites pas, un ingrédient pourrait donc vous échapper. Mais l’industrie a-t-elle intérêt à mettre de la poudre d’insecte dans ses préparations sans vous le dire ?

Pour Gabrielle Wittock, aucun. “Même si le prix de la poudre d’insectes a tendance à devenir beaucoup moins cher, elle reste tout de même dix fois plus chère que le kilo de farine. On paye deux à trois euros le kilo de farine conventionnelle alors que la poudre d’insecte est à 25 à 30 euros le kilo.” Même écho du côté du SPF Santé publique. “Il est très improbable vu le coût de ces ingrédients. L’opérateur en général veut mettre sa présence en avant.

Le cas du pain

Dans le cas spécifique du pain, la réglementation belge prévoit une liste d’ingrédients autorisés à être ajoutés à la préparation. C’est au ministre de la Santé de donner la liste des ingrédients autorisés, explique le SPF Economie. Mais les insectes n’ont pas été ajoutés à cette liste. Tout comme d’autres ingrédients que l’on retrouve pourtant déjà dans certains pains. Par exemple, les tomates séchées ou les olives.

Mettre de la poudre d’insectes dans le pain serait donc une infraction… au même titre que mettre des olives ou des tomates séchées que l’on retrouve pourtant bien dans le commerce aujourd’hui.

Résultat des courses :

  • Oui, la poudre de grillons dégraissée ou non, mais aussi de larves de ver de farine et de criquet migrateur peuvent se retrouver dans nos aliments.
  • Le fait que l’insecte soit un ingrédient doit être indiqué dans la liste des ingrédients et des allergènes.
  • Tous les produits ne sont pas toujours préemballés et c’est là que la poudre de grillon pourrait se loger sans que le renseignement ne soit donné spontanément même s’il doit être disponible.
  • Mais dans la pratique, la poudre de grillon est tellement chère que cela n’aurait aucun intérêt pour le producteur de l’intégrer sans le mettre en avant.